jeudi 30 juin 2005

Grupa Palotaï / Wildmimi Antigroove Syndicate / Taranta-Babu @ Studio de l'Ermitage, mercredi 29 juin 2005

Les mercredis du mois de juin au Studio de l'Ermitage étaient consacrés aux soirées "Danse Qui Peut !" qui regroupent trois groupes dont la caractéristique commune, selon Rémi Sciuto, est de "s'inspirer de musiques populaires et dansantes pour en faire une musique malheureusement moins populaire et très peu dansante... d'où le nom !". Les trois groupes en question sont le Grupa Palotaï, Wildmimi Antigroove Syndicate et Taranta-Babu. Hier soir avait donc lieu la quatrième et dernière soirée du mois.

Le concert a commencé par un set du Grupa Palotaï, sans batteur. Nicolas Mathuriau, qui tient d'habitude la batterie du groupe, étant en convalescence suite à de mauvaises rencontres du côté de Marignane (les rapports de certains avec la musique "dégénérée" ne se sont visiblement pas améliorés en 70 ans...). Les quatre autres membres du groupe étaient bien là eux, c'est à dire toujours Csaba Palotaï à la guitare, Didier Havet au soubassophone, et Rémi Sciuto et Thomas de Pourquery aux divers saxophones. Plaisir renouvelé à l'écoute de cette musique joyeuse, pleine d'humour, entre jazz et effluves est-européennes, avec même quelques nouveaux morceaux.

Le deuxième set était assuré par le Wildmimi Antigroove Syndicate, un trio qui regroupe Rémi Sciuto aux saxes, Boris Boublil au piano et à l'orgue, et Antonin Leymarie (de TTPKC & Le Marin) à la batterie. Là aussi la musique puise dans les danses populaires vues à travers le prisme du jazz contemporain. Ce groupe pourrait être une sorte de cousin de la Campagnie des Musiques à Ouïr et de son jazz rural. D'ailleurs, il est souvent question d'animaux dans les morceaux du groupe. On croise ainsi poulet, calamar et poney dans les titres de plusieurs morceaux. Contrairement à ce que leur nom laisse paraître, ils savent aussi bien groover, notamment Boris Boublil aux claviers électriques. Mais ce n'est pas leur seule référence. Les musiques de cabaret pointent aussi le bout de leur nez dans leur démarche festive.

Le troisième set était l'oeuvre de Taranta-Babu, quintet qui puise lui plutôt son inspiration dans les musiques du Sud (Italie, Maghreb). Composé de Fabien Kisoka aux saxes, Matthias Mahler au trombone, Tarik Chaouach au fender rhodes et au mélodica, François Puyalto à la basse et Tatiana Mladenovitch à la batterie (et tout le monde aux percussions), le groupe mélange un jazz énergique, voire énervé, avec les rythmes des transes gnawa notamment, à grand renfort de qarqabous (ces castagnettes métaliques typiques de la musique gnawa), et avec une basse qui prend parfois des accents de guembri. Un groupe qui ne fait pas dans la dentelle (un peu moins subtil que les deux autres), mais qui dégage une bonne dose d'énergie.

Pour le rappel, les musiciens des trois groupes sont venus jouer un morceau ensemble, inspiré des musiques populaires du Sud de l'Italie (fanfare sicilienne, chanson napolitaine...), qui finissait de démontrer qu'il n'était pas tout à fait impossible de danser sur ces musiques, ou à tout le moins de fortement bouger tête, jambes et bras.

mercredi 29 juin 2005

M. Ward / Arto Lindsay @ Cité de la Musique, mardi 28 juin 2005

Drôle de concert hier soir dans l'amphithéâtre de la Cité de la Musique. Dans le cadre du domaine privé consacré à Alain Bashung, deux guitaristes américains invités par le chanteur français se sont succédés, en solo, sur la scène de la petite salle de la Cité. Tout d'abord M. Ward, chanteur-guitariste-harmoniciste tendance folk, suivi d'Arto Lindsay, chanteur-guitariste tendance bossa bruitiste. Deux visages radicalement opposés de l'Amérique contemporaine. L'un qui sent les grands espaces, l'Amérique rurale, les petites villes perdues dans l'immensité ; l'autre qui incarne depuis près de 30 ans l'underground musical new-yorkais, ouvert sur le monde (en l'occurence le Brésil), et amateur de dissonances. L'un qui m'a ennuyé, l'autre qui m'a passionné.

La performance de M. Ward a confirmé que, décidément, folk, country, rock et genres assimilés m'ennuient profondément. Dès le troisième morceau, j'en avais marre. J'avais l'impression qu'il ne se passait rien dans cette musique. En plus, la voix de M. Ward n'est pas très agréable, un peu nasillarde et pas toujours très juste. Même sa reprise du Let's Dance de Bowie n'a pas réussi à éveiller plus de deux secondes mon attention.

Heureusement, ce qui a suivi a été radicalement - c'est le moins que l'on puisse dire - différent. Dès ses premières "notes" (ou plutôt dès ses premiers bruits), Arto Lindsay a surpris tout l'auditoire. Il ne joue pas de la guitare, il la tape, la triture dans tous les sens, la pousse à bout, à grand renfort d'amplification électrique. On était plus proche de la no wave de DNA que de ses récentes aventures en terres brésiliennes. Mais, dès qu'il a commencé à chanter, de sa voix douce et aigue, un retour vers la langueur bossa a eu lieu. Pendant tout le concert il a ainsi joué sur les contrastes entre la douceur de sa voix, toute en délicatesse lusophone, et son "jeu" de guitare pour le moins bruitiste. Comme un condensé de ses aventures soniques depuis 30 ans.

Il faut dire qu'Arto Lindsay est un personnage musical paradoxal comme seul New York en engendre. Grandi au Brésil, ce dandy américain a toujours eu un pied au Nord et l'autre au Sud du continent américain. Producteur de Caetano Veloso, Marisa Monte, Vinicius Cantuaria ou encore Carlinhos Brown, il a aussi été à la pointe du bruitisme no wave avec DNA ou aux côtés de John Zorn (dans Locus Solus par exemple). Depuis une petite décénie maintenant, il explore avec quelques fidèles la bossa et la samba à travers les prismes bruitistes et électroniques. Sur disque, ça donne quelque chose de très délicat, les éléments perturbateurs étant distillés avec parcimonie. Sur scène hier, en solo il est vrai, c'était beaucoup plus radical - mais avec beaucoup d'humour. Comme cette reprise du standard brésilien Beija-me, en conclusion du concert, avec un accompagnement minimaliste à la guitare. Belle ligne mélodique vocale parasitée par un rythme guitaristique déglingué. Un excellent résumé de la démarche d'Arto Lindsay qui confronte constamment musique et bruit, un "moyen efficace de lutte contre le conservatisme" comme titrait Véronique Mortaigne dans Le Monde il y a quelques années à propos du guitariste new-yorkais.

Si j'évoque Véronique Mortaigne, ce n'est pas tout à fait un hasard. C'est en effet suite à un autre de ses articles, que je me suis intéressé à Bashung (l'auteur de la programmation de la Cité de la Musique cette semaine). Avant de lire cet article, Bashung n'était pour moi qu'un chanteur de variétés de plus, dont je ne connaissais que quelques tubes passés à la radio. Mais, dans son article, au sujet du disque L'imprudence (Barclay, 2002), Véronique Mortaigne soulignait la présence de Marc Ribot, Arto Lindsay, Steve Nieve ou encore Mino Cinelu parmi les musiciens qui entouraient le chanteur. Premier intérêt : que pouvaient bien faire Ribot et Lindsay chez Bashung ? L'article étant également très élogieux sur le reste, comparant le disque aux meilleurs Gainsbourg et Ferré (mes deux chanteurs français préférés), je me suis décidé à l'acheter. Et, effectivement, ce disque est un petit bijou. Pourtant je n'écoute pas beaucoup de chanson française d'habitude, mais là c'est superbe. La chanson française qui s'inspire de la Downtown Scene, ça ne se voit pas tous les jours. Et quand, en plus, Bashung a la bonne idée d'inviter Arto Lindsay pour un concert aussi étonnant que superbe, ne boudons pas notre plaisir.

dimanche 26 juin 2005

Las Ondas Marteles / Julien Lourau Quintet @ Parc Floral, dimanche 26 juin 2005

Ça valait le coup de faire abstraction du temps peu encourageant ce midi pour aller assister aux concerts donnés au Parc Floral cet après-midi. Non seulement parce que soleil et ciel bleu furent finalement de la partie, mais surtout parce que Julien Lourau a donné un excellent concert.

En première partie, il y avait tout d'abord Las Ondas Marteles, un trio français qui fait dans les musiques cubaines et mexicaines. Le groupe est constitué du guitariste Sébastien Martel (Olympic Gramofon, Mathieu Chedid), de son frère Nicolas au chant et aux percussions, et de Sarah Murcia à la contrebasse (Magic Malik Orchestra, Caroline). Ils ont publié un fort joli disque l'année dernière chez Label Bleu (Y después de todo) en hommage au poète cubain Miguel Angel Ruiz. Leur musique emprunte essentiellement au boléro et au son traditionnel cubain, avec juste quelques délicates griffures électriques à la guitare qui évoquent un peu les Cubanos Postizos de Marc Ribot. En trois petits quarts d'heure ils ont offert au public du Parc Floral un florilège de leurs chansons fort agréable. Le genre de première partie idéale.

Après la pause, le quintet très électrique de Julien Lourau a pris possession de la scène. J'avais vu une première fois ce groupe il y a un peu plus d'un an au Duc des Lombards pour leur tout premier concert ensemble sur ce nouveau projet du saxophoniste au nom assez évocateur : Fire & Forget, en référence à la formule par laquelle l'artillerie britannique entame les hostilités. Lors du concert, Lourau avait prévenu : on était là pour essuyer les plâtres. D'ailleurs la moitié des morceaux n'avaient pas encore de titres, et on sentait que la musique partait un peu dans tous les sens. Après plus d'un an de concerts et l'enregistrement de deux disques, revoici donc Lourau, pour un projet bien ficelé et bien maîtrisé.

Pour ce groupe il s'est entouré de fidèles qui ont fait partie de certains de ces précédents projets et qui ont tous grosso-modo le même âge (autour de 35 ans). Ce qui donne Eric Löhrer à la guitare, Bojan Z aux claviers, Vincent Artaud à la contrebasse et Daniel Garcia-Bruno à la batterie. La particularité du groupe est de faire un grand appel à l'électricité : guitares, claviers et effets sur les saxes. Un changement à 180° par rapport à The Rise, son projet précédent, tout acoustique.

Le concert s'est ouvert sur le thème-titre du projet, Fire & Forget, dérive martiale en terres électriques et free. Daniel Garcia-Bruno et Vincent Artaud tiennent un rythme lourd, obsédant, militaire, pendant que Lourau joue des effets électriques et se la joue free. Un morceau idéal pour faire partir les oreilles peu au fait des derniers développements du jazz contemporain... ce qui est d'ailleurs arrivé. Il faut dire que si les gens étaient venus pour écouter du bon vieux swing de papa allongés dans l'herbe, ils n'ont pas dû être déçus !

Après cette entrée en matière tonitruante, Lourau a déroulé le répertoire de son groupe pendant un peu plus de deux heures. Par rapport au disque (Fire en tout cas, je n'ai pas encore eu l'occasion d'écouter Forget), les musiciens peuvent se permettre de prendre beaucoup plus de liberté, que ce soit dans la dimension hypnotique des grooves installés ou dans les dérapages électriques et free. Et c'est peu de dire que la formule marche à merveille.

Pour le concert d'aujourd'hui, il y avait en plus deux invités vocaux qui ont chanté sur quelques morceaux. Tout d'abord le grand John Greaves sur A stitch in time et Don't save me. Ça me fait d'ailleurs penser qu'il a enregistré un disque avec Elise Caron qu'il faudrait que je me procure. Outre le chanteur gallois était aussi présent le MC chicagoan Allonymous pour un excellent Sometimes. Non seulement Allonymous a une voix très agréable, mi-rap mi-soul, mais en plus il a une façon de danser à nulle autre pareille !

Le concert a également été l'occasion d'apprécier Bojan Z aux claviers électriques, comme sur la phénoménale intro de Relaxin' @ Guantanamo. Même si je le préfère naturellement face à son Fazioli, il a su développer un sens du groove entêtant qui colle parfaitement à l'esprit du groupe. Tout comme Eric Löhrer au phrasé hypnotiques sur I'd rather not. C'est notamment là qu'on voit la cohérence qu'a gagnée le groupe en un an.

Le concert s'est achevé sur une reprise du thème-titre, histoire de boucler la boucle. Mais c'était sans compter les rappels. Tout d'abord un morceau qui a vu revenir John Greaves et Allonymous ensemble pour une belle opposition de styles vocaux, puis un emprunt au répertoire acoustique de The Rise, avec une version électrique de Tu mi turbi, morceau à la mélodie latine, suivi par une escapade reggae avec le final Lisa et Flavio. Histoire de démontrer une dernière fois que danse et expérimentations ne font pas forcément mauvais ménage. Un grand concert !

samedi 25 juin 2005

Bertolt Brecht / Hanns Eisler - Schweyk @ Théâtre des Amandiers, vendredi 24 juin 2005

Je suis allé voir Schweyk, de Bertolt Brecht, hier soir aux Amandiers. Ce n'est que la deuxième fois que cette pièce est montée en France, et la première remonte aux années 60. Jean-Louis Martinelli (l'actuel patron des Amandiers et le metteur en scène de la pièce) a eu une riche idée de proposer cette comédie musicale inspirée du fameux personnage de Jaroslav Hasek. Ce fut une vraie réussite.

La brave soldat Chvéïk est né au début du XXe siècle sous la plume de Hasek dans des journaux praguois sous forme de feuilletons. Après la première guerre mondiale, Hasek en a tiré trois livres, particulièrement drôles, qui ont fait de Chvéïk l'un des héros du peuple tchèque au même titre que Jan Hus.

En 1928, Brecht a monté, avec Erwin Piscator, une première adaptation théâtrale des aventures du brave soldat. Lors de son exil américain pendant la Seconde guerre mondiale, il a eu l'idée de l'adapter au contexte du moment après avoir vu Le Dictateur de Chaplin. Comme il l'avait fait avec Kurt Weill pour L'Opéra de Quat'sous, Brecht a travaillé avec un compositeur pour faire de la pièce une comédie musicale, inspirée à la fois par Broadway et par les mélodies populaires des tavernes d'Europe centrale. C'est Hanns Eisler, futur compositeur de l'hymne officiel de la RDA, qui s'est chargé d'écrire la musique.

Pour l'adaptation aux Amandiers, c'est le guitariste Rodolphe Burger, et son Meteor Band, qui s'est chargé de transcire la musique de Eisler dans une version un peu plus rock (pour un format guitare, piano, basse, batterie - avec notamment Maxime Delpierre à la guitare). Cela donne parfois une adaptation au deuxième degré, quand par exemple une chanson reprend la ligne mélodique de La Moldau de Smetana. Les paroles ont également été traduites en français, sauf quand ce sont les nazis qui chantent. Dans ce double rôle de comédien et de chanteur, c'est évidemment Elise Caron (Madame Kopecka, la tenancière de la taverne où traine Schweyk) qui rayonne le plus. Normal, puisqu'elle est avant tout une formidable chanteuse (guettez le programme du Triton pour la rentrée). C'est d'ailleurs sa présence qui m'a véritablement donné envie de voir cette pièce.

Schweyk est lui interprété par Jean-Pierre Bacri. Avant de voir la pièce, j'avais une représentation de Schweyk basée sur les illustrations de Josef Lada, autrement dit Bacri ne collait pas spécialement physiquement au rôle. De même, il ne me semblait pas avoir ce caractère naïf particulier à Schweyk. Pourtant, Bacri s'en sort plutôt bien, en jouant notamment à merveille sur le double sens des discours de son personnage. On ne sait jamais très bien si c'est du lard ou du cochon, s'il est complètement idiot ou s'il est un génial provocateur. C'est d'ailleurs cette particularité qui fait que Schweyk, l'homme tchèque ordinaire par excellence, se retrouve (malgré lui ?) être le grain de sable qui dévoile toute l'absurdité de la machine infernale du IIIe Reich. Le passage où il parle de la pureté de la race chez les chiens (il est trafiquant de chiens volés) à un officier SS est en cela un grand moment.

La mise en scène, assez sobre, est elle aussi une réussite. Elle emprunte d'ailleurs quelques idées à la version d'origine de Piscator, notamment l'utilisation de tapis roulants pour faire marcher Schweyk vers Stalingrad, enrôlement de force dans l'armée allemande oblige.

Cette pièce, dans son format, rend ainsi un bel hommage à l'Allemagne de Weimar, à ses cabarets et son théâtre d'avant-garde populaire.

dimanche 12 juin 2005

TTPKC & Le Marin / Quinte & Sens @ Les Copeaux, Montreuil, samedi 11 juin 2005

Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas assisté à un concert à Montreuil, ville qui fut pourtant la capitale européenne du jazz alternatif il y a quelques années, avant que les Instants Chavirés ne prennent un tournant plus électro. Hier soir c'était donc un peu "retour vers le futur" quand le jazz de demain s'inventait dans les lieux alternatifs de la cité séquano-dionysienne. Pour l'occasion, deux groupes que j'ai déjà eu l'occasion de voir récemment se produisaient aux Copeaux, une ancienne menuiserie à peine reconvertie (les instruments de travail sont encore en place).

Pour célébrer la sortie de leur premier disque, autoproduit et distribué par Chief Inspector, TTPKC & Le Marin assurait la première partie. Toujours composé de 3 saxophonistes (baryton, ténor et alto) et d'un batteur, le groupe a donné à entendre une musique moins tourbillonnante que lors de leur précédent concert, même si certains morceaux comme l'inaugural Super Panpan groovaient bien. Le jeu sur les sonorités, avec pédales à effets sur les saxes baryton et alto, était au coeur de leur démarche, axée sur l'aspect rythmique des choses. Sur les deux derniers morceaux, ils ont été rejoints par un trompettiste qui accentuait l'aspect cuivré de leur sonorité, et qui mettait en évidence l'influence des musiques populaires, notamment balkaniques. Le dernier morceau, Groumlat, sorte d'hommage aux musiques de cabaret, était superbe, avec la participation de Claude Whipple, le guitariste de Quinte & Sens, au chant onomatopique, entre gouaille tango et accents kurtweilliens tendance jazz.

La seconde partie du concert était assurée par Quinte & Sens, groupe trop méconnu qui a pourtant tout pour exploser aux oreilles du plus grand public. Le groupe a proposé une collection de nouveaux morceaux (bientôt un deuxième disque ?) à l'exception du final, L'hydre ivre, qui figure sur leur très bon premier album, Karibu (Chief Inspector, 2003). On a retrouvé hier leur style propre, qui mèle les influences de la Downtown Scene new-yorkaise, des musiques du monde (notamment est-européenne) et du jazz-funk. Olivier Py est tout particulièrement excellent au sax soprano, ce qui ne siginifie pas que ses compères sont en reste. Ils sont tous au top et ce serait dommage d'en privilégier un plutôt qu'un autre. En fait, ils jouent la musique que j'aimerai jouer si j'étais musicien, ce qui donne un bon indice du plaisir que je prends à les écouter. Surveillez leurs prochaines apparitions, vous ne serez pas déçus.

mardi 7 juin 2005

Leoš Janáček - De la maison des morts @ Opéra Bastille, lundi 6 juin 2005

L'Opéra Bastille propose en ce moment une série de représentations du dernier opéra de Leos Janacek, De la maison des morts, d'après le roman autobiographique de Dostoïevski sur ses années passées dans un camp de travail de Sibérie, Souvenirs de la maison des morts.

Janacek est l'un de mes deux ou trois compositeurs préférés, et la représentation d'hier soir l'a confirmé de la plus belle des manières. Cette musique touche au sublime, que ce soit dans le rendu de l'oppression dans l'acte I, ou dans le retour perpétuel du violon solo au phrasé très janacekien, sans oublier la force de la scène finale qui glorifie la liberté. Le compositeur morave a peu d'équivalents, il ne se rattache véritablement à aucune école. Il est à la fois étonnament moderne, par son usage des ruptures et du "décousu", et profondément ancré dans les traditions de son pays, notamment grâce à son travail sur le phrasé, mélodique et rythmique, de la langue tchèque, qui influence une grande partie de son oeuvre. Un travail qui trouve évidemment tout son sens dans ses opéras, et dans celui-ci en particulier. Sans rien comprendre au tchèque (qui plus est chanté), la musique souligne si subtilement le récit que l'on devine parfois le sens du discours avant que les surtitres n'apparaissent (ça aide de connaître l'histoire auparavant ceci-dit).

Par ailleurs, la mise en scène assez classique de Klaus Michael Grüber et les décors dépouillés dus à Eduardo Arroyo collent parfaitement avec la musique, et avec "l'ambiance" du texte de Dostoïevski. Ce n'est pas ici une vision prophétique de l'univers concentrationnaire, mais au contraire une approche terriblement humaine de l'univers du bagne, où la rédemption n'est jamais loin. Les décors apportent ainsi la touche finale au succès de cette représentation qui restera comme l'un des plus beaux opéras qu'il m'ait été donné de voir.

dimanche 5 juin 2005

Daby Touré / Rokia Traoré @ Parc Floral, samedi 4 juin 2005

C'est reparti. Un petit air d'été en ce début de mois de juin. Le Paris Jazz Festival qui se tient comme à son habitude tous les samedis et dimanches de juin et juillet au Parc Floral s'ouvrait hier. Pour l'occasion, pas vraiment du jazz, mais des musiques ouest-africaines, avec le mauritanien Daby Touré suivi de la malienne Rokia Traoré.

Le nom de Daby Touré ne vous dit peut-être rien (en tout cas, moi, il ne me disait rien avant le concert), et pourtant, si vous êtes auditeur de Nova ou de FIP, vous avez sans doute déjà entendu quelques unes de ses chansons. Daby Touré n'est autre que le fils de l'un des chanteurs de Touré Kunda, le groupe phare du "Paris, capitale de la sono mondiale" comme on disait dans les 80s. Pour le concert d'hier, Daby Touré, au chant et à la guitare, était accompagné d'un bassiste et de deux percusionnistes. Sa musique m'évoque un peu celle d'un autre chanteur-guitariste, sénégalais, El Hadj N'Diaye, lui aussi auteur de belles ballades. Avec son joli timbre de voix, Daby Touré a proposé de bien belles chansons, aux rythmes enchanteurs, puisant aussi bien dans les traditions ouest-africaines que du côté du reggae et d'autres musiques du grand large.

Après cette agréable première partie, place était faite à Rokia Traoré, sans aucun doute l'une des plus belles voix de l'Afrique contemporaine. C'est la deuxième fois que je la voyais sur scène, la surprise était donc moins grande, mais le plaisir était lui bien intact. Dès le premier morceau, une ballade interprétée par Rokia à la guitare et au chant, simplement accompagnée par sa choriste, le ton était donné. La chanteuse malienne a une voix d'une incroyable finesse. La musique malienne - ou plutôt les musiques maliennes - est sans doute l'une des plus riches d'Afrique de l'Ouest. C'est évidemment dû à l'étendue géographique du pays, qui s'étend des confins du Sahara au Sud du Sahel, mais aussi à la tradition des griots, encore bien présente chez les héritiers de l'empire mandingue. Pourtant, la musique de Rokia Traoré lui est très personnelle. Si elle utilise les sonorités traditionnelles, elle ne s'inscrit en rien dans les rythmes et mélodies d'hier, privilégiant une écriture qui lui est propre, contemporaine. Hier elle était accompagnée par deux joueurs de luth n'goni, deux percussionnistes, un bassiste, un joueur de balafon et une choriste. Mais, malgré le nombre conséquent de musiciens dans son groupe, sa musique garde un caractère très doux. Elle n'est pas du genre à tout miser sur des rythmes rapides pour entraîner le public. Elle cherche avant tout à communiquer ses histoires, via de belles ballades et quelques chansons plus enlevées. Vu l'accueil enthousiaste du public, elle aurait tort de s'en priver.