Trio majuscule vendredi soir au Sunside. Le rare Fred Hersch, trop souvent réduit au rôle de musicians' musician, a proposé un concert généreux, en deux longs sets, entouré d'une paire rythmique idéale. Le pianiste américain était en effet accompagné par John Hébert (cb) et Eric McPherson (dms), dont je gardais le souvenir ému de leur contribution au dernier concert parisien du regretté Andrew Hill. C'était il y a cinq ans. McPherson, c'est l'incarnation de la légèreté. D'une subtile ponctuation. Régulière mais inventive. Très présent sur les cymbales, il semble tisser comme une fine dentelle autour des mélodies déployées par le pianiste. Mais quand on concentre l'écoute sur son jeu, on découvre une richesse rythmique, faite de multiples petites surprises, qui épice le discours sans jamais le dénaturer. Pas le genre de batteur à tirer la couverture à lui dans des solos démonstratifs. Plutôt un symbole d'élégance naturelle au service de la musique de son leader.
Au jeu des influences, on évoque souvent Bill Evans pour situer la musique de Fred Hersch. La playlist du concert, et les hommages revendiqués de quelques compositions personnelles, en disent sans doute plus long : un standard pour commencer (You're my everything), des morceaux de modernistes du jazz (Ornette, Shorter, Monk), et des compositions "inspirées par" donc (Jobim, Schumann, Monk encore). D'autres compositions personnelles, toutes nouvelles comme cette merveilleuse Havana du second set ou un peu plus anciennes comme la délicate A lark, qui figurait il y a quelques années sur l'un de mes disques préférés du pianiste (The Fred Hersh Trio +2), permettaient de bien mettre en valeur toute la musicalité que recèle l'écriture de Fred Hersch. Le pianiste a une capacité immense à rendre évidente, par une maîtrise technique loin de toute esbroufe, la complexité rythmique qu'incorpore pourtant son jeu. On est ainsi vite emporté par l'élan du trio, prié de laisser à l'entrée l'idée même d'écouter cette musique avec l'oreille de l'analyste. Le plaisir est trop présent. Le subtil lyrisme du pianiste, magnifiquement secondé par ses acolytes, entre réminiscences romantiques, influences brésiliennes et caraïbes plus suggérées qu'affirmées, et écoute attentive de tous les rénovateurs du jazz (Monk en tête, toujours et encore), ne permet aucune résistance. Là est toute la force de Fred Hersch : embrasser dans un même geste un sentiment d'inexorabilité joyeuse très contagieuse et une retenue dans les effets qui est la marque des grands. Sûrs de leur art.
A lire ailleurs : Ludovic Florin.
dimanche 6 novembre 2011
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