Je n'avais pas prévu de prendre de place pour la rencontre entre le quartet de Wayne Shorter et l'Orchestre National d'Ile-de-France à la Grande Halle mardi soir, me méfiant assez fortement de ce genre d'expérience "avec orchestre". Mais, l'annonce cinq jours auparavant de la venue d'Herbie Hancock pour un duo avec Shorter en première partie m'avait fait changer d'avis. J'aurais dû rester sur ma méfiance d'origine.
La Grande Halle réouvre cette année après plus de deux ans de travaux. La salle me semble beaucoup plus grande que dans mon souvenir. Arrivé juste à l'heure, je ne peux trouver une place que haut perché, loin de la scène. Je n'aime pas les grandes salles. Hancock et Shorter entrent en scène, et... ils sont tous petits ! L'art du duo dans un stade de foot : difficile. C'est peut-être la raison pour laquelle ledit duo ne dure que cinq minutes, le temps de quelques variations autour de In a silent way (de Joe Zawinul, qui a dû annuler sa présence lors du festival en raison d'un cancer malheureusement fort avancé). Le duo devient vite quartet avec l'arrivée sur scène de John Patitucci (cb) et Brian Blade (dms), soit le quartet de Shorter avec Hancock à la place de Danilo Perez au piano. J'aime le parti pris de jouer en quartet acoustique des compositions de la période électrique de Miles : on reconnaît le rythme de basse obsédant de Shhh/Peaceful, un délice. Hancock est volontiers minimaliste dans ses accompagnements. Subtils ostinatos aquatiques qui se marient à merveille avec le son retenu de Shorter au soprano. Mais ce n'est pas une musique pour une salle de cette taille.
Au bout d'un quart d'heure, le quartet est rejoint par une chanteuse. Luciana Souza annoncera Hancock à la fin du morceau. Déjà vue ou entendue avec le Maria Schneider Orchestra et Los Guachos de Guillermo Klein, des contextes où elle m'avait plus convaincu. Mardi, elle a interprété une chanson de Joni Mitchell, Amelia. Une pub vivante pour le prochain disque d'Herbie, autour de compositions de la chanteuse canadienne. Sentiment de gêne : c'est donc pour ça que le pianiste est venu. En plus, le morceau ne me convainc pas. Un traitement assez plat de la ligne mélodique. Peu d'inventivité. La prestation s'arrête là. Grosse déception, et l'impression de s'être laissé arnaquer.
Après la pause, le quartet de Shorter (avec Danilo Perez au piano cette fois) est rejoint par l'Orchestre National d'Ile-de-France. Deux bons passages seulement pendant ce concert : les deux moments où le quartet a joué seul. Enfin un peu de liberté dans cette musique corsetée. L'utilisation de l'orchestre est monochrome : amplification des lignes mélodiques pour donner de la puissance à la musique. Ça ne va pas du tout avec la musique de Shorter, fragile, poétique, ouverte : "Ses ailes de géant l'empêchent de marcher". Déception jusqu'au bout. On se dit que c'est quand même très dommage de se payer le luxe d'avoir Shorter une semaine à Paris et de ne pas programmer une seule fois le quartet seul. Parce que ce groupe reste exceptionnel.
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