samedi 24 décembre 2005
Ernest Dawkins & John Betsch @ Les 7 Lézards, vendredi 23 décembre 2005
Le concert a commencé par une mise en situation percussive, avec John Betsch au gong et Ernest Dawkins avec un tas de petites percussions en tous genres, de sifflets, de clochettes... Introduction spirituelle assez typique de la scène free chicagoane. Ensuite, Ernest Dawkins a empoigné son sax alto pour une montée en puissance progressive. Jeu très véloce, grande puissance du son, improvisation free véhémente, et citations de standards ça et là, Ernest Dawkins embrasse, et embrase, l'histoire du jazz. A ses côtés John Betsch est tout aussi vif, surprenant, maintenant un bruissement constant sur les toms et les cymbales. On est dans la lignée des grands duos sax-batterie qui ont fait l'histoire du free jazz. Le concert s'est déroulé dans un flot sonore ininterrompu, mais en trois mouvements disctincts marqués par les changements de saxophones d'Ernest Dawkins (alto - ténor - alto). Une heure et demi intense, qui berce peu à peu, qui fait s'envoler l'esprit ailleurs. On se surprend à ronronner de plaisir en suivant les mouvements de balancier hypnotique du corps d'Ernest Dawkins en transe. Délicieux. Le concert s'est achevé comme il avait commencé, par un échange improvisé autour des percussions et autres petits instruments présents sur la table à côté de Dawkins : harmonica, sifflets, clochettes, gong... Tout cela donnait un aspect très rituel à la musique proposée.
jeudi 22 décembre 2005
Limousine @ Studio de l'Ermitage, mercredi 21 décembre 2005
mercredi 14 décembre 2005
Sonia Wieder-Atherton / Chantal Akerman - D'Est en musique @ Cité de la Musique, mardi 13 décembre 2005
Au départ, D'Est est un documentaire tourné par la réalisatrice belge peu après la chute du communisme, entre l'été 1992 et l'hiver 1993. Elle suit un périple qui la mène de l'Est de l'Allemagne jusqu'à Moscou, semblable en bien des points au plus récent voyage de Wolfgang Büscher dont je me faisais l'écho il y a quelques mois. Originaire d'une famille juive polonaise, Chantal Akerman, bien qu'adepte d'un certain "cinéma-vérité" dans ses documentaires, porte un regard empreint de tendresse sur les personnes qu'elle filme dans le dénuement encore très présent du début de la transition. Pour le concert d'hier soir, Sonia Wieder-Atherton avait sélectionné uniquement certains passages du film, pas forcément diffusés dans l'ordre du récit d'ailleurs. Il s'agissait donc plus d'un spectacle à part entière que d'une simple juxtaposition d'un film et de musiques.
Ce n'est pas la première fois que Sonia Wieder-Atherton collabore avec Chantal Akerman. Pour le film Histoires d'Amérique qui évoque l'immigration juive aux Etats-Unis, la réalisatrice avait ainsi fait appel à la violoncelliste pour arranger et interpréter des chants juifs traditionnels en guise de bande son. Par ailleurs, Chantal Akerman est également la réalisatrice d'un beau documentaire consacré à Sonia Wieder-Atherton qu'Arte avait diffusé il y a quelques temps. Il y a donc une véritable communauté d'esprit, au delà de leurs champs d'expression privilégiés, entre les deux femmes.
Pour le concert d'hier soir, les deux musiciens étaient situés derrière la toile tendue qui servait d'écran de projection. On ne les voyait par conséquent pas pendant la majeure partie de la projection. Les changements de toile pour l'écran permettaient cependant de les apercevoir par moment, quand l'écran blanc cédait sa place à une toile noire.
Le concert a commencé par la Vocalise pour violoncelle et piano de Sergueï Rachmaninov, pendant que des images de femmes travaillant dans des champs étaient projetées. Ensuite, la Sonate pour violoncelle et piano du même Rachmaninov déployait son charme post-romantique sur un ballet de voitures roulant de nuit sous la neige. Ont suivi une adaptation pour violoncelle seul d'un Chant sur un poème morave de Leos Janacek, sur des images d'une foule attendant - sans doute un bus - à la tombée de la nuit, puis la Sonate pour violoncelle et piano n°1 d'Alfred Schnittke, alors que des enfants jouaient dans la neige. Certaines images faisaient écho à celles projetées pendant la sonate de Rachmaninov. C'était assez intéressant de voir les mêmes foules allant et venant - dans ce qui semblait être un hall de gare - aux sons très différents du romantisme tardif du compositeur russe et de l'approche plus contemporaine de son successeur germano-russe. Enfin, le concert s'est achevé sur l'Adagio pour violoncelle et piano de Sergueï Prokofiev et la projection d'images d'un thé-dansant pour personnes d'un âge que nous qualifierons de mûr. C'était d'ailleurs assez amusant de voir le décalage qui existait entre la musique de Prokofiev et les gestes de danse des couples (tous différents d'ailleurs, certains dansant la valse, d'autres le rock, et des troisièmes des danses assez peu orthodoxes), tout en constatant que malgré tout, ça marchait, comme si les mouvements de la pièce de Prokofiev mettaient en évidence le sens caché de ces gestes désordonnés.
Avec des compositeurs que j'aime assez (même si j'aurais bien aimé un peu plus d'oeuvres de Janacek), ainsi qu'une cinéaste et une violoncelliste pour qui j'ai une grande estime, c'était difficile d'être déçu et je partais un peu convaincu d'avance. Pas vraiment de surprise par conséquent, mais un grand plaisir pendant la petite heure et demi qu'a duré le spectacle.
vendredi 9 décembre 2005
Quinte & Sens @ China Club, jeudi 8 décembre 2005
Après cette première partie quelque peu hors normes, Quinte & Sens a rejoint la scène. Toujours composé de Claude Whipple à la guitare, Olivier Py aux saxes soprano et ténor, Xavier Bornens à la trompette et au bugle, François Fuchs à la contrebasse et Aidje Tafial à la batterie, le groupe a proposé un florilège panaché de morceaux récents (à retrouver sur un deuxième disque ?) et de "classiques" du quintet. Au delà des influences diverses (jazz, funk, Afrique, Orient, Balkans...) et des qualités individuelles des musiciens, ce que j'aime surtout chez Quinte & Sens, c'est qu'ils ont développé une sonorité de groupe qui leur est propre. Mélodies entêtantes, improvisations flamboyantes et grande cohésion du propos. On est loin d'un collage d'éléments divers. Il y a une écriture caractéristique (souvent du fait de Claude Whipple, principal compositeur du quintet) qui s'est forgée au cours de ces dix années. Ca ne fait que deux ans que je les connais, mais c'est vite devenu l'un des mes groupes préférés sur la scène jazz hexagonale. Le final d'hier, avec la participation de Medhi Haddab au 'oud électrique et d'un percussionniste oriental, était vraiment excitant, entre un jazz juste ce qu'il faut de libertaire et des mélopées orientales envoûtantes. Le deuxième morceau du concert (Sur un radeau, je crois bien) était lui aussi un superbe moment, avec une mélodie qui colle immédiatement à la mémoire. Et puis retrouver sur scène la puissance d'un Ai-je ta fiole ? est toujours un grand plaisir. Bref, une nouvelle réussite de Quinte & Sens.
jeudi 8 décembre 2005
Ari Hoenig Quartet @ Sunside, mercredi 7 décembre 2005
Yeah ! That's what I call jazz ! Concert absolument jouissif du quartet d'Ari Hoenig hier soir au Sunside. Il faut dire que pour l'occasion le batteur américain était entouré d'un groupe superlatif : Rémi Vignolo à la contrebasse, Julien Lourau aux saxes ténor et soprano et Bojan Zulfikarpasic au piano. En sept morceaux, deux rappels et deux heures de concert, ils nous ont proposé une déambulation à travers les diverses facettes du jazz, avec un enthousiasme et une joie de jouer communicatifs.
Le concert a commencé avec The Panther, une composition d'Ari Hoenig dans un style jazz moderne qui n'était pas sans évoquer Wayne Shorter. Lourau au sax soprano a rendu un bel hommage au maître, alors que le leader, le visage déformé par quelques grimaces à faire peur, alternait puissance et musicalité sur les toms. Le deuxième morceau était aussi signé Hoenig. C'était une toute nouvelle composition d'après ce qu'il a annoncé. Dans un esprit plus proche de Sonny Rollins cette fois-ci. Puissance et balancement mêlés, avec un Lourau au ténor désormais. Après une ballade, toujours de la main de Hoenig, duo Vignolo/Hoenig pour introduire le quatrième morceau à la dimension funk prenante, tendance blaxpoitation des 70s. Pour un peu on se serait cru dans Shaft, avec une contrebasse tenant le rôle de la guitare wah wah. Lourau s'est alors replongé quelques années en arrière, du temps où il dirigeait son Groove Gang. La température montait d'un cran dans la salle. Pour ne pas retomber ensuite, avec une impro blues, toujours autour d'une paire rythmique Vignolo/Hoenig idéalement pulsante. Bojan prenait des accords ancrés dans le delta, faisant pleurer son piano avec entrain. Après ces pièces signées du leader, hommage à Dizzy Gillespie avec une reprise de Con Alma délicieusement chaloupée. Les ambiances caraïbes font le bonheur de Julien Lourau, et il l'a démontré une nouvelle fois hier soir. Le concert s'est alors achevé sur une relecture du thème composé par Lourau pour L'évangile du cochon créole, un court métrage du réalisateur haïtien Michelange Quay. Pendant ce morceau, Ari Hoenig en a profité pour citer les musiciens qui l'accompagnaient, ce qui a permis à chacun de prendre des solos particulièrement imaginatifs : Lourau en percussionnant son sax (il en jouait sans souffler dedans), Bojan en s'autorisant quelques arpèges dont il a le secret, et Vignolo en étant accompagné par Ari Hoenig qui se servait du bois de la contrebasse comme percussion. Franc succès auprès du public, qui en a redemandé avec insistance. D'où deux rappels. Tout d'abord Four de Wayne Shorter, histoire d'apaiser les esprits, puis Hulio's Blues de Bojan Z histoire de les chauffer une dernière fois avant la séparation.
Au delà des thèmes, fort variés, joués, l'entente musicale et amicale entre les quarte musiciens faisait vraiment plaisir à voir et entendre. Bojan et Lourau n'en sont pas à leur première collaboration, loin de là. Depuis l'aventure Trash Corporation au début des 90s, ils se retrouvent régulièrement dans les groupes de l'un ou de l'autre, voire chez quelques prestigieux tiers (cf. le disque Mad Nomad(s) d'Henri Texier, Label Bleu, 1995). Leur complicité n'est plus à démontrer. Quant aux deux autres, si ça ne fait pas quinze ans qu'ils se connaissent, ils ont fait preuve eux aussi d'une belle concorde rythmique. L'ensemble était vraiment jouissif, agrémenté de clins d'œil et sourires de connivence, ce qui ne gâchait rien.
mardi 6 décembre 2005
La Campagnie des Musiques à Ouïr & Gabor Gado @ Studio de l'Ermitage, lundi 5 décembre 2005
La Campagnie des Musiques à Ouïr fêtait hier soir la sortie de son nouveau disque au Studio de l'Ermitage. Enregistré à Budapest pour le label BMC Records avec trois musiciens hongrois, il met en avant une nouvelle collaboration originale pour les trois campagnons après le groupe sud-africain Heavy Spirit, Yvette Horner ou encore Brigitte Fontaine (entre autres). Pour le concert d'hier soir, le guitariste Gabor Gado, qui participe à ce nouveau disque, était présent.
La Campagnie, ce sont trois musiciens décalés, entre mélodies populaires et jazz libertaire. Ils parlent de "jazz rural" pour définir leur musique. Denis Charolles tient la batterie, mais aussi le trombone, le clairon et même l'arrosoir. Christophe Monniot souffle à travers saxes alto et sopranino, mais chante et joue des claviers également. Fred Gastard, aux saxes basse et soprano ainsi qu'aux claviers, est désormais le troisième membre du groupe, en lieu et place de Rémi Sciuto. Valse musette et reggae font bon ménage, entre tango et free jazz, au sein du grand capharnaüm de la Campagnie. Difficilement définissable, il faut assister à un de leurs concerts pour comprendre leur musique. Entre joies simples et tourbillons frénétiques, ça pulse et danse joyeusement.
Après quelques morceaux à trois, ils ont donc été rejoints par Gabor Gado. A priori le style du Hongrois, très évanescent, onirique, qui étire les notes au possible, est radicalement opposé à celui de la Campagnie. Et pourtant, au bout de deux morceaux, ça fonctionne parfaitement. Gabor Gado instaure comme un élément liquide dans le jazz terrien du groupe normand.
Christophe Monniot est toujours aussi enthousiasmant au sax. Il a une manière bien à lui de mêler dans son jeu l'héritage free et un aspect constamment dansant à travers un jeu tourbillonnant, comme s'il était l'enfant caché de Nino Rota et Ornette Coleman. Son corps constamment en mouvement quand il souffle dans ses saxes accentue l'aspect entraînant de son jeu.
En environ deux heures, la Campagnie a proposé un excellent concert, peut-être plus strictement jazz qu'à l'accoutumée (malgré un reggae au milieu du concert et une valse pour conclure), avec moins de chants et plus de cuivres tournoyants, ce qui n'était pas pour me déplaire.