Ce groupe emmené par le batteur belge Teun Verbruggen ressemble à un alignement international de talents : Andrew D'Angelo (USA) au sax alto et à la clarinette basse, Magnus Broo (Suède) à la trompette, Jozef Dumoulin (Belgique) au fender rhodes, Hilmar Jensson (Islande) à la guitare et Ingebrigt Haker Flaten (Norvège) à la basse. Pourtant, le concert a du mal à prendre et les trois premiers morceaux - deux compositions de D'Angelo et une de Jensson - ne m'emportent pas. Je les trouve froides, manquant cruellement du sens narratif si présent lors du concert précédent (celui de Chris Lightcap). Ca tourne dès lors à vide. Par la suite, en revanche, la mayonnaise prend et l'assemblage prend alors tout son sens. Sur les deux compositions de Jozef Dumoulin et encore plus sur celle de Marc Ducret qui forment la deuxième partie du concert, on trouve en effet le groove, un sens de la progression du discours, et un jeu sur les tensions qui éveillent notre curiosité. La batterie débridée du leader répond à la basse furieuse d'IHF, les cuivres exaltés se jouent des pièges rythmiques proposés par Dumoulin, et le tout est magnifié par le sens de l'écriture de Marc Ducret, vedette malgré lui de ce concert auquel il ne participait pas (mais il a fait partie d'une précédente version du groupe).
Eglise de Saalfelden |
Rob Mazurek & Black Cube SP, Congress, 00h00
Le "SP" qui accompagne le nom du groupe, c'est pour Sao Paulo. Composé de six musiciens, il se présente en effet comme une sorte d'extension du Sao Paulo Underground. On retrouve la cellule souche constituée de Rob Mazurek (cornet), Mauricio Takara (batterie, cavaquinho) et Guilherme Granado (synthé, électronique) complétée par le rabeca de Thomas Rohrer, les percussions de Rogerio Martins et la voix de Rodrigo Brandao. Le concert commence comme un rituel candomblé, tous les musiciens agitent frénétiquement des percussions et déclament des invocations aux orixas. Puis une jungle rythmique extrêmement dense se met en place, entre percussions, électronique et onomatopées. Ca ne plaît pas à tout le monde, et tout au long du concert ont lieu quelques défections parmi les spectateurs. Pourtant, ça groove sérieusement ! Rob Mazurek prend des solos puissants sur ce tapis rythmique tandis que Rodrigo Brandao, chanteur surmonté d'une coupe afro aussi touffue que la jungle percussive déployée, psalmodie plus qu'il ne chante en anglais ou en portugais. The Creator Has A Master Plan de Pharoah Sanders (avec qui j'avais vu Mazurek à Lisbonne il y a deux ans) a droit à une citation. La présence de deux instruments plus traditionnels, rabeca (violon rural) et cavaquinho (petite guitare), permet des passages plus relâchés, moins marqués par la nécessité d'occuper tout l'espace disponible, et offre des respirations bienvenues au cours de ce vaste rituel qui se développe de manière ininterrompue sur plus d'une heure. Conçu comme un requiem syncrétique en hommage à sa mère récemment disparue par Rob Mazurek, il s'achève comme il avait commencé par des incantations vocales et percussives de tous les musiciens vers 01h45 du matin. Et pendant ce temps, on a été transporté loin, très loin, par cette irrésistible transe rythmique. L'un des meilleurs concerts du festival à mon goût.