mercredi 12 décembre 2007

Hanokh Levin - Krum @ Théâtre de l'Odéon, mardi 11 décembre 2007

Quelques mois après son affaire Makropoulos, Krzysztof Warlikowski est de retour à Paris, à l'Odéon, avec sa mise en scène de Kroum l'Ectoplasme d'Hanokh Levin, créée au festival d'Avignon en 2005. Et c'est magistral. Il a transformé la comédie de Levin en une tragédie burlesque pleine d'un souffle qui transcende la banalité des vies exposées à nos regards.

Warlikowski commence par chambouler le déroulement de l'(in)action. La scène finale, au cours de laquelle Kroum se lamente du vide laissé par la mort de sa mère, se retrouve projetée en prologue sur l'écran qui servira aux surtitres par la suite (la pièce est proposée en polonais). Une issue fatale connue d'avance : le ressort de la tragédie classique est bien là. Tout résonnera donc différemment à présent.

La scène inaugurale du retour de Kroum à Tel-Aviv, alors qu'il annonce à sa mère qu'il n'a rien réussi, ni même rien fait, à l'étranger et qu'il ne lui rapporte qu'une valise de linge sale, prend un sens nouveau par sa juxtaposition au prologue. Au vide laissé par sa mère (dont il s'aperçoit trop tard), Kroum oppose un vide existentiel qui transforme le cliché comique de la mère juive attendant tout de son fils en une douloureuse lamentation silencieuse sur la difficulté de l'absence de destin. Ce retour stérile face à ce départ définitif dessinent comme un va-et-vient immobile où se muent avec difficulté les amis de quartier de Kroum. La galerie de portraits d'êtres sans destin qui compose la pièce (Trouda la bougeotte, Doupa la godiche, Tougati l'affligé, Shkitt le taciturne, etc.) prend alors des tours est-européens qui ne sont pas sans évoquer la dramaturgie russe (Tchekhov en ligne de mire).

Humoir noir et mélancolie mêlés, la mise en scène n'hésite pas, en évoquant l'univers visuel d'Almodovar, à pousser le texte de Levin du comique vers le burlesque. On rit franchement, mais il est bien difficile d'imaginer se moquer des personnages. Leur sensibilité, leur épaisseur (magnifiée par les acteurs) est bien palpable, au cœur de leur désespérante banalité.

On reconnaît par ailleurs des éléments visuels déjà présents dans L'affaire Makropoulos : un même espace profond délimité par trois murs, des références cinématographiques accentuées par la présence de la salle de cinéma sur la scène du théâtre, ou des jeux de lumières en Technicolor qui aiguisent paradoxalement l'atmosphère blafarde de ce quartier paumé de Tel-Aviv. Une même volonté de transplanter l'univers de l'auteur, en en gardant tout le sens, et même pour mieux le révéler, vers ses propres lieux.

Faut-il faire sa gymnastique le matin ou le soir ? Ce cancer qui ronge l'existence de Tougati ne trouvera sa réponse que quand le véritable cancer l'emportera et, qu'enfin, des raisons de vivre apparaîtront. Mais trop tard. Beaucoup trop tard. C'est par la mise en scène de ce trop tard, qui irrigue toute la pièce, que Warlikowski grandit l'oeuvre de Levin. Et confirme son talent.

samedi 10 novembre 2007

Wayn Traub - N.Q.Z.C. @ Théâtre de la Ville, vendredi 9 novembre 2007

Le Théâtre de la Ville donne à voir ces jours-ci la création mondiale de la nouvelle pièce de Wayn Traub, N.Q.Z.C. J'y étais hier soir. Le metteur en scène flamand, à travers cette pièce, propose l'aboutissement d'un processus de création intitulé Arkiologi. Pendant plusieurs mois, Traub et sa troupe de comédiens ont expérimenté, à la Toneelhuis d'Anvers, de nouvelles formes d'expression théâtrale qui enrichissent aujourd'hui sa mise en scène.

Le titre de la pièce est un sigle phonétique qui fait référence à l'Inquisition. Ritualiste, le théâtre de Wayn Traub abonde en références religieuses - visuelles, thématiques. Aucun rapport, ceci-dit, avec la véritable Inquisition ici. Il s'agit plutôt d'un questionnement critique sur nos propres faiblesses, le résultat d'une inquisition intérieure et personnelle, qui peut prendre la forme de la psychanalyse. L'un des trois personnages (pour quatre acteurs) de la pièce tient d'ailleurs occasionnellement le rôle d'une psychanalyste. Quatre acteurs (plus des apparitions muettes et masquées de Wayn Traub lui-même dans les passages chorégraphiés), trois personnages et des rôles multiples pour chacun. Trois histoires qui n'en font en fait qu'une à la fin : une fable médiévale autour de l'amour éternel, un conte futuriste autour d'une variation sci-fi du mythe d'Orphée, et donc la psychanalyse d'un professeur émérite. Le professeur, le jeune amant de la fable et l'astronaute perdu dans l'espace à la recherche de sa bien-aimée ne font en fait qu'un (interprété par deux acteurs). La narratrice de la fable, le Malin et la psychanalyste ne sont également qu'un seul et même personnage. Tout comme l'amante de la fable et la femme du professeur, danse-thérapeute déjantée. Trois personnages, trois couleurs : noir, rouge et blanc respectivement. Les jeux visuels autour de ces couleurs et du rapport entre la lumière et l'obscurité sont d'une grande beauté. Ils donnent une incontestable force à la mise en scène.

Toute l'action semble au final s'être déroulée dans la tête du professeur - ou au moins dans le cabinet de sa psychanalyste. On comprend peu à peu que la fable médiévale et le conte de science-fiction sont des allégories et des fantasmes liés à l'histoire du professeur et à sa relation à sa femme. Le propos de Wayn Traub, et de l'auteur Paul Pourveur, interroge notre sens du sacrifice, notre relation à l'animalité, à la danse, ou encore au mythe de l'amour éternel. En conservant une part de mystère, d'inexpliqué, en préférant les questions au réponses, Wayn Traub semble faire l'éloge de la grandeur de la religion (ouverture sur l'infini), dans un contraste saisissant avec la référence du titre (recherche de l'aveu).

Le récit est entrecoupé de passages chorégraphiés au rythme d'une musique mêlant l'ancienneté solennelle de l'orgue et les cliquetis futuristes des ordinateurs. Ces passages sont aussi l'occasion de nombreux jeux de lumières, variations autour des couleurs des personnages, qui mettent en avant l'importance de l'œil dans le théâtre de Traub.

On rit aussi à l'occasion. Grâce à quelques réflexions du professeur sur la perception de l'amour chez l'homme et le refus de l'animalité dont cela témoigne, ou face aux numéros de danse-thérapie de la femme du professeur. Et pourtant, ces remarques humoristiques seront à l'origine de la fin douloureuse de la pièce. Comme si Wayn Traub cherchait à se moquer des affirmations trop péremptoires pour laisser la place au doute. Là aussi, grandeur et misère de la religion.

Quelque peu ésotérique au départ, N.Q.Z.C. trouve progressivement sa cohérence et illustre parfaitement la dimension ritualiste du théâtre. Comme un pont jeté entre les racines antiques de cet art et son futur entrevu par Wayn Traub. Nova et vetera, comme disent les Évangiles.

Mephista @ Le Triton, mercredi 7 novembre 2007

Il y a un mystère Mephista. Comment une musique aussi bruitiste peut-elle être aussi poétique ? Il y a quelque chose qui me touche profondément dans cette attention minutieuse portée par le trio à la musicalité du moindre bruit. Les pincements, frottements, caresses de Sylvie Courvoisier sur les cordes du piano semblent toujours le fruit d'une écoute profonde des sons du monde. Ses incursions sur l'ivoire semblent résonner de toute une mémoire classique qui se marie à merveille avec les flux et reflux constants dont la musique du trio est innervée. Le contraste entre l'attitude quasi statique d'Ikue Mori derrière son laptop et les sons huileux qui en sortent, venant s'immiscer, comme des virus sonores, dans le jeu du trio, a quelque chose de fascinant quand la vision vient compléter l'écoute. Susie Ibarra, au centre, a le visage d'un bouddha au féminin. Elle trône derrière sa batterie, sure de sa force, et donc économe de celle-ci. Le concert du trio donné au Triton mercredi dernier a été un très grand moment. On peine à retranscrire en mots la magie qui se dégage de leur musique. D'autres l'ont fort bien fait ceci-dit.

La beauté de Mephista réside en fait dans une sorte d'équilibre fragile, spontané, qu'un rien pourrait briser mais qui semble pourtant le fruit d'une telle écoute réciproque qu'il semble indestructible : le moindre bruissement a un sens, pareil à la simple beauté du vent balayant les feuilles d'automne ; le lyrisme tonitruant de l'orage répond à la légèreté claudiquante d'une fine pluie clairsemée ; la mémoire de l'ancien irrigue les combinaisons sonores inédites. A la fois naturaliste et industrielle, la musique de Mephista semble combiner les sons de l'organique et la mémoire des hommes, l'innée et l'acquis, le murement réfléchi et la spontanéité de l'improvisé. Une double nature, éternelle et moderne, dont le poète faisait la caractéristique de l'art. Mephista, trois peintres de la vie moderne.

mercredi 7 novembre 2007

Marc Ribot @ Porgy & Bess, Vienne, lundi 5 novembre 2007

Lundi 5, au Porgy & Bess, Marc Ribot est seul sur scène. Une guitare sèche, une autre électrique. Après Pantin et Barcelone cette année, on va croire que je le suis à la trace. Et pourtant ce n'est que le fuit du hasard (qui, comme chacun sait, fait bien les choses). Des blues qui nous rappellent son engagement aux côtés de Tom Waits, des standards déconstruits pour le côté romantique, une pièce du Book of Heads de Zorn avec des ballons pour le ludisme, des études pour guitare pour l'exploration des possibles... Ribot habite la scène, seul, ce qui n'est jamais évident. Le rythme est très présent ici, absent là. La mélodie cède la place aux dissonances. Abondances d'effets électriques et pureté du jeu classique alternent. Le guitariste emmène peu à peu le public dans son univers kaléidoscopique. Avec pourtant ses quelques inflexions de jeu si reconnaissables. Franc succès dans la belle salle, chic, simple et post-cabaret du Porgy & Bess. New York Downtown comme îlot cacane préservé... il y aurait sans doute une thèse à faire là-dessus.

Sonore @ Blue Tomato, Vienne, jeudi 1er novembre 2007

Jeudi 1er novembre, le Blue Tomato ouvrait le 10e IG-Jazz Festival par une prestation du trio Sonore, soit la ligne de sax du Chicago Tentet : Peter Brötzmann, Mats Gustafsson et Ken Vandermark. Petite salle, gros son. Énorme même, par moments. Mais pas seulement. Et c'est sans doute là que réside la surprise. Certains thèmes sont très doux, comme possédant des résonances folkloriques puisées dans le fin fond des mémoires paysannes d'Europe centrale ou de Scandinavie. Les explosions sonores, brutales plus que bruitistes, en semblent alors le prolongement, comme une exacerbation expressionniste qui mêlerait l'ancestral et le contemporain.

Brötzmann, alto, ténor et clarinette au bec, mène le plus souvent le discours. C'est lui qui donne les directions à suivre, impulse changements de rythme et montées en puissance. Mats Gustafsson s'exprime essentiellement au baryton, servant de bas(s)e à la construction de l'ensemble. Mais il apporte aussi quelques sonorités décalées à l'aide d'une clarinette métal et d'un sax à coulisse. Ken Vandermark alterne ténor et clarinette, œuvrant plus souvent que ses compères dans le registre mélodique. Si les passages collectifs surpuissants impressionnent - c'est ce qu'on attend de ces trois-là - les solos que chacun prend au cours du concert révèlent des sensibilités plus complexes. Au final, on retient plus de ce concert la richesse des paysages sonores abordés que le révolutionnarisme un peu daté que ce genre de musique suppose parfois. Tant mieux !

samedi 27 octobre 2007

Arne Lygre - Homme sans but @ Ateliers Berthier, vendredi 26 octobre 2007

Le noir. Total. Puis, une lumière ouatée, d'aube naissante. Deux silhouettes se détachent sur un sol immaculé. Elles contemplent un fjord. Peter et son frère viennent d'y accoster. Ils rêvent d'y construire, à partir de rien, une ville nouvelle. Peter, à qui tout a toujours réussi, veut se mettre en danger, connaître ne serait-ce que la possibilité de l'échec. Les gestes sont lents. Les déplacements comme entravés par de lourdes semelles de plomb. La langue se déploie dans le temps. Devient arythmique. Les personnages sont-ils bien réels ? Ne sommes-nous pas plutôt projetés dans une autre dimension, peuplée d'avatars virtuels, à l'espace et au temps encore mal définis ?

La pièce d'Arne Lygre, jeune auteur norvégien né en 1968, présentée actuellement aux Ateliers Berthier dans le cadre du Festival d'Automne, joue constamment de la confusion entre le réel et le virtuel, l'apparence et le concret. Avec, en son centre, un personnage principal qui semble réunir ces deux contraires : l'argent. Homme sans but est une pièce sur le pouvoir (corrupteur ?) de l'argent, le pouvoir d'achat. Peter, milliardaire ayant fait fortune dans on ne sait quel virtual business, achète tout. Il arnaque d'abord le propriétaire des terrains longeant le fjord pour y construire sa ville. Il reconstitue, ensuite, grâce à son argent, une vie sociale et familiale pleine d'apparences et de faux-semblants qui se délitera après sa mort, gangrénée par le cancer de l'héritage.

La mise en scène de Claude Régy dilate le temps. Le silence y est roi. L'économie (polysémie lourde de sens) est au cœur de sa vision de l'œuvre de Lygre. Les gestes et les mots sont précis. Chirurgicaux. Violents parfois. Comme invisibles le plus souvent. La pièce est portée par la présence électrisante de Jean-Quentin Chatelain, dans le rôle de Peter. L'acteur suisse, que j'avais pu voir récemment dans l'adaptation scénique du Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas d'Imre Kertész, y joue à merveille de son timbre de voix si particulier. Traînant. Magnétique. Il porte les deux premiers tiers de la pièce. Le dernier tiers, après sa mort, souffre de son absence.

Une atmosphère étrange émane finalement de cette pièce. Les personnages oscillent entre le je et le il. Tout y est lent. La lumière semble simultanément crue et ouatée. Les sons, évanescents et stridents. La vie ressemble à la mort. La mort ne ressemble pas à la vie. La langue est simple, économe. Elle crée l'âpreté. Lygre fait sentir le vide comme la langue de Hamsun fait sentir, physiquement, la faim. La force de cette œuvre n'est pas immédiate. Elle laisse le spectateur en suspens, dans une impression mitigée. Elle demande l'effet du temps. Mais elle marque. D'une manière indélébile.

vendredi 19 octobre 2007

Alain Platel - vsprs @ Théâtre de la Ville, jeudi 18 octobre 2007

Sous ce titre un peu énigmatique se cache le dernier spectacle du chorégraphe flamand Alain Platel, des Ballets C. de la B., créé l'année dernière au Théâtre de la Ville, et qui y revient pour quinze jours cet automne. J'y étais hier soir.

Le titre fait référence aux Vêpres de la Vierge de Monteverdi, revues par Fabrizio Cassol, saxophoniste d'Aka Moon. Pour l'occasion, une chanteuse (Christina Zavalloni) et neuf musiciens interprètent sur scène la musique : les trois d'Aka Moon (vus récemment en clôture de Jazz à la Villette pour le concert-anniversaire de leurs quinze ans), l'ensemble baroque Oltremontano (deux sacqueboutes et deux cornets à bouquin) et deux musiciens roms, Tcha Limberger au violon et à la flûte et Vilmos Csikos à la contrebasse. La musique, malgré les différentes atmosphères abordées, trouve assez vite son unité, comme parcourue d'un bout à l'autre par une certaine tension spirituelle propice à l'élévation des corps. Et c'est d'ailleurs un spectacle en trois dimensions que proposent les dix danseurs présents sur scène. Le fond de la scène est en effet surmonté d'une montagne de vêtements immaculés qui sert de prétexte à des jeux d'escalade acrobatiques.

Danseurs ou circassiens, les membres des Ballets C. de la B. entremêlent les genres, d'hallucinants mouvements contorsionnistes en éructations spasmodiques de noms de super-héros (de Superman à Lassie chien fidèle). La musique se tait parfois, laissant les corps traversés de tremblements seuls en scène, comme dénudés, frappée d'une fragilité inquiétante. On pense souvent aux mouvements mi-automatiques mi-incontrôlés des aliénés mentaux, source d'inspiration avouée de Platel pour ce spectacle. Les transes africaines décrites dans le programme sont moins évidentes. Certains solos ont une grande force émotionnelle, quelques passages collectifs proposent de captivants mouvements désordonnés/réordonnés en instantané. Toutefois, la force de la danse semble s'épuiser au fur et à mesure que le spectacle avance, comme consumée de l'intérieur par une volonté de trop en faire. La fin est laborieuse, recourant de manière un peu systématique à quelques clichés éculés de l'art contemporain : la répétition ad lib., le mime sexuel avec sous-titres clignotants, l'épuisant épuisement de la musique et des gestes. Ma voisine lâchera même un retentissant "Mein Gott. Das is schlecht" avant de ne pouvoir contenir un fou rire et de lancer, en se levant, un définitif "ich kann nicht mehr".

La fin - interminable - gâche ainsi un spectacle pourtant assez captivant sur ses deux premiers tiers. On regrette que Platel n'ait pas su terminer plus tôt. L'œuvre y aurait certainement gagné en impact. Plus concentrée, resserrée, elle y aurait gagné un sens qui finit par se diluer dans un éclectisme trop éclaté.

dimanche 9 septembre 2007

Doug Hammond @ Point Ephémère, samedi 8 septembre 2007

Samedi, toujours au Point Ephémère, nouvelle déception avec la prestation sans intérêt de Doug Hammond. Je ne connaissais le batteur qu'à travers un disque, Perspicuity (1982) en trio avec Steve Coleman et le violoncelliste Muneer Adbul Fataah. Je me faisais une joie de pouvoir entendre cette légende méconnue, souvent citée par Coleman comme l'un de ses mentors, et souvent décrit comme l'inspirateur des conceptions rythmiques du M-Base. Doug Hammond a commencé le concert en solo, jouant de la batterie et chantant en même temps. Une voix pas désagréable, mais qui ne me touche pas. Son jeu de batterie n'est du coup pas au centre de ses préoccupations, et il ne se passe par conséquent pas grand chose. Je reste au bord de la touche. Sur la fin du concert, Doug Hammond est rejoint par les musiciens électro Joakim et Discipline. Là non plus, rien ne se passe. Ni groove, ni expérimentale, la partie électronique n'apporte rien. De vagues nappes d'ambiance qui peinent à créer quelque chose. Au bout d'une petite heure, le concert est déjà fini, alors qu'il ne semble jamais avoir véritablement commencé.

Kartet @ Point Ephémère, mercredi 5 septembre 2007

Mercredi soir, changement d'ambiance, avec Kartet au Point Ephémère, une salle à taille humaine, même s'il faut rester debout. Deuxième concert de Kartet pour moi cette année après leur passage par la Dynamo en mai dernier (pas eu le temps de le chroniquer, mais c'était super, avec Myra Melford en solo en première partie, géniale). Ce n'est pas de trop, surtout après ces quelques années de silence en tant que groupe. Kartet c'est Benoît Delbecq au piano (préparé), Guillaume Orti au sax alto, Hubert Dupont à la contrebasse et Chander Sardjoe à la batterie, soit le meilleur groupe de jazz français de ces quinze dernières années (et même un peu plus, Kartet existe depuis 1989). A nouveau un énorme plaisir à les entendre live ce mercredi. Ça groove incroyablement. C'est intéressant de les entendre dans le cadre de la programmation "Steve Coleman" du festival. Delbecq et Orti étaient des stages au Banff Center en 1990 quand Coleman en était le directeur artistique. L'influence des conceptions formelles du chicagoan se retrouve naturellement dans la musique de Kartet, mais on ne peut en aucun cas résumer leur musique à une descendance évidente et directe de l'esthétique M-Base. De nombreux autres ingrédients composent la potion magique de Kartet, à commencer par l'écoute attentive de la musique du XXe siècle (Ligeti, toujours, mais aussi Messiaen, Debussy...) ou des rythmes traditionnels indiens ou africains (science rythmique au sommet). La musique de Kartet peut paraître paradoxale à la première écoute : quoi de commun entre le style très vocal, délié, de Delbecq, le groove solide d'Hubert Dupont, les rythmes fous de Chander Sardjoe, et le dépouillement feutré de Guillaume Orti ? Rien, et c'est ça qui est génial : ils ont su construire une véritable identité de groupe, à partir d'éléments divers, et aujourd'hui cela sonne comme si tout cela était le résultat d'une rencontre des plus naturelles.

Le concert a débuté par Misterioso, thème de Monk qui ouvre leur récent cinquième album (The Bay Window). Le concert de Benoît Delbecq en duo avec Han Bennink à la Dynamo l'année dernière nous avait renseigné sur l'amour du pianiste pour son glorieux prédécesseur. L'intégration de l'écriture claudiquante de Monk à l'esthétique de Kartet fait immédiatement sens. Le concert commence bien. Très bien. Et la suite - uniquement des compos des membres du groupe - est du même tonneau. Il faut saluer le travail des ingénieurs du son qui ont su parfaitement adapter la musique du groupe aux dimensions de la salle, de telle sorte qu'on avait le sentiment d'être au cœur du groupe, resserré sur scène, compact et bouillonnant d'énergie. On ne voit pas le temps passer. Les morceaux extraits de The Bay Window s'enchaînent avec passion - on reconnaît les "pattes" différentes selon que l'écriture en revient à Benoît, Guillaume ou Hubert. Il y a aussi quelques emprunts à Spider's Dance de Dupont T, groupe d'Hubert Dupont où l'on retrouve Chander Sardjoe, l'alto de Rudresh Mahanthappa (excellent Codebook chez Pi) et le piano d'Yvan Robilliard. Sur scène, le groove semble plus évident que sur disque, plus direct. Plus d'une fois les musiciens laissent le plaisir monté, la musique se jouer toute seule, quand sur disque la maîtrise du temps et du format semble prédominante. Une complémentarité exemplaire. Vraiment un grand concert.

Wayne Shorter & Orchestre National d'Ile-de-France @ Grande Halle de la Villette, mardi 4 septembre 2007

Je n'avais pas prévu de prendre de place pour la rencontre entre le quartet de Wayne Shorter et l'Orchestre National d'Ile-de-France à la Grande Halle mardi soir, me méfiant assez fortement de ce genre d'expérience "avec orchestre". Mais, l'annonce cinq jours auparavant de la venue d'Herbie Hancock pour un duo avec Shorter en première partie m'avait fait changer d'avis. J'aurais dû rester sur ma méfiance d'origine.

La Grande Halle réouvre cette année après plus de deux ans de travaux. La salle me semble beaucoup plus grande que dans mon souvenir. Arrivé juste à l'heure, je ne peux trouver une place que haut perché, loin de la scène. Je n'aime pas les grandes salles. Hancock et Shorter entrent en scène, et... ils sont tous petits ! L'art du duo dans un stade de foot : difficile. C'est peut-être la raison pour laquelle ledit duo ne dure que cinq minutes, le temps de quelques variations autour de In a silent way (de Joe Zawinul, qui a dû annuler sa présence lors du festival en raison d'un cancer malheureusement fort avancé). Le duo devient vite quartet avec l'arrivée sur scène de John Patitucci (cb) et Brian Blade (dms), soit le quartet de Shorter avec Hancock à la place de Danilo Perez au piano. J'aime le parti pris de jouer en quartet acoustique des compositions de la période électrique de Miles : on reconnaît le rythme de basse obsédant de Shhh/Peaceful, un délice. Hancock est volontiers minimaliste dans ses accompagnements. Subtils ostinatos aquatiques qui se marient à merveille avec le son retenu de Shorter au soprano. Mais ce n'est pas une musique pour une salle de cette taille.

Au bout d'un quart d'heure, le quartet est rejoint par une chanteuse. Luciana Souza annoncera Hancock à la fin du morceau. Déjà vue ou entendue avec le Maria Schneider Orchestra et Los Guachos de Guillermo Klein, des contextes où elle m'avait plus convaincu. Mardi, elle a interprété une chanson de Joni Mitchell, Amelia. Une pub vivante pour le prochain disque d'Herbie, autour de compositions de la chanteuse canadienne. Sentiment de gêne : c'est donc pour ça que le pianiste est venu. En plus, le morceau ne me convainc pas. Un traitement assez plat de la ligne mélodique. Peu d'inventivité. La prestation s'arrête là. Grosse déception, et l'impression de s'être laissé arnaquer.

Après la pause, le quartet de Shorter (avec Danilo Perez au piano cette fois) est rejoint par l'Orchestre National d'Ile-de-France. Deux bons passages seulement pendant ce concert : les deux moments où le quartet a joué seul. Enfin un peu de liberté dans cette musique corsetée. L'utilisation de l'orchestre est monochrome : amplification des lignes mélodiques pour donner de la puissance à la musique. Ça ne va pas du tout avec la musique de Shorter, fragile, poétique, ouverte : "Ses ailes de géant l'empêchent de marcher". Déception jusqu'au bout. On se dit que c'est quand même très dommage de se payer le luxe d'avoir Shorter une semaine à Paris et de ne pas programmer une seule fois le quartet seul. Parce que ce groupe reste exceptionnel.

samedi 8 septembre 2007

Octurn & Magic Malik / Steve Coleman's Aquarius Ingress @ Cité de la Musique, lundi 3 septembre 2007

Troisième prestation de Steve Coleman en quatre jours lundi soir à la Cité de la Musique. Un sommet. En première partie, j'ai eu le plaisir de pouvoir réécouter sur scène Octurn avec Magic Malik, deux ans après leur passage par la Maroquinerie. Moins d'électronique que la première fois, Dré Pallemaerts n'étant pas là. Seul Gilbert Nouno officie derrière ses machines cette fois-ci. La "vedette" rythmique est donc quasiment laissée au seul Chander Sardjoe, toujours aussi étincelant. Quasiment, car en fait, en bon disciples de l'esthétique m-baso-haskienne, tous les membres d'Octurn apportent leur pierre à la structuration rythmique de l'ensemble. La complémentarité des sonorités du piano de Fabian Fiorini et du fender rhodes de Jozef Dumoulin est l'élément déterminant de l'ambiance spécifique de ce groupe. Un constant chapelet de notes forme comme un tapis mouvant sur lequel se fixe à la fois la rythmique au groove carré et le quatuor de vents (flûte, trompette, saxes alto et baryton) aux développements plus contemporains. Le passage a cappella des vents mettait bien en lumière les sources d'inspiration extra-jazz de l'ensemble. Nelson Veras tient désormais la guitare au sein du groupe. Il y apporte un jeu très liquide, comme un prolongement adouci du jeu de Dumoulin, qui tranche avec la puissance tournée vers l'efficacité de la paire rythmique Lehr-Sardjoe. Ce dernier apporte néanmoins des développements hors cadre bienvenus, qui varient habilement autour de l'obstination rythmique de l'ensemble. Côtés cuivres, Bo Van Der Werf, pourtant leader-concepteur du groupe, semble un peu en retrait. Laurent Blondiau à la trompette et Guillaume Orti à l'alto proposent les solos les plus tranchants. L'adjonction de Magic Malik au groupe depuis deux-trois ans semble avoir apporté une réflexion en des termes plus "aériens" aux arrangements de vents. Plus de douceur, de décélérations, offrent de belles respirations dans une esthétique basée à l'origine sur la puissance d'un funk cérébral, entre groove et raideur rythmique. Une évolution pleine de promesses pour les développements futurs.

Après cette mise en jambe généreuse, Steve Coleman entre en scène avec ses cinq co-souffleurs : Chris Speed et Mike McGinnins aux clarinettes, Miguel Zenon au sax alto, Ravi Coltrane et Tony Malaby aux ténors. Comme souligné précédemment, j'étais vraiment impatient de pouvoir entendre "ça". Impatient avec une petite pointe d'angoisse : la déception face à une curiosité trop forte n'attendrait-elle pas au tournant, et surtout comment intégrer à la musique assez typée de Coleman des esthétiques de jeu aussi différentes que celles de Speed et Malaby ? La réponse a été cinglante : une claque ! Énorme. Magnifique. Monumentale.

Monumental, c'est le sentiment qui dominait à l'issue du premier morceau, longue et patiente construction qui avait des allures de cathédrale sonore. Coleman apporte une solide charpente - on reconnaît "sa" musique - mais il a su tirer de chacun de ses accompagnateurs d'un soir (c'était seulement le deuxième concert de l'ensemble, le premier avait eu lieu à NY en janvier) des couleurs qui leur sont propres qui élargissent somptueusement la palette expressive du chicagoan. Le jeu tout en unissons intériorisés de Chris Speed approfondit le propos vers des tourments mélancoliques qui résonnent superbement avec le bleu acier de l'alto de Coleman. L'exploration des textures extrêmes du ténor de Malaby se fait par touches légères - contrairement à ce qu'il fait en leader - mais bien audible, et apporte une fragilité des limites qui accentue le sentiment d'élévation "gothique" de l'ensemble. Ce premier morceau trouve même des échos baroques, par une utilisation particulièrement raffinée de l'art du contrepoint. C'est une musique véritablement inouïe que propose Coleman, et pourtant elle semble être l'aboutissement logique et naturel de vingt-cinq ans de carrière à élaborer structures rythmiques complexes et développements post-bop (et non néo-bop) sur l'alto. Les deux altistes mènent le discours le plus souvent. Miguel Zenon a des élans parkeriens soulignés par une science rythmique pleine du feeling caraïbe de ses origines. Quant au leader, son phrasé et sa justesse de timbre sonnent merveilleusement dans ce contexte.

Après ce chef-d'œuvre inaugural à six, les musiciens s'expriment en duo. D'abord Coleman avec Malaby, tout en sensibilité, puis Speed et Zenon, dans une démarche d'opposition / complémentarité. Il faudra attendre un peu plus tard pour le duo Coltrane-McGinnins, magnifique prolongement d'une nouvelle longue pièce à six.

Les six souffleurs ont été particulièrement généreux ce soir là, en jouant près d'1h45 (sans support rythmique ou harmonique pour se "reposer"). On connaît les aspirations mystiques, numérologiques, astronomiques, égyptologiques, architecturales et compagnie de Coleman et, même sans adhérer forcément aux préoccupations qui sous-tendent ses recherches, force est de constater qu'un véritable sentiment d'élévation spirituelle émane de ce concert. Par un subtil alliage de forces bien charpentées et de fragilités multiples mais toujours maîtrisées, Coleman et ses acolytes ont dessiné une nef lumineuse, élancée, ciselée dans ses moindres détails. Monumentale.

dimanche 2 septembre 2007

Steve Coleman @ Point Ephémère, vendredi 31 août & Cité de la Musique, dimanche 2 septembre 2007

On a beau ne plus fréquenter les bancs de l'école depuis quelques temps, il y a toujours comme un parfum de rentrée des classes quand Jazz à la Villette pointe le bout de son nez : les concerts quittent les esplanades en plein air pour reprendre le chemin des salles, et on reprend par les bases autour de quelques valeurs sûres (grosses subventions aidant). L'idée originale cette année consiste à avoir monté la programmation autour de trois artistes phares, en leur donnant la possibilité de se produire avec différentes formations et d'inviter des musiciens qui leur sont proches. Pour ma part, j'ai axé mon choix de concerts autour de la présence multiple de Steve Coleman, même si je ne louperai pas la venue de dernière minute d'Herbie Hancock mardi pour un duo avec Wayne Shorter.

Ce premier week-end a donc été l'occasion de voir à deux reprises l'altiste chicagoan, pour deux duos très différents. Vendredi soir, d'abord, au Point Ephémère avec la DJette haïtienne Val Inc ; ce dimanche après-midi, ensuite, dans l'amphithéâtre de la Cité de la Musique pour un duo de saxes avec le ténor de Ravi Coltrane. Toujours vu jusque là - et de nombreuses fois - dans des groupes fournis, j'étais très curieux d'entendre Coleman dans ce genre de formules orchestrales resserrées, d'autant plus que son récent Invisible Paths : First Scattering, un solo publié chez Tzadik (eh oui), a tourné quasiment en boucle tout le mois d'août chez moi. Si la science inégalée des rythmes est sans doute ce qui saute le plus naturellement aux oreilles dans la musique de Coleman, j'ai toujours eu un faible pour la manière dont il faisait sonner les cuivres, et plus particulièrement son propre instrument. Il y a une qualité du son et une précision des timbres qui donne à son chant un aspect particulièrement tranchant de par sa netteté.

Cette volonté d'expérimenter des formats instrumentaux différents de ses habitudes avait connu une première étape cette année, en janvier, avec une résidence d'un mois au Stone new-yorkais (propriété de Zorn, un rapprochement décidément fécond). Sa présence sur plus d'une semaine à Paris en est comme le prolongement.

Le concert de vendredi a commencé par une introduction de Val Inc, seule aux platines. Parmi les rythmes électroniques et les scratches, une voix issue d'un des vinyles posés sur les platines expliquait les caractéristiques des rites vaudous. Val Inc définit sa musique comme de l'afro-electronica. Les samples de percussions traditionnelles se mêlent ainsi aux bruitages permis par la technologie moderne. Au bout d'une dizaine de minutes, Steve Coleman rejoint la scène pour une entrée en matière progressive. Quelques phrases au déroulé mélodieux assez lent entament cet étrange rituel afro-cosmique. Puis, peu à peu, on sent que la musique se met en place, qu'elle se construit en direct, qu'elle est pensée en des termes architecturaux complexes pour pouvoir s'appuyer sur des bases solides, et enfin un dialogue ouvert et riche se met en place. On sait que la construction est essentielle chez Coleman, mais on a là l'occasion de l'entendre se mettre en place devant nous, sans avoir droit d'entrée de jeu au produit fini. Le phrasé se fait plus souple, plus rapide aussi, au fur et à mesure. Les effets de transe finaux ne sont que l'aboutissement d'une démarche méticuleusement menée à bien, qui ne cherche pas la démonstration rythmique immédiate. Il y a comme une dimension de rituel dans la musique proposée par les deux artistes. Steve Coleman se fond autant dans les beats proposés par Val Inc que la DJette ne fait évoluer son discours en fonction des développements de celui du saxophoniste. Le résultat est prenant, envoûtant parfois, et propose quelque chose d'assez différent des habituelles rencontres entre jazz et machines, par un côté très organique maintenu au cœur même de la technologie.

Le duo avec Ravi Coltrane a fait entendre un Coleman assez différent, plus proche parfois, notamment en début de concert, d'un discours de musique contemporaine (comme un demi-quatuor) que du jazz. Ravi Coltrane, outre son statut de fils de Dieu qui l'aura au final plus desservi qu'autre chose, est un ténor paradoxal. J'ai toujours trouvé que son jeu manquait singulièrement de consistance pour qu'il puisse mener tout un groupe, mais ai parallèlement toujours été enthousiasmé par l'aspect purement rythmique de son jeu, qui touche souvent juste. C'est sans doute ce qu'apprécie Coleman chez lui. Ainsi, les deux saxophonistes ont pu s'amuser à intervertir constamment les rôles, à se compléter rythmiquement, pour que l'absence de tout autre instrument devienne une force qui permette de resserrer l'écoute sur les complémentarités de timbres de l'alto et du ténor. Une lame tranchante, souple, vive et fine d'un côté ; un bourdonnement épais, lancinant et obsédant de l'autre. Au cours du concert, l'abstraction du début s'est peu à peu atténuée pour déboucher sur des constructions s'appuyant plus ouvertement sur le groove si cher au chicagoan. Le dernier rappel, organisé autour de furtives bribes de Round Midnight fut un exemple particulièrement intense du travail autour de la tradition, de sa reconstruction (bien plus que de sa déconstruction), qui irrigue toute l'œuvre de Coleman. Le dénuement du duo en offrait une écoute particulièrement instructive.

Ces deux duos, et le récent disque en solo, apporte une lumière inédite, même si déjà perceptibe de-ci de-là au cours de précédents concerts, sur la conception du saxophone par Coleman qui débouchera, espérons le, sur un grand moment ce lundi soir avec le Aquarius Ingress qui doit réunir deux ténors, deux altos et deux clarinettes (dont Tony Malaby, Chris Speed, Miguel Zenon...). Ma curiosité attend ce moment avec impatience depuis plusieurs semaines.

dimanche 8 juillet 2007

Keith Jarrett, Gary Peacock, Jack DeJohnette @ Salle Pleyel, samedi 7 juillet 2007

Quelle déception ! Où était donc le personnage profondément antipathique, mégalomane et excessif décrit par la légende ? En lieu et place, du haut du deuxième balcon de la Salle Pleyel, j'ai plutôt vu hier soir un musicien pleinement investi dans la musique du trio (et non dans "sa" musique), généreux (près de trois heures, entracte comprise) et non dénué d'humour (demandant un peu de répit pour le batteur avant de revenir pour un deuxième rappel). Je dois avouer que je ne connais que d'assez loin la musique de Jarrett. Je n'ai d'ailleurs qu'un disque du bonhomme en leader, son premier, Life between the exit signs, qui date tout de même de 1968. Quasiment vierge de toute référence le concernant, je ne savais donc pas vraiment à quoi m'attendre. La surprise fut bonne, mais ne se résumant nullement au seul personnage.

Ce fut le concert d'un grand trio avant tout. Un répertoire de standards, démarré dans l'intimité d'un piano romantique, qui a vraiment pris toute sa dimension à partir du milieu du premier set, avec les compositions de Monk, Round Midnight et Straigh No Chaser. Un trio plus équilibré, moins de "pianismes", plus de groove, des improvisations imaginatives autour de thèmes très connus, et un réel plaisir du jeu à trois. Jack DeJohnette, que je ne pouvais apercevoir qu'en me penchant assez nettement, était d'un magnifique dynamisme. Il emmenait le trio vers plus de légèreté, ce qui a permis à Jarrett d'abandonner progressivement le jeu trop bien léché du début de concert pour s'aventurer sur les terres du jazz-plaisir, plein de grooves tournoyants, marqués du sceau du blues, du funk et du gospel.

Le programme disponible sur le site de la Salle Pleyel avant le concert était d'une précision chronométrique qui ne laissait rien présager de bon pour une musique basée sur l'improvisation (deux parties de 50 minutes, une entracte de 20, à 22h on ferme). Les musiciens n'en ont eu que faire. On voyait à la fin de chaque set que Jarrett devait discuter avec ses comparses pour se décider à arrêter. Le trio est d'ailleurs revenu à deux reprises pour de généreux rappels. Le premier, après deux retours sur scène juste ponctués d'un salut, a provoqué une ovation du public digne d'un stade de foot lors d'un but de l'équipe locale. Réellement impressionnant.

samedi 23 juin 2007

Sophia Domancich Pentacle @ Le Triton, vendredi 22 juin 2007

Pourquoi j'aime autant le jazz ? La raison se trouve sans doute quelque part dans le concert donné par le Pentacle de Sophia Domancich hier soir au Triton. Je n'ai pas chroniqué grand chose des derniers concerts auxquels j'ai assisté. Parfois par manque de temps, mais aussi en raison d'une série de déceptions qui pourraient toutes avoir pour point commun de trop fortes concessions au langage du rock. Cette succession de concerts au goût d'inachevé avait eu comme conséquence paradoxale de me conduire à réécouter principalement du jazz américain des années 50-60, abandonnant temporairement les "fusions" contemporaines. En puisant à la source, et grâce à son talent d'écriture et d'arrangement, Sophia Domancich m'a redonné goût au jazz live hier soir. Un peu paradoxal quand on connaît le goût de la pianiste pour le rock progressif. Mais c'est sans doute ce qui fait tout le charme de la situation.

J'avais vu une première fois Pentacle à la Cité de la Musique en 2003, lors de la parution de leur premier disque, chez Sketch. Une très belle musique, mais dans une salle peu réceptive, sans doute trop grande. Il s'agissait en plus d'une première partie. La sensation d'être face à un joyau dans un écrin disproportionné avait un peu gâché le plaisir, réel.

Quatre ans après, le cadre est très différent. Sophia Domancich est un peu chez elle au Triton. La salle des Lilas l'accueille cette année en "Quarte Blanche" et elle est une fidèle de ce lieu à la programmation axée sur le jazz et les musiques progressives, un peu comme elle. De plus, en étant seul à l'affiche ce soir, Pentacle a pu parfaitement construire sa prestation. Deux sets, sept morceaux et un rappel reprenant le thème inaugural de la soirée. Idéal d'équilibre et d'élégance. Le premier set organisé comme en miroir, débute par Triana Moods, titre du récent deuxième disque du groupe, et s'achève sur En el barrio de Triana, en référence commune au quartier sévillan. Entre ces deux escapades andalouses, Vestiges, un morceau tiré de leur premier disque. Le deuxième set s'ouvre lui sur le magnifique Creole Blues de Duke Ellington et se termine par une déchirante Lonely Woman d'Ornette Coleman. Entre les deux standards, deux compositions de Sophia : le majestueux Funerals et l'explosif Monkey business. Un sens de l'architecture qui donne à l'ensemble un caractère d'oeuvre en tant que tel, et non de succession de morceaux. D'autant plus qu'on y retrouve toujours, sur les standards comme dans les compositions, un goût du jeu collectif irrigué de références au langage jazz de la grande époque (années 40 à 60). On pense souvent à Mingus et à son jazz workshop flamboyant. Les ambiances andalouses du premier set évoquent le Liberation Music Orchestra de Charlie Haden. Il y a du Carla Bley en Sophia Domancich. Au piano, elle agrémente son jeu d'accords soul, blues ou churchy, comme baignés par les eaux du Mississippi. Une dette envers Ellington, un goût pour les libertés des sixties. Jean-Luc Cappozzo à la trompette et au bugle et Michel Marre à l'euphonium ne sont que deux mais sonnent comme un magnifique ensemble de cuivres, à la palette expressive particulièrement large. La Méditerranée n'est jamais loin, la part ludique d'un certain free non plus. Ils sont de vrais coloristes, solaires comme une toile de Picasso. Simon Goubert à la batterie a le jeu juste en fonction des ambiances des morceaux. Un air de fanfare par là, joyeuse à l'espagnole, majestueuse à la néo-orléanaise, un swing attachant ici, de la tradition aux explosions libertaires. Et puis, il y a Claude Tchamitchian à la contrebasse. Toujours aussi formidable. J'ai une grande admiration pour lui. Il y a dans son jeu un mélange parfait de joie, de colère, d'élans furieusement free et d'attachement aux couleurs de son instrument. Son jeu à l'archet sur la version en trio avec Sophia Domancich et Michel Marre du Creole Blues était à pleurer de bonheur et de beauté. Mais, encore une fois, Pentacle n'est pas une association de solistes, mais bien un groupe à l'oeuvre maîtrisée, cohérente, collective. Une des plus belles expressions du jazz à l'heure actuelle en France. Un héritage bien vivant.

dimanche 20 mai 2007

Leoš Janáček - L'affaire Makropoulos @ Opéra Bastille, vendredi 18 mai 2007

Deux ans après De la maison des morts, retour à Bastille pour un autre opéra de Janáček, L'affaire Makropoulos. Si ma dernière expérience en terme de place de dernière minute (Barbe-Bleue à Garnier) n'avait pas été fructueuse, ce ne fut heureusement pas le cas vendredi soir. Mieux, j'ai même obtenu une place centrale au huitième rang de l'orchestre (soit une centaine d'euros d'économisés par rapport au tarif plein).

Le livret de l'opéra est adapté d'une pièce de Karel Capek, l'un des auteurs phares du fantastique praguois aux côtés de Kafka et Meyrink, mais qui lui écrivait en tchèque et non en allemand. L'argument de la pièce n'est pas simple à résumer. Une mystérieuse chanteuse intervient dans un procès centenaire autour d'un héritage qui n'arrive pas à sa conclusion, pour apporter des éléments permettant d'enfin aboutir. Au cours de l'opéra, on apprend progressivement qu'Emilia Marty est en fait Elina Makropoulos - et quelques autres - née plus de trois cents ans auparavant, et sur qui son père, un alchimiste crétois, a testé un élixir de jouvence à la demande de l'empereur Rodolphe II au XVIe siècle. Seulement la formule ne dure que trois cents ans, et Emilia/Elina a besoin de la récupérer pour en reprendre pour trois cents nouvelles années. Elle cherche donc à séduire les participants au procès, sachant que la formule est l'un des éléments de l'héritage (puisqu'elle a en fait séduit, il y a un siècle, le riche homme dont le patrimoine est en jeu).

Dans sa mise en scène, Krzysztof Warlikowski a choisi de déplacer l'action de la Prague des années 20 vers le Hollywood des années 50, sur fond de mythe Marilyn et d'intrigue à la Sunset Boulevard. Cette référence introduit une distanciation assez intéressante par rapport au contexte initial de l'opéra. On sort de l'univers allégorique du fantastique praguois pour entrer dans une réflexion sur les illusions. D'un discours sur la société à un discours sur l'individu. Emilia Marty ne serait-elle tout simplement pas devenu folle, oubliant, à l'instar de Norma Desmond, que le temps a passé ? Son histoire qui ne tient pas debout ne devant alors son succès sur les hommes que grâce à ses charmes à la Marilyn. La transposition temporelle et géographique est aussi intéressante en ce qu'elle rappelle la part déterminante, sur l'évolution de la culture américaine au XXe siècle, de l'émigration centreuropéenne fuyant les totalitarismes (Billy Wilder... au hasard).

Du côté de la musique, on retrouve le langage janáčekien, avec des résonances, par exemple, avec les quatuors à cordes du compositeur morave. L'attachement, toujours primordial chez Janáček, à la langue parlée fait des merveilles ici. Si ses opéras sont privés de récitatifs, ils abondent en revanche de passages captivants au débit rapide, mi-chanté mi-parlé, comme une sorte de sprachgesang très mélodique. Il faut entendre les passages du premier acte qui abondent de références au procès, dans ses aspects de technique juridique, pour comprendre toute la modernité décalée de Janáček.

En ce qui concerne l'interprétation, l'orchestre dirigé par Tomas Hanus, jeune chef tchèque, cède parfois peut-être un peu trop à la mise en scène, en se laissant aller à une interprétation très cinématographique, pleine d'allant hollywoodien, loin de la sécheresse acide d'un Mackerras. Cependant, le final est de toute beauté, autant grâce à la mise en scène autour de la piscine dans laquelle se laisse mourir Elina (Sunset Boulevard, toujours) que grâce à la puissance émotionnelle simple de la partition, avec les chœurs placés dans la salle, aux côtés des spectateurs. Angela Denoke, qui tient le rôle principal, est quant à elle irréprochable, aussi magnifiquement expressive dans le chant lyrique que dans la déclamation. Ses partenaires masculins sont tout aussi remarquables ainsi que Karine Deshayes dans le rôle de Krista. La distribution est ainsi le véritable point fort de cette affaire Makropoulos.

Enfin, il y avait le fameux King Kong de sept mètres de haut. Pas indispensable dans la mise en scène, mais tout de même très impressionnant !

Baptiste Trotignon / Michel Portal, Louis Sclavis, Bojan Z, Bruno Chevillon & Daniel Humair @ Salle Pleyel, samedi 19 mai 2007

Depuis sa réouverture en début d'année, je n'avais jusqu'à présent été à Pleyel que pour des concerts classiques. Samedi, j'y allais pour la première fois pour du jazz : d'abord un solo de Baptiste Trotignon, puis un all-stars européen avec Michel Portal, Louis Sclavis, Bojan Z, Bruno Chevillon et Daniel Humair.

Je n'avais jusqu'à maintenant jamais pris le temps de prêter une oreille attentive à Trotignon. On ne peut pas dire que le concert de samedi m'encourage à y remédier désormais. J'ai trouvé ça d'un ennui intersidéral. On attend qu'il se passe quelque chose, mais malheureusement rien ne vient jamais dans cette musique nombriliste. Le son semble comme contenu dans le piano. Trotignon a bien du mal à emplir l'espace magnifique de la salle Pleyel. Ce jazz aux accents pop et romantiques est quelque chose auquel je n'accroche pas du tout. Si j'en crois les réactions de mon voisin de devant, je n'étais pas le seul à lutter contre l'assoupissement auquel conduit inévitablement cette musique désincarnée.

Quel contraste avec la musique du groupe réuni par Michel Portal ! Ca vit, ça jaillit, ça remplit l'espace. On sent les tripes des musiciens, leur joie de vivre et de jouer. Ce sont certes des musiciens que j'ai déjà vu d'innombrables fois, mais jamais tous ensemble, et surtout jamais avec une telle acoustique. Le plaisir venait ainsi avant tout de la qualité incroyable du son, ce qui donnait une dimension supplémentaire à la musique, sans qu'elle ne perde pour autant rien de sa sauvagerie joyeuse. Portal et Sclavis, clarinette basse et sax soprano tous les deux, sont d'une complémentarité jubilatoire. Sur leurs impulsions conjuguées, la musique tournoie à des vitesses folles, mène une danse espiègle qui habite d'un nouveau jour les thèmes classiques de Portal ou la reprise décalée du Jean-Pierre de Miles. Il y a un aspect cabaret déjanté dans leur jeu pourtant si parfaitement maîtrisé qui contraste formidablement avec le jazz endormi de la première partie.

La section rythmique n'était pas en reste. Là aussi l'acoustique de la salle était la vedette principale. J'ai apprécié le drumming d'une souplesse exemplaire d'Humair comme jamais. Un plaisir constamment renouvelé pour les oreilles. Les arpèges de Bojan et la puissance boisée de Chevillon ponctuaient quant à eux le jeu des trois "vétérans" avec enthousiasme.

Parmi les morceaux joués, l'essentiel était signé Portal, avec des classiques comme Solitudes ou Mutinerie, ou le plus récent Nada Mas. La seule incursion dans le répertoire d'un autre aura été le deuxième rappel : le traditionnel CD-rom conclusive de Bojan Z, transformé en vaste foutoir balkanique sur lequel le bandonéon de Portal et le soprano de Sclavis ont épuisé ce qu'il leur restait de souffle vital. Rien que du connu, mais avec un contexte idéal qui a fait passer le concert à 100 à l'heure.

samedi 5 mai 2007

James Chance & The Contorsions @ Le Triptyque, jeudi 3 mai 2007

James Chance n'est pas mort. Mieux, il se produit encore en concert, et était de passage à Paris jeudi soir au Triptyque. La nouvelle m'a d'abord surpris. Je le pensais rangé des voitures depuis une bonne vingtaine d'années. La nouvelle m'a ensuite interloqué. Faut-il ou non y aller ? Dans quel état peut-il être aujourd'hui vu son goût pour l'alcool et les drogues à l'époque ? La déception ne risque-t-elle pas de prendre le pas sur la curiosité face à ce héros de la no wave new-yorkaise du tournant des 70s/80s ? J'ai finalement tenté ma chance, et ne le regrette pas.

Après une première partie assommante assurée par un groupe français qui mélangeait un peu tous les genres musicaux, mais en faisant beaucoup de bruit, James Chance se présente sur la petite scène du Triptyque. Il a grossi, c'est sûr, mais sa silhouette conserve un peu de cet aspect nerveux qui tranche avec son regard absent, perdu dans des litres de substances pas toutes très licites. L'air ailleurs, le corps bien présent : une démarche disco-punk qui se retrouve dans sa veste dorée, son nœud papillon et ses cheveux grisonnants toujours aussi peu coiffés.

Il commence le concert en triturant un clavier électrique dont il sort de grandes nappes de funk destroy quelque part entre Fela et Sun Ra. Derrière lui, un trio guitare, basse, batterie puise lui aussi essentiellement dans le registre funk. Un peu moins punk, un peu moins free jazz, un peu moins disco, bref moins no wave qu'il y a vingt-cinq ans, mais avec toujours cette passion pour les musiques noires qui transpire, servie par une voix plus à l'aise dans le cri sexuel, les limites du juste, ou le parlé-chanté que dans le "beau chant". Une reprise de James Brown viendra confirmer la dette toujours renouvelée de celui qui se fit appeler un temps James White autant pas goût de la blague potache que par réelle révérence.

Il joue moins de sax qu'à la grande époque, se contentant de quelques brèves incursions acides sur l'instrument, mais son alto évoque toujours un Ornette punk - technique rudimentaire et amour de la sonorité du texan - qui reste déterminant dans la signature du son James Chance. Un peu de clavier, un peu de sax, l'instrument dont il aura finalement fait le plus grand usage jeudi soir, c'est un verre d'alcool dont il buvait une gorgée quasiment entre chaque phrase éructée dans le micro. L'effet a toutefois été bénéfique puisque le concert est allé en s'améliorant pour finir, avec le mythique Contort Yourself, dans le vraiment très bon.

dimanche 29 avril 2007

Pierre de Bethmann Illium Septet @ Sunset, samedi 28 avril 2007

L'ex-pianiste de Prysm s'aventure en terres électriques depuis déjà quelques années à la tête de son groupe Illium. Alors que sort son troisième album avec cette formation (Oui, chez Nocturne), le quintet devient septet par l'adjonction du sax alto de Stéphane Guillaume et surtout du chant de Jeanne Added. La musique gagne en ampleur avec désormais trois souffles vitaux (le ténor de David El-Malek et les deux sus-cités) qui s'entrelaçent avec délices sur la puissante rythmique formée par Franck Agulhon (dms), Vincent Artaud (cb) et Michael Felberbaum (g). Les solos les plus flamboyants, et les plus nombreux, sont le fait du leader, qui intervient uniquement au rhodes. Il a un sens de l'engagement total dans sa musique qui fait plaisir à voir et à entendre. Les rapides chapelets de notes qu'il égrenne dans un élan très groovy, dans des passages justes appuyés par la rythmique, donnent naissance à des tourneries incontrôlables qui impressionnent. Les solos des saxophonistes sont moins indispensables. On les préfère nettement dans les passages en tutti, qui révèlent une écriture complexe et pourtant terriblement plaisante. Et puis, il y a les incantations de Jeanne Added qui donnent une épaisseur supplémentaire à cette musique, dans ses interventions solitaires comme dans les moments à sept. Une belle confirmation pour l'une des plus intéressantes chanteuses de la scène jazz parisienne, déjà repérée dans le Bruit du [sign] ou aux côtés de Vincent Courtois.

Grupa Palotaï @ Studio de l'Ermitage, mercredi 25 avril 2007

Cela faisait quelque temps (un an ?) que je ne les avais pas vus sur scène. Ce qui commençait à faire beaucoup pour un groupe déjà vu un certain nombre de fois ces trois-quatre dernières années. La sortie de leur troisième album (Singapore, chez BMC) était un excellent prétexte pour y replonger. Les nouveaux morceaux ont un caractère plus ostensiblement pop, mêlant rock circus et jazz cartoon. On y croise des cowboys de BD et des samouraïs à la Tarantino. L'influence downtown des débuts laisse désormais une large place à une esthétique festive très française, qu'on retrouve chez Rigolus ou le Sacre du Tympan (Thomas de Pourquery et Rémi Sciuto tiennent toujours les saxos). Far West et extrême-orient comme horizons imaginaires, avec toujours un ancrage réel dans les mélodies de la Hongrie natale de Csaba Palotaï. Et en rappel une superlative version d'Esperanto Expresso avec des solos de Rémi Sciuto et de Csaba inoubliables.

Dave Douglas Keystone Sextet @ New Morning, lundi 23 avril 2007

Le trompettiste américain s'aventure en terrain groove avec Gene Lake (ex-Five Elements) à la batterie, Brad Jones à la basse, Adam Benjamin aux claviers, Marcus Strickland au ténor et DJ Olive aux platines. On est loin des ambiances chambristes habituelles de Dave Douglas. Semi-déception lors du premier set : j'étais trop sur le côté et le son n'était pas idéal, avec des cuivres prenant trop le pas sur la rythmique. Après recentrage à la pause, le deuxième set a en revanche été très prenant. Un groove implacable, juste perturbé ce qu'il faut par les effets du clavier et des platines, et le phrasé magnifique du leader par dessus. Une musique puissante, engagée et engageante, sur un répertoire entièrement renouvelé par rapport au disque du groupe sorti en 2005. Un son très new-yorkais, qui allie dans un même élan le goût de la danse et l'exigeance d'une écriture finement ciselée. Il fallait bien quelqu'un de la trempe de Dave Douglas pour habiter pleinement une musique si ambitieuse et accessible.

mercredi 18 avril 2007

Abdullah Ibrahim @ Cité de la Musique, mardi 17 avril 2007

Le pianiste Sud-Africain se produisait hier soir en solo dans la belle salle de la Villette. Grande générosité musicale (deux longues suites d'une heure chacune plus un rappel fourni) et sens de l'espace, du temps et de la respiration allaient de paire. La maîtrise de la lenteur, du silence et des harmonies majestueuses, donnaient un caractère particulièrement spirituel à ses compositions, enchaînées les unes aux autres. Quand la main gauche entamait les changements d'harmonies, signes d'un passage de témoin d'un morceaux à l'autre, la main droite poursuivait les variations autour de la mélodie initiale. Éternels retours, notamment du délicieusement mélancolique Blue Bolero, au cours des plus de deux heures de concert. Citations également, en forme de clin d'œil à Monk, de source constamment renouvelée à la fontaine de jouvence du Duke. Mélodies populaires du pays zoulou, qui chantent l'espoir et respirent la paix retrouvée, comme une aube naissante sur les grandes étendues majestueuses de l'Afrique australe. Tourbillons au ralenti dans ce jeu aux multiples miroirs et reflets à la teinte décidément très bleue. L'esprit se perd, se retrouve soudainement en un lieu familier, voyage. Pour finir apaisé, convaincu d'avoir touché du doigt ce que les sages appellent la sérénité.

samedi 17 mars 2007

Marc Ribot's Ceramic Dog @ La Dynamo, mardi 13 mars 2007

Premier concert pour moi cette année dans le cadre du festival Banlieues Bleues. Marc Ribot y présentait son nouveau trio - très rock - avec le bassiste Shazhad Ismaily et la batteur Ches Smith. Une énergie folle, une puissance de feu réellement inouïe, et mine de rien des ambiances parcourues relativement nombreuses : du punk à la poésie beat, de rythmes latinos transfigurés à un folk déglingué, avec même des passages dansants quasi disco ! Le guitariste new-yorkais était en grande forme, poussé par un son de basse entêtant, très sec, et une batterie qui claque de manière très particulière, avec des sonorités souvent métalliques. Les morceaux originaux alternaient avec des reprises diverses et variées : Joe Bataan cotoyant Wilson Picket, la poésie d'Emilio Cubiero les mots de Ribot lui-même. Dans ce registre - comme dans bien d'autres - la guitare de Ribot fait des merveilles, déchire l'obscurité de la manière la plus incisive qui soit, dérape de façon toujours très contrôlée, ou encore se joue des répétitions et des changements soudain de direction. On était certes assez loin du jazz au sens strict, mais un tel concert, qui prend aux tripes de bout en bout, ne pourra que laisser un grand souvenir.

Sylvie Courvoisier & Mark Feldman @ Théâtre de l'Onde, dimanche 11 mars 2007

Un peu moins d'un an après le Sunside déjà en duo, et à peine quelques mois après les passages de Sylvie Courvoisier en solo au Centre culturel suisse (novembre) et en trio avec Ellery Eskelin et Vincent Courtois au Triton (janvier), la pianiste suisse et le violoniste américain se produisaient dans le cadre très détendu des dimanches de l'Onde à Vélizy (collation offerte, et l'occasion de discuter un peu avec Sylvie après le concert). La première partie du concert s'est, une nouvelle fois, organisée autour de compositions de John Zorn extraites du Book of Angels, le second songbook de Masada. Par la suite, les deux musiciens nous ont proposé leurs propres compositions. Dans les deux cas la complicité - des regards, des sourires, de la musique - est l'élément essentiel de leur comportement. Les territoires abordés sont moins abruptes, moins bruitistes, que lors des précédents concerts de la Suissesse évoqués plus haut. Et pourtant, au détour d'un passage au lyrisme quasi romantique, on retrouve l'attachement des deux improvisateurs aux bruits impromptus de la nature ou de la ville. Même si, pour l'occasion, les bagages n'avaient pas suivi et que Sylvie se retrouvait sans ses ustensiles habituels lui servant à explorer l'intérieur du piano. Se jouer des contraintes pour imposer sa liberté : défi amplement relevé, malgré tout, et avec une vraie maestria.

mercredi 7 mars 2007

Anne Paceo Quartet @ Duc des Lombards, lundi 5 mars 2007

Un lundi par mois, la jeune batteuse Anne Paceo a carte blanche au Duc des Lombards. Ce lundi elle avait réuni autour d'elle quelques uns des noms qui ont fait les beaux jours de la La Fontaine pendant près de trois ans : Alexandra Grimal aux saxes ténor et soprano, Yaron Herman au piano et Stéphane Kerecki à la contrebasse. La combinaison Alexandra / Yaron, renforcée par deux esthètes rythmiciens était difficilement résistible. J'y étais donc, et c'était grand !

Ce n'était pas juste un bon concert, c'était véritablement un moment magique, pendant toute la durée des deux sets auxquels j'ai assisté (difficile d'entamer une semaine par trois sets malheureusement). Les compositions étaient exclusivement signées Alexandra et Stéphane Kerecki, à l'exception d'une d'Anne Paceo judicieusement intitulée "les petites choses positives". Les morceaux du bassiste se développaient dans des ambiances joyeuses, très rythmées, au swing contagieux, qui permettaient à Paceo de faire étalage de son talent et de son enthousiasme. Sourire constant au bout des lèvres, elle évoque par cet aspect la joie de vivre hilare d'un Joey Baron. Et ça fait un bien fou ! Les compositions d'Alexandra, que j'apprécie de manière peut-être plus fine par le fait de les côtoyer régulièrement, ont été, au delà des musiciens, les véritables vedettes de la soirée. Rythmiquement, elles s'étirent dans des approches plus accidentées, plus lâches, laissant place aux silences, à la surprise, à l'exploration de bruits atypiques, au murmure et à la respiration. Climats plus intérieurs, plus profonds, plus proches des tripes aussi. Sur ses propres morceaux, Alexandra laisse de la place aux autres, mais quand elle se décide à tenir le discours, c'est en vraie leader - sans écraser personne, laissant son sens de l'espace et du temps particulièrement maîtrisé ce lundi s'exprimer dans toute son ampleur. Bladsurb, qui était présent lui aussi, résume assez bien la forte impression laissée par la saxophoniste. Je n'irai peut-être pas jusqu'à dire que Yaron Herman était pâle, mais il était incontestablement plus au service d'Alexandra qu'à son compte - dynamisant par moment de fort belle manière lesdites compos, sans trop en faire toutefois.

Ce groupe n'est peut-être pas régulier, mais il a incontestablement une cohérence musicale très développée. En espérant que l'envie de prolonger cette invitation d'Anne Paceo donne des idées aux programmateurs, voire aux maisons de disques. En attendant, le concert a été enregistré par France Musique, et devrait être diffusé dans le cadre du Jazz Club, vendredi 6 avril de 23h à 1h.

dimanche 11 février 2007

Michiel Braam's Nopera @ La Dynamo, samedi 3 février 2007

Suite du week-end hollandais à la Dynamo avec un projet du pianiste Michiel Braam autour de son trio piano-basse-batterie avec Wilbert De Joode et Michael Vatcher, du quatuor à cordes Zapp String Quartet et de trois chanteurs : la mezzo-soprano de tradition classique Lucia Meeuwsen, l'iconoclaste Sean Bergin qui n'est pas sans évoquer Phil Minton, et Vera Westera plus proche du jazz dans ses options américaines. L'ensemble n'est pas si délirant qu'il en à l'air. Les rôles sont bien répartis, la musique est mise en avant, les sonorités des cordes sont bien intégrés au son du trio, comme des éléments de ponctuation, et les chanteurs ne cherchent pas nécessairement à mener le discours. Si on ne comprend pas tout à fait le propos tenu par cet étrange assemblage, reste de biens beaux passages qui empruntent un peu à tous les styles, mais avec passion et entrain communicatifs.

Misha Mengelberg / Tobias Delius Quartet @ La Dynamo, vendredi 2 février 2007

Mengelberg fait le service minimum. Une demi-heure double rappel compris. Mon voisin, fan du pianiste hollandais, me fait remarquer qu'il a pris un sacré coup de vieux depuis la dernière fois qu'il l'avait vu, il y a trois-quatre ans. Le poids des ans semble donc avoir eu raison de la fougue de ce pionner de la free music européenne, même si au détour de quelques phrases, il y a encore de belles réminiscences aux accents post-monkiens dans le jeu du batave.

La deuxième partie est pour moi une découverte, et une belle. Le saxophoniste Tobias Delius est entouré de Tristan Honsinger au violoncelle, Joe Williamson à la contrebasse et Han Bennink à la batterie. Leur musique est originale, dans une esthétique très européenne, entre danses populaires et explosions free, valses de cirque et bruitisme délirant, lyrisme puissant et rythmes endiablés par ce satané Bennink. Delius est assez marrant dans son allure. Il est grand, dégingandé, et à un jeu de jambes qui a une fâcheuse tendance à évoquer la tremblante du mouton. Honsinger ressemble lui à Darry Cowl et ajoute à son jeu au violoncelle des éructations verbales sans queue ni tête. Quant à Bennink, il semble toujours à fond, rigolard et concentré, dominant ses toms du haut de ses deux mètres. Mais, derrière ces allures de freaks, il y a un groupe à la très belle musicalité qui m'a fait passé un superbe moment.

dimanche 28 janvier 2007

Camel Zekri / OrkestrRova @ Espace Culturel André Malraux, Le Kremlin-Bicêtre, vendredi 26 janvier 2007

Vendredi soir, le festival Sons d'hiver s'ouvrait sur un programme à l'affiche particulièrement alléchante. Le Rova Saxophone Quartet avait réuni un ensemble de douze musiciens sur la scène de l'Espace Culturel André Malraux du Kremlin-Bicêtre pour présenter son projet Electric Ascension, relecture matinée d'effets électroniques de la pièce de Coltrane. Outre les quatre californiens du Rova, on retrouvait des poids lourds des musiques improvisées tels Jenny Scheinman (vl), Eyvind Kang (vla), Andrea Parkins (machines), Otomo Yoshihide (platines), Nels Cline (g) et même Fred Frith à la basse ! Chris Brown aux machines et Don Robinson à la batterie - qui m'étaient inconnus - complétaient le casting.

Le résultat fut un peu mitigé. Un dernier tiers de l'œuvre fabuleux. Une alternance de passages très appréciables et de dérives bruyantes pas toujours totalement maîtrisées auparavant. La présence de trois "électroniciens" aux sonorités particulièrement violentes et intrusives dressait parfois comme un mur de bruit qui rendait difficilement audible le discours des autres musiciens, surtout dans les passages collectifs. Lors des solos, leur présence trouvait plus facilement une justification par des interventions plus parcimonieuses et plus à l'écoute du discours tenu par leurs partenaires. Je retiens ainsi de très belles interventions de Nels Cline et de Jenny Scheinman (cette dernière au cours d'un très beau trio de cordes avec Cline et Frith notamment). Paradoxalement, les saxophonistes, pourtant à l'origine du projet, n'ont pas souvent eu le beau rôle. Souvenir trop présent des envolées de la version originelle ? Présence de (trop) fortes personnalités à leurs côtés ? Ils furent quand même à la base de la montée en puissance collective du dernier tiers de la pièce. En se montrant tout à coup plus indicatifs sur qui devait jouer, ils ont réussi à mieux maîtriser le chaos sonore qui émanait de l'ensemble. La conduite plus dynamique du groupe qui en a résulté a permis d'apprécier enfin à sa juste valeur l'incroyable débauche d'énergie que dégagent à la fois l'œuvre et les musiciens présents vendredi.

Après leur version d'Ascension, les musiciens ont proposé une relecture plus paisible d'After the rain, délicate ballade coltranienne. Otomo Yoshihide, en jouant avec une bouteille et un verre d'eau, développait d'amusantes sonorités aquatiques qui se fondaient parfaitement dans la thématique du morceau. Avec un niveau sonore moins intense et mieux réparti entre les instruments, ce bonus au programme aura en fait été le meilleur moment du concert. Quand bruitisme, lyrisme et retenue se rencontrent, le casting réuni trouve enfin toute sa justification.

En première partie du concert, Camel Zekri, guitariste originaire du sud algérien, descendant des esclaves noirs, a déroulé en solo quelques unes de ses pièces où se mêlent souvenir du désert - entre blues sahélien et rythmes de transe gnawa - et délices de l'improvisation radicale. Un peu répétitif malgré tout, le solo ne permettant sans doute pas au discours de Zekri de se déployer dans toute son intensité rythmique.

dimanche 21 janvier 2007

Le Bruit du [sign] @ Les Voûtes, vendredi 19 janvier 2007

Un vendredi par mois, le Bruit du [sign] se produit aux Voûtes, dans le XIIIe arrondissement. Après avoir tourné dix minutes dans le quartier pour trouver la rue des Frigos (j'aurais dû regarder le plan avant le concert et non après), j'y étais vendredi soir. J'avais déjà vu le groupe l'année dernière à l'Ermitage et leur prestation m'avait conquis.

Un peu moins d'un an plus tard, leur musique est toujours aussi bien, aux carrefours d'influences qui me sont chères : Henry Threadgill, Tim Berne, Steve Coleman, Jim Black pour n'en citer que quelques unes. Le propos a même gagné en densité de groupe : les solos sont un peu moins démonstratifs ce qui renforce la sensation de bouillonnement permanent du collectif. Si les envolées de Nicolas Stephan au sax, Julien Rousseau à la trompette et Julien Omé à la guitare ont conservé tout leur tranchant, la présence renforcée de passages en duo ou trio permet une densification du propos, qui se démarquait pourtant déjà par son énergie. Jeanne Added est égale à elle-même, c'est à dire déjà parmi ce qui se fait de mieux en "jazz vocal" (le terme est-il adéquat ?) actuellement, malgré son jeune âge (le même que le mien, c'est dire si elle est jeune !). Atmosphérique, onomatopéique, instrumentale, poétique quand elle emprunte à la langue de Shakespeare, un brin loufoque dans celle de Molière, elle fascine à tout instant. Théo Girard à la contrebasse et Sébastien Brun à la batterie et à quelques occasions aux machines complètent le casting. C'est un véritable bonheur - encore un - que d'avoir à faire à une contrebasse et non à une basse électrique dans ce contexte aux compositions pourtant tendues, lorgnant vers un certain rock. La rondeur du frottement de l'archet et le bruitisme délicat des pizzicati permis par la "grand-mère" en bois ancrent le groupe dans un sol beaucoup plus accueillant que ne l'est en général le béton armé d'une basse électrique. Sébastien Brun doit lui beaucoup à Jim Black, ce qui donne à certains passages des allures d'AlasNoAxis, mais en plus varié grâce à l'effectif plus étoffé du groupe et à la présence d'une singulière chanteuse. Si l'année dernière Julien Omé et Nicolas Stephan m'avaient particulièrement enthousiasmé dans leurs expressions individuelles, c'est vendredi Julien Rousseau qui s'est révélé à moi. Ses attaques claires et vives à la trompette et au bugle apportaient une netteté qui semblait définir la direction lumineuse vers laquelle le magma collectif s'orientait progressivement.

Le groupe entre en studio cette semaine pour enregistrer son premier disque (auquel on peut souscrire sur leur site ou lors des concerts pour les aider à récolter les fonds nécessaires).

mercredi 10 janvier 2007

Alexandra Grimal Quartet @ Les 7 Lézards, lundi 8 janvier 2007

L'année 2007 commence comme la précédente s'est achevée, en tout cas en ce qui concerne les concerts auxquels j'assiste : même groupe, même salle, le 19 décembre et le 8 janvier. De quoi avoir un bon aperçu du quartet que forment Alexandra Grimal (ts, ss), Giovanni Di Domenico (p), Manolo Cabras (b) et Joao Lobo (dms).

Les fidèles de Samizdjazz et de Citizen Jazz savent déjà tout le bien que je pense d'Alexandra. Son concert au Duc en août reste parmi les meilleurs auxquels j'ai assisté en 2006. Elle est d'ailleurs la musicienne que j'ai le plus souvent vue sur scène l'année dernière, dans de multiples formations. Et bien je peux dire que le quartet dont il est question ici est l'un de ses meilleurs groupes, si ce n'est le meilleur. Celui dans lequel le jeu est le plus libre et le plus dense, sans doute en raison du fait que les musiciens se connaissent depuis six ans. D'ailleurs, le fait que le répertoire soit entièrement composé par Alexandra, Giovanni, Manolo et... Ornette Coleman ne trompe pas.

En quatre sets (deux à chaque fois), on a ainsi pu savourer dans les détails les spécificités de ce groupe. On y retrouve la "patte" Grimal, faite d'un subtil mélange de retenue et d'explosivité, mais on y découvre surtout un jeu collectif servi par de formidables individualités. Si j'avais déjà pu apprécier le jeu très percussif de Joao Lobo à La Fontaine, la découverte des deux Italiens de Bruxelles au piano et à la contrebasse n'a fait qu'amplifier le plaisir. Ils apportent en effet beaucoup à l'identité sonore du groupe, par leur jeu constamment sur la brèche, in'n'out. La place dévolue au silence, aux respirations des uns et des autres, à la manière de ce qu'Alexandra laissait déjà entrevoir dans d'autres formations, est ici majeure. Le fait que les quatre musiciens soient sur la même longueur d'onde, qu'ils aient quelque part la même approche du temps musical, rend ce groupe particulièrement excitant. La qualité des compositions, qui forment un tout cohérent avec les thèmes d'Ornette repris pour l'occasion, est elle aussi indéniable. Elles mêlent pour la plupart des thèmes limpides, d'une simplicité obsédante, à des développements aventureux, entre silences, bruissements et explosions tour à tour bruitistes et lyriques. Une unité s'en dégage, mais certainement pas une uniformité.

Ces concerts étaient également l'occasion d'entendre Alexandra après le mois et demi de résidence qu'elle a passé au Banff Center (Canada) – ce qu'elle évoquait dans l'interview qu'elle m'a accordée l'été dernier. Certaines compositions étaient d'ailleurs d'amusants clins d'oeil, à l'instar de ce "Elks around" devenu "Des caribous tout autour" lors du deuxième concert. C'était également le début d'un renforcement de l'expérience collective qu'est ce groupe. Alexandra me disant qu'elle souhaitait le privilégier pour les deux années à venir. Vivement la suite !