Ça valait le coup de faire abstraction du temps peu encourageant ce midi pour aller assister aux concerts donnés au Parc Floral cet après-midi. Non seulement parce que soleil et ciel bleu furent finalement de la partie, mais surtout parce que Julien Lourau a donné un excellent concert.
En première partie, il y avait tout d'abord Las Ondas Marteles, un trio français qui fait dans les musiques cubaines et mexicaines. Le groupe est constitué du guitariste Sébastien Martel (Olympic Gramofon, Mathieu Chedid), de son frère Nicolas au chant et aux percussions, et de Sarah Murcia à la contrebasse (Magic Malik Orchestra, Caroline). Ils ont publié un fort joli disque l'année dernière chez Label Bleu (Y después de todo) en hommage au poète cubain Miguel Angel Ruiz. Leur musique emprunte essentiellement au boléro et au son traditionnel cubain, avec juste quelques délicates griffures électriques à la guitare qui évoquent un peu les Cubanos Postizos de Marc Ribot. En trois petits quarts d'heure ils ont offert au public du Parc Floral un florilège de leurs chansons fort agréable. Le genre de première partie idéale.
Après la pause, le quintet très électrique de Julien Lourau a pris possession de la scène. J'avais vu une première fois ce groupe il y a un peu plus d'un an au Duc des Lombards pour leur tout premier concert ensemble sur ce nouveau projet du saxophoniste au nom assez évocateur : Fire & Forget, en référence à la formule par laquelle l'artillerie britannique entame les hostilités. Lors du concert, Lourau avait prévenu : on était là pour essuyer les plâtres. D'ailleurs la moitié des morceaux n'avaient pas encore de titres, et on sentait que la musique partait un peu dans tous les sens. Après plus d'un an de concerts et l'enregistrement de deux disques, revoici donc Lourau, pour un projet bien ficelé et bien maîtrisé.
Pour ce groupe il s'est entouré de fidèles qui ont fait partie de certains de ces précédents projets et qui ont tous grosso-modo le même âge (autour de 35 ans). Ce qui donne Eric Löhrer à la guitare, Bojan Z aux claviers, Vincent Artaud à la contrebasse et Daniel Garcia-Bruno à la batterie. La particularité du groupe est de faire un grand appel à l'électricité : guitares, claviers et effets sur les saxes. Un changement à 180° par rapport à The Rise, son projet précédent, tout acoustique.
Le concert s'est ouvert sur le thème-titre du projet, Fire & Forget, dérive martiale en terres électriques et free. Daniel Garcia-Bruno et Vincent Artaud tiennent un rythme lourd, obsédant, militaire, pendant que Lourau joue des effets électriques et se la joue free. Un morceau idéal pour faire partir les oreilles peu au fait des derniers développements du jazz contemporain... ce qui est d'ailleurs arrivé. Il faut dire que si les gens étaient venus pour écouter du bon vieux swing de papa allongés dans l'herbe, ils n'ont pas dû être déçus !
Après cette entrée en matière tonitruante, Lourau a déroulé le répertoire de son groupe pendant un peu plus de deux heures. Par rapport au disque (Fire en tout cas, je n'ai pas encore eu l'occasion d'écouter Forget), les musiciens peuvent se permettre de prendre beaucoup plus de liberté, que ce soit dans la dimension hypnotique des grooves installés ou dans les dérapages électriques et free. Et c'est peu de dire que la formule marche à merveille.
Pour le concert d'aujourd'hui, il y avait en plus deux invités vocaux qui ont chanté sur quelques morceaux. Tout d'abord le grand John Greaves sur A stitch in time et Don't save me. Ça me fait d'ailleurs penser qu'il a enregistré un disque avec Elise Caron qu'il faudrait que je me procure. Outre le chanteur gallois était aussi présent le MC chicagoan Allonymous pour un excellent Sometimes. Non seulement Allonymous a une voix très agréable, mi-rap mi-soul, mais en plus il a une façon de danser à nulle autre pareille !
Le concert a également été l'occasion d'apprécier Bojan Z aux claviers électriques, comme sur la phénoménale intro de Relaxin' @ Guantanamo. Même si je le préfère naturellement face à son Fazioli, il a su développer un sens du groove entêtant qui colle parfaitement à l'esprit du groupe. Tout comme Eric Löhrer au phrasé hypnotiques sur I'd rather not. C'est notamment là qu'on voit la cohérence qu'a gagnée le groupe en un an.
Le concert s'est achevé sur une reprise du thème-titre, histoire de boucler la boucle. Mais c'était sans compter les rappels. Tout d'abord un morceau qui a vu revenir John Greaves et Allonymous ensemble pour une belle opposition de styles vocaux, puis un emprunt au répertoire acoustique de The Rise, avec une version électrique de Tu mi turbi, morceau à la mélodie latine, suivi par une escapade reggae avec le final Lisa et Flavio. Histoire de démontrer une dernière fois que danse et expérimentations ne font pas forcément mauvais ménage. Un grand concert !
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