Beau concert hier soir au Studio de l'Ermitage. La première partie fut une découverte complète. Le trio du saxophoniste français Sylvain Rifflet, avec Frédéric Chiffoleau à la contrebasse et Pascal Le Gall à la batterie, nous a proposé un jazz de bonne facture qui, sans révolutionner le genre, pulsait plutôt bien, mettant en valeur le jeu tout en souplesse du sax ténor. Mais le gros morceau de la soirée - et la raison de ma venue - était la présence de trois membres émérites de la Downtown Scene pour la deuxième partie. Le saxophoniste et clarinettiste Chris Speed présentait son "Iffy" trio en compagnie de Jamie Saft à l'orgue électrique et Ben Perowsky à la batterie.
Je connaissais les trois musiciens séparément mais ne savais pas trop quoi attendre de leur réunion. Et bien je ne fus pas déçu ! J'avais déjà eu l'occasion de voir, par deux fois, Ben Perowsky en tant que sideman de Bojan Zulfikarpasic, et de l'apprécier sur disque dans son trio new-yorkais avec Uri Caine et Drew Gress (Camp Songs chez Tzadik ou Live at the Village Vanguard chez Winter & Winter). Pareil pour Jamie Saft que j'avais vu avec l'Electric Masada à Vienne en 2003. Concernant Chris Speed, c'était la première fois que j'assistais à l'un de ses concerts, mais j'avais déjà pu l'entendre sur disque notamment avec le groupe Pachora qu'il co-anime avec Jim Black, Brad Shepik et Skuli Sverrisson (Astereotypical chez Winter & Winter) ou sur le beau Bar Kokhba de John Zorn (chez Tzadik).
Leur collaboration en trio réussit à évoquer les univers particuliers des trois musiciens, tout en proposant un discours cohérent et un son de groupe bien défini. On retrouve ainsi le son délicieusement boisé et rebondi de Chris Speed à la clarinette. Il a en effet pour particularité de ne pas placer le pavillon face au micro, mais au contraire de placer ce dernier à mi-hauteur de l'instrument, ce qui renforce la sonorité boisée et l'impression de douceur qui s'en échappe. Et, si je le connaissais essentiellement en tant que clarinettiste, Chris Speed n'a pas été mauvais non plus - loin de là - au sax ténor. Parallèlement, les nappes d'orgue de Jamie Saft, tour à tour envoûtantes et dissonantes, s'accordaient parfaitement avec la musique jouée par le leader. Leur complémentarité - notamment lors des morceaux où Chris Speed jouait de la clarinette - était somptueuse. Quant à Ben Perowsky, il a une nouvelle fois démontrer l'étendue de son talent dans quelques solos particulièrement enlevés qui dynamisaient de manière fort bienvenue les mélodies toutes en douceur du trio. L'ensemble donnait un jazz aérien, avec des bribes d'influences est-européennes, toujours dynamique et surprenant. Une nouvelle excellente découverte en provenance de NY Downtown.
jeudi 24 février 2005
dimanche 20 février 2005
Seu Jorge / Cyro Baptista @ Maison des Arts de Créteil, samedi 19 février 2005
Troisième et dernier concert dans le cadre du festival Sons d'hiver hier soir pour moi cette année. Comme la veille, ça se passait à la Maison des Arts de Créteil, et comme la veille, ce fut très bon. En cette année du Brésil en France, le festival s'achevait sur deux concerts mettant en lumière des musiciens de ce pays. Tout d'abord le chanteur-guitariste carioca Seu Jorge, suivi du percussionniste new-yorkais Cyro Baptista.
Seu Jorge est considéré comme la révélation de l'année 2004 par quelques médias fouineurs bien inspirés (Nova, Vibrations...). Plus encore que son très bon premier disque distribué en France (Cru, Naïve, 2004), ce sont ses concerts qui lui vallent cette réputation. A la vue de sa performance d'hier, je comprends pourquoi désormais. Le chanteur était accompagné pour l'occasion de trois percussionnistes (qui jouaient aussi parfois du cavaquinho), d'un bassiste et d'un flûtiste. Dès le premier morceau, "Mania de Peitao", le ton était donné. Voix chaude et expressive, rythmes endiablés, et mélodies accroche-coeur. Succès assuré auprès du public, qui ne s'est pas démenti pendant toute la durée du concert. Après trois morceaux sur le même tempo élevé, Seu Jorge se sépare momentanément de ses musiciens pour une très belle ballade en compagnie d'une chanteuse, suivi d'un morceau en solo, lui aussi dans un climat plus intimiste. Avec le retour de son groupe par la suite, la musique s'est faite plus dansante, puisant aussi bien dans le répertoire samba que dans le rock, se faisant en quelque sorte le digne héritier de Jorge Ben, mais également capable de belles ballades dans la lignée de Caetano Veloso. Sa présence scènique démontre ses talents d'acteur qu'on a d'ailleurs déjà pu apprécier au cinéma dans La Cité de Dieu (c'est lui qui tient le rôle de Manu). On devrait le retrouver très prochainement sur les écrans dans La vie aquatique où il partagera l'affiche avec Bill Murray et sera responsable de la BO : des reprises de Bowie en portugais ! En attendant, le public de Sons d'hiver lui a réservé une ovation assez exceptionnelle, et méritée, à l'issue de sa prestation. Il a tout pour devenir une star, ce qu'il est déjà au Brésil.
Le second concert, bien que lui aussi brésilien, était assez différent. Cyro Baptista, percussionniste vivant à New York, partenaire de longue date de John Zorn (par exemple dans l'Electric Masada), présentait son propre groupe, très percussif. Avant même que les musiciens n'arrivent sur scène, l'installation des instruments surprenait. On retrouvait des tuyaux de goutière cotoyant un berimbau, une percussion en forme d'arbre de Noël à côté d'un extincteur d'incendie, différents tambours et caisses en plastique. L'irruption des musiciens sur scène fut tout aussi délirante. Habillés dans des tenues plus kitch les unes que les autres, et faisant tournoyer des tuyaux en l'air, ils semblaient complètement fous. S'installant ensuite à leurs différentes percussions, les sept musiciens ont commencé leur démonstration faussement délirante. Car, si en apparence ils ressemblent à des clowns (perruques, chapeaux, chemises à fleurs...), leur maîtrise des percussions les plus improbables est incroyable. A la fois très pensée et laissant place à l'improvisation débridée, leur musique se fait rapidement passionnante. Outre les percus, le groupe utilise également guitare électrique, mélodica, clavier et batterie. Ou, comme dans un étonnant numéro de claquettes de la part de la japonaise du groupe, leurs propres corps. Au milieu de cette avalanche de rythmes, on croise ici ou là des bribes de mélodies douces typiquement brésiliennes, mais aussi, Downtown Scene oblige, des citations en tous genres. L'art du zapping percussif à son plus haut point ! Le morceau interprété en rappel fut un bel exemple de l'esprit qui anime la troupe. Ecrit par Cyro Baptista pour s'aider à arrêter de fumer, il disait grosso-modo en portugais, anglais et japonais : "je vais arrêter de fumer pour pouvoir t'embrasser sans une bouche en forme de cendrier". Tout un programme...
Seu Jorge est considéré comme la révélation de l'année 2004 par quelques médias fouineurs bien inspirés (Nova, Vibrations...). Plus encore que son très bon premier disque distribué en France (Cru, Naïve, 2004), ce sont ses concerts qui lui vallent cette réputation. A la vue de sa performance d'hier, je comprends pourquoi désormais. Le chanteur était accompagné pour l'occasion de trois percussionnistes (qui jouaient aussi parfois du cavaquinho), d'un bassiste et d'un flûtiste. Dès le premier morceau, "Mania de Peitao", le ton était donné. Voix chaude et expressive, rythmes endiablés, et mélodies accroche-coeur. Succès assuré auprès du public, qui ne s'est pas démenti pendant toute la durée du concert. Après trois morceaux sur le même tempo élevé, Seu Jorge se sépare momentanément de ses musiciens pour une très belle ballade en compagnie d'une chanteuse, suivi d'un morceau en solo, lui aussi dans un climat plus intimiste. Avec le retour de son groupe par la suite, la musique s'est faite plus dansante, puisant aussi bien dans le répertoire samba que dans le rock, se faisant en quelque sorte le digne héritier de Jorge Ben, mais également capable de belles ballades dans la lignée de Caetano Veloso. Sa présence scènique démontre ses talents d'acteur qu'on a d'ailleurs déjà pu apprécier au cinéma dans La Cité de Dieu (c'est lui qui tient le rôle de Manu). On devrait le retrouver très prochainement sur les écrans dans La vie aquatique où il partagera l'affiche avec Bill Murray et sera responsable de la BO : des reprises de Bowie en portugais ! En attendant, le public de Sons d'hiver lui a réservé une ovation assez exceptionnelle, et méritée, à l'issue de sa prestation. Il a tout pour devenir une star, ce qu'il est déjà au Brésil.
Le second concert, bien que lui aussi brésilien, était assez différent. Cyro Baptista, percussionniste vivant à New York, partenaire de longue date de John Zorn (par exemple dans l'Electric Masada), présentait son propre groupe, très percussif. Avant même que les musiciens n'arrivent sur scène, l'installation des instruments surprenait. On retrouvait des tuyaux de goutière cotoyant un berimbau, une percussion en forme d'arbre de Noël à côté d'un extincteur d'incendie, différents tambours et caisses en plastique. L'irruption des musiciens sur scène fut tout aussi délirante. Habillés dans des tenues plus kitch les unes que les autres, et faisant tournoyer des tuyaux en l'air, ils semblaient complètement fous. S'installant ensuite à leurs différentes percussions, les sept musiciens ont commencé leur démonstration faussement délirante. Car, si en apparence ils ressemblent à des clowns (perruques, chapeaux, chemises à fleurs...), leur maîtrise des percussions les plus improbables est incroyable. A la fois très pensée et laissant place à l'improvisation débridée, leur musique se fait rapidement passionnante. Outre les percus, le groupe utilise également guitare électrique, mélodica, clavier et batterie. Ou, comme dans un étonnant numéro de claquettes de la part de la japonaise du groupe, leurs propres corps. Au milieu de cette avalanche de rythmes, on croise ici ou là des bribes de mélodies douces typiquement brésiliennes, mais aussi, Downtown Scene oblige, des citations en tous genres. L'art du zapping percussif à son plus haut point ! Le morceau interprété en rappel fut un bel exemple de l'esprit qui anime la troupe. Ecrit par Cyro Baptista pour s'aider à arrêter de fumer, il disait grosso-modo en portugais, anglais et japonais : "je vais arrêter de fumer pour pouvoir t'embrasser sans une bouche en forme de cendrier". Tout un programme...
samedi 19 février 2005
Meshel Ndegeocello @ Maison des Arts de Créteil, vendredi 18 février 2005
Waaaaaaaaaaaaaaouh ! Si vous n'étiez pas à Créteil hier soir vous avez raté quelque chose d'absolument énorme. Depuis un peu plus d'un an, la rumeur - extrêmement positive - gonfle autour du nouveau projet de Meshell Ndegéocello. La chanteuse-bassiste, précurseur de la nu-soul, a monté un groupe de jazz. Et quel groupe ! Quelle musique !
Hier soir, le concert a commencé par un set de DJ Jahi Sundance pendant que le public s'installait peu à peu dans la grande et belle salle de la Maison des Arts de Créteil. Puis, quand les lumières se sont éteintes dans la salle est apparu un saxophoniste alto venu improviser sur les beats que lui servait le DJ (en l'occurence du A Tribe Called Quest). Le sax en question n'était autre que Steve Coleman ! Ca commençait bien. Après un beau solo, Coleman a été rejoint par le reste du groupe, mené par une Meshell au groove incroyablement communicatif à la basse. Au passage, elle retrouvait ainsi celui qui l'avait aidée à ses débuts en l'engageant sur son disque Drop Kick (1992) avant même qu'elle ne débute véritablement sa carrière.
Dans ce groupe, le Spirit Music Jamia, on retrouve deux autres saxophonistes et pas n'importe lesquels. Tout d'abord à l'alto Olivier Lake, père de DJ Jahi Sundance (mais aussi de Gene Lake qui fut longtemps batteur des Five Elements) et surtout membre du World Saxophone Quartet aux côtés de David Murray. Son approche incisive, qui puise dans la tradition free (il anime parallèlement un groupe dédié à la musique d'Eric Dolphy), contrastait parfaitement avec l'ambiance résolument urbaine de la musique proposée. A ses côtés on trouvait Ron Blake au saxes ténor, baryton et soprano. Un musicien qui a des faux airs de Sonny Rollins, physiquement et musicalement. Puissance et vélocité étaient au rendez-vous. La section de trois saxophones à montrer l'étendue de son talent dès le terrible premier morceau : une reprise explosive du Expensive Shit de Fela. L'influence de l'afrobeat se fera d'ailleurs sentir, parmi de nombreux autres genres (jazz, soul, funk, reggae, rap), tout au long du concert.
La pulsation afrobeat du premier morceau était parfaitement assurée par un batteur tout bonnement exceptionnel, Chris Dave. C'est la première fois que je le voyais, mais aucun doute n'est possible, c'est un très grand. Face à sa démonstration, une seule question subsiste : il les cache où ses bras supplémentaires ? Pour continuer dans l'énumération à faire baver ceux qui n'étaient pas présents dans la salle, on peut signaler que le guitariste était "tout simplement" Dave Fiuczinski et le second bassiste Fima Ephron que les habitués de la Downtown Scene connaissent bien. Enfin le groupe était complété par Michael Cain aux claviers, lui aussi en grande forme hier soir dans des solos de Fender Rhodes magiques.
En clair, tous les musiciens étaient au top, pas une seule faiblesse pendant les deux heures du concert, qui est pour le coup passé beaucoup trop vite ! Les idées de Meshell s'expriment pleinement avec ce nouveau groupe. Finies les contraintes "commerciales" imposées par son ex-maison de disques (Maverick, le label de Madonna) dont elle se plaignait ces dernières années. En passant du format chanson (refrain, couplet, refrain) à des formes plus libres puisant dans la riche tradition afro-américaine, Meshell est lumineuse. Même si elle ne chante plus (sauf sur un morceau) et se contente de tenir la basse, elle le fait avec tellement de talent, et est une "leadeuse" tellement naturelle, qu'on ne pense même pas à regretter son délicieux flow mi-soul mi-rap.
Tout au long du concert le groupe fut en fait à géométrie variable. Parfois Meshell s'eclipsait. Parfois c'était les saxes laissant alors s'épanouir des climats plus intimistes au sein du trio Meshell - Michael Cain - Chris Dave. Sur deux morceaux le groupe a par ailleurs été rejoint par le chanteur Sy Smith, qui a une voix se nichant quelque part aux confins de la soul et du rock. Les morceaux sur lesquels il intervenait étaient de fait les plus "rentre dedans". La variation des climats musicaux, tout en maintenant une grande unité et la "patte" de Meshell reconnaissable entre mille, était d'ailleurs révélatrice du foisonnement d'idées des musiciens en présence qui ont tous eu l'occasion de se mettre en valeur, comme solistes ou comme sidemen, au cours du concert. La beauté des solos des trois saxophones était grandiose. Mais que dire de l'orage somptueux provoqué à maintes reprises par Chris Dave ?
Difficile de faire passer par écrit une telle musique. On ne peut qu'être en deça de la réalité et du bonheur que son écoute procure. C'est une musique qui se vit littéralement en live. Elle met en oeuvre tous les sens, le corps et l'âme. Il est vrai que la Great Black Music est souvent une affaire de Body & Soul. Avec Meshell Ndegéocello, elle a trouvé une digne héritière. Seul petit bémol : c'est quand même un peu frustrant d'assister au meilleur concert de l'année dès le mois de février ! Amis artistes... il vous reste dix mois pour me faire mentir.
Hier soir, le concert a commencé par un set de DJ Jahi Sundance pendant que le public s'installait peu à peu dans la grande et belle salle de la Maison des Arts de Créteil. Puis, quand les lumières se sont éteintes dans la salle est apparu un saxophoniste alto venu improviser sur les beats que lui servait le DJ (en l'occurence du A Tribe Called Quest). Le sax en question n'était autre que Steve Coleman ! Ca commençait bien. Après un beau solo, Coleman a été rejoint par le reste du groupe, mené par une Meshell au groove incroyablement communicatif à la basse. Au passage, elle retrouvait ainsi celui qui l'avait aidée à ses débuts en l'engageant sur son disque Drop Kick (1992) avant même qu'elle ne débute véritablement sa carrière.
Dans ce groupe, le Spirit Music Jamia, on retrouve deux autres saxophonistes et pas n'importe lesquels. Tout d'abord à l'alto Olivier Lake, père de DJ Jahi Sundance (mais aussi de Gene Lake qui fut longtemps batteur des Five Elements) et surtout membre du World Saxophone Quartet aux côtés de David Murray. Son approche incisive, qui puise dans la tradition free (il anime parallèlement un groupe dédié à la musique d'Eric Dolphy), contrastait parfaitement avec l'ambiance résolument urbaine de la musique proposée. A ses côtés on trouvait Ron Blake au saxes ténor, baryton et soprano. Un musicien qui a des faux airs de Sonny Rollins, physiquement et musicalement. Puissance et vélocité étaient au rendez-vous. La section de trois saxophones à montrer l'étendue de son talent dès le terrible premier morceau : une reprise explosive du Expensive Shit de Fela. L'influence de l'afrobeat se fera d'ailleurs sentir, parmi de nombreux autres genres (jazz, soul, funk, reggae, rap), tout au long du concert.
La pulsation afrobeat du premier morceau était parfaitement assurée par un batteur tout bonnement exceptionnel, Chris Dave. C'est la première fois que je le voyais, mais aucun doute n'est possible, c'est un très grand. Face à sa démonstration, une seule question subsiste : il les cache où ses bras supplémentaires ? Pour continuer dans l'énumération à faire baver ceux qui n'étaient pas présents dans la salle, on peut signaler que le guitariste était "tout simplement" Dave Fiuczinski et le second bassiste Fima Ephron que les habitués de la Downtown Scene connaissent bien. Enfin le groupe était complété par Michael Cain aux claviers, lui aussi en grande forme hier soir dans des solos de Fender Rhodes magiques.
En clair, tous les musiciens étaient au top, pas une seule faiblesse pendant les deux heures du concert, qui est pour le coup passé beaucoup trop vite ! Les idées de Meshell s'expriment pleinement avec ce nouveau groupe. Finies les contraintes "commerciales" imposées par son ex-maison de disques (Maverick, le label de Madonna) dont elle se plaignait ces dernières années. En passant du format chanson (refrain, couplet, refrain) à des formes plus libres puisant dans la riche tradition afro-américaine, Meshell est lumineuse. Même si elle ne chante plus (sauf sur un morceau) et se contente de tenir la basse, elle le fait avec tellement de talent, et est une "leadeuse" tellement naturelle, qu'on ne pense même pas à regretter son délicieux flow mi-soul mi-rap.
Tout au long du concert le groupe fut en fait à géométrie variable. Parfois Meshell s'eclipsait. Parfois c'était les saxes laissant alors s'épanouir des climats plus intimistes au sein du trio Meshell - Michael Cain - Chris Dave. Sur deux morceaux le groupe a par ailleurs été rejoint par le chanteur Sy Smith, qui a une voix se nichant quelque part aux confins de la soul et du rock. Les morceaux sur lesquels il intervenait étaient de fait les plus "rentre dedans". La variation des climats musicaux, tout en maintenant une grande unité et la "patte" de Meshell reconnaissable entre mille, était d'ailleurs révélatrice du foisonnement d'idées des musiciens en présence qui ont tous eu l'occasion de se mettre en valeur, comme solistes ou comme sidemen, au cours du concert. La beauté des solos des trois saxophones était grandiose. Mais que dire de l'orage somptueux provoqué à maintes reprises par Chris Dave ?
Difficile de faire passer par écrit une telle musique. On ne peut qu'être en deça de la réalité et du bonheur que son écoute procure. C'est une musique qui se vit littéralement en live. Elle met en oeuvre tous les sens, le corps et l'âme. Il est vrai que la Great Black Music est souvent une affaire de Body & Soul. Avec Meshell Ndegéocello, elle a trouvé une digne héritière. Seul petit bémol : c'est quand même un peu frustrant d'assister au meilleur concert de l'année dès le mois de février ! Amis artistes... il vous reste dix mois pour me faire mentir.
vendredi 11 février 2005
Hamid Drake & Michael Zerang / Archie Shepp @ Hôtel de Ville de Saint-Mandé, jeudi 10 février 2005
Hier soir, première de mes trois escapades dans le Val-de-Marne pour l'édition 2005 de Sons d'hiver. La salle des fêtes de l'Hôtel de Ville de Saint-Mandé accueillait pour l'occasion deux concerts. Tout d'abord un duo de batteurs entre Hamid Drake et Michael Zerang, suivi du groupe d'Archie Shepp avec Denis Colin comme invité.
La première partie fut une grande réussite. A travers une longue suite en hommage à Ed Blackwell (batteur historique du quartet d'Ornette Coleman et tambourinaire aux côtés de Don Cherry entre autres états de service), les batteurs chicagoans Hamid Drake et Michael Zerang nous ont offert une leçon d'art rythmique. Pas dans le sens démonstratif et épuisant que ce genre de performance peut laisser craindre, mais vraiment et pleinement dans celui d'un dialogue entre deux maîtres rythmiciens. D'abord tous les deux à la batterie, puis aux percussions africaines ou orientales (Zerang est d'origine irakienne). De subtils bruissements à des frappes telluriques, toute la palette émotionnelle que propose les percussions était présente hier. Sur la fin, Hamid Drake a même chanté un peu, dans un style très africain, rappelant en cela la connexion d'Ed Blackwell aux musiques dites "du monde", et notamment africaines. L'accueil enthousiaste réservé par le public (qui, vu sa composition plus âgée et embourgeoisée que les concerts auxquels j'ai l'habitude d'assister, était certainement venu voir la "légende" Shepp plutôt que ces batteurs issus de la scène alternative chicagoane) faisait plaisir à entendre et était totalement justifié. Hamid Drake brille décidemment à Sons d'hiver puisque je l'avais déjà vu dans le cadre du festival l'année dernière, à l'occasion de la soirée "Vision III"coorganisée avec le Vision Festival new-yorkais. Sa prestation avec le groupe Other Directions in Music (Matthew Shipp, William Parker, Roy Campbell, Daniel Carter) avait été le meilleur moment de la soirée.
La deuxième partie ne fut malheureusement pas à la hauteur. J'ai déjà dit tout le bien que je pensais de Shepp et il n'est pas en cause. Le problème tenait aux conditions d'écoute absolument exécrables. Tout d'abord, l'acoustique de la salle (très longue, pas large) n'était visiblement pas faite pour accueillir des concerts (ce n'est pas le rôle d'une mairie, il est vrai), et en plus l'ingénieur du son n'aidait vraiment pas. Ceci n'avait pas été trop gênant pour la première partie, les deux musiciens jouant sur le même type d'instrument, mais pour la deuxième c'était la catastrophe. Le son paraissait lointain (seules les baffles à côté de la scène fonctionnaient alors qu'il y en avait pourtant d'autres réparties dans la salle). La batterie de Steve McCraven était beaucoup trop présente et écrasait complètement les autres instruments, notamment la contrebasse de Wayne Dockery et la clarinette basse de Denis Colin, qu'on avait beaucoup de mal à entendre. Une fois sur deux l'ingénieur du son oubliait d'ouvrir le micro de Shepp quand celui-ci voulait chanter. Pareil pour la guitare de Stéphane Guéry. Finalement seuls les micros pour le ténor de Shepp et pour le piano de Tom McClung fonctionnaient de manière à peu près convenable (par rapport au reste en tout cas). Bref, ce concert fut un peu "comment gâcher de la belle musique en dix leçons". Les musiciens tentaient tant bien que mal de combler ces désagréments par leur engagement, mais ils semblaient eux aussi passablement agacés par le sort qui leur était reservé. Malgré tout, il y eut quelques bons moments, quand on arrivait à s'extraire un minimum du contexte sonore. Notamment la belle prestation de Denis Colin sur Mama Rose, thème phare du répertoire sheppien. Pour le reste, la présence de Stéphane Guéry sur certains morceaux renforçait de manière parfois un peu inutile leur caractère rhythm'n'blues. J'ai personnellement préféré les morceaux - en général plus strictement jazz - sur lesquels il n'intervenait pas. En tout cas, un concert qu'il faudra vite oublier, et pour une fois même pas à cause des musiciens. Un comble !
La première partie fut une grande réussite. A travers une longue suite en hommage à Ed Blackwell (batteur historique du quartet d'Ornette Coleman et tambourinaire aux côtés de Don Cherry entre autres états de service), les batteurs chicagoans Hamid Drake et Michael Zerang nous ont offert une leçon d'art rythmique. Pas dans le sens démonstratif et épuisant que ce genre de performance peut laisser craindre, mais vraiment et pleinement dans celui d'un dialogue entre deux maîtres rythmiciens. D'abord tous les deux à la batterie, puis aux percussions africaines ou orientales (Zerang est d'origine irakienne). De subtils bruissements à des frappes telluriques, toute la palette émotionnelle que propose les percussions était présente hier. Sur la fin, Hamid Drake a même chanté un peu, dans un style très africain, rappelant en cela la connexion d'Ed Blackwell aux musiques dites "du monde", et notamment africaines. L'accueil enthousiaste réservé par le public (qui, vu sa composition plus âgée et embourgeoisée que les concerts auxquels j'ai l'habitude d'assister, était certainement venu voir la "légende" Shepp plutôt que ces batteurs issus de la scène alternative chicagoane) faisait plaisir à entendre et était totalement justifié. Hamid Drake brille décidemment à Sons d'hiver puisque je l'avais déjà vu dans le cadre du festival l'année dernière, à l'occasion de la soirée "Vision III"coorganisée avec le Vision Festival new-yorkais. Sa prestation avec le groupe Other Directions in Music (Matthew Shipp, William Parker, Roy Campbell, Daniel Carter) avait été le meilleur moment de la soirée.
La deuxième partie ne fut malheureusement pas à la hauteur. J'ai déjà dit tout le bien que je pensais de Shepp et il n'est pas en cause. Le problème tenait aux conditions d'écoute absolument exécrables. Tout d'abord, l'acoustique de la salle (très longue, pas large) n'était visiblement pas faite pour accueillir des concerts (ce n'est pas le rôle d'une mairie, il est vrai), et en plus l'ingénieur du son n'aidait vraiment pas. Ceci n'avait pas été trop gênant pour la première partie, les deux musiciens jouant sur le même type d'instrument, mais pour la deuxième c'était la catastrophe. Le son paraissait lointain (seules les baffles à côté de la scène fonctionnaient alors qu'il y en avait pourtant d'autres réparties dans la salle). La batterie de Steve McCraven était beaucoup trop présente et écrasait complètement les autres instruments, notamment la contrebasse de Wayne Dockery et la clarinette basse de Denis Colin, qu'on avait beaucoup de mal à entendre. Une fois sur deux l'ingénieur du son oubliait d'ouvrir le micro de Shepp quand celui-ci voulait chanter. Pareil pour la guitare de Stéphane Guéry. Finalement seuls les micros pour le ténor de Shepp et pour le piano de Tom McClung fonctionnaient de manière à peu près convenable (par rapport au reste en tout cas). Bref, ce concert fut un peu "comment gâcher de la belle musique en dix leçons". Les musiciens tentaient tant bien que mal de combler ces désagréments par leur engagement, mais ils semblaient eux aussi passablement agacés par le sort qui leur était reservé. Malgré tout, il y eut quelques bons moments, quand on arrivait à s'extraire un minimum du contexte sonore. Notamment la belle prestation de Denis Colin sur Mama Rose, thème phare du répertoire sheppien. Pour le reste, la présence de Stéphane Guéry sur certains morceaux renforçait de manière parfois un peu inutile leur caractère rhythm'n'blues. J'ai personnellement préféré les morceaux - en général plus strictement jazz - sur lesquels il n'intervenait pas. En tout cas, un concert qu'il faudra vite oublier, et pour une fois même pas à cause des musiciens. Un comble !
samedi 5 février 2005
TTPKC & Le Marin / Thôt @ Les 3 Frères, vendredi 4 février 2005
Très bons concerts hier soir aux 3 Frères. Comme tous les premiers vendredi et samedi de chaque mois, la scène de la salle de la rue Léon était dévolue au collectif Surnatural. Cette fois-ci c'était à TTPKC & Le Marin, quartet composé de trois saxophonistes et d'un batteur, d'assurer la première partie de Thôt, l'un des groupes phares de la nébuleuse du Hask.
TTPKC & Le Marin est l'un de ces jeunes groupes français influencés par la Downtown Scene (Tim Berne en particulier), les musiques du monde (Afrique, Europe de l'Est) et le sens du groove développé par les collectifs M-Base ou Hask (d'où leur pertinente présence en première partie de Thôt). Avec trois saxophonistes (Adrien Amey à l'alto, Han Sen Limtung au ténor et Sylvain Tamalet au baryton) accompagnés par un batteur (Antonin Leymarie), le groupe propose tout d'abord une instrumentation étonnante. Le baryton sert de fait souvent de basse, mais pas uniquement. L'alto est celui qui m'a fait la plus forte impression avec son jeu inspiré par la démarche de Tim Berne. L'alto et le baryton utilisaient en plus des pédales d'effets qui leur permettaient de sortir des sons assez originaux de leurs instruments. Les musiciens du groupe ont l'air assez jeunes mais ça ne les empêche pas de développer des morceaux à l'architecture complexe, sans se démarquer d'une énergie et d'un groove communicatifs. Une véritable performance. Le groupe fut rejoint sur la fin par Gilles Coronado, guitariste de Thôt (mais aussi de Caroline), qui proposa quelques belles improvisations et fit le lien entre les deux concerts.
Au passage, TTPKC & Le Marin lance une souscription pour financer la production de son premier disque. En envoyant 15€ vous aidez ce groupe vraiment excellent, et en échange vous êtes invités au concert de sortie du disque (courant mai), où vous vous verrez remettre un exemplaire dudit disque. Le disque sortira sur Chief Inspector, label alternatif dont j'ai déjà dit beaucoup de bien.
Le second concert fut donc l'oeuvre de Thôt, le quartet du saxophoniste alto Stéphane Payen avec Gilles Coronado (guitare), Hubert Dupont (basse) et Christophe Lavergne (batterie). Thôt est un groupe emblématique de la démarche incarnée pendant près d'une décénie par le collectif Hask, parti d'une volonté de développer une sorte de M-Base à la française, et arrivé vers une identité propre où s'entremêlent expériences soniques exigeantes et sens du groove. La musique de Thôt se développe dans de longues suites à la progression tortueuse mais imparrable. Comme un train lancé à grande vitesse à coup d'effets électriques et de motifs faussement répétitifs, qui évoluent en fait progressivement sur un mode cyclique, quasi hypnotique par moment. On sent là l'influence très nette de Steve Coleman. Le dialogue constant entre Payen et Coronado permet au groupe de construire un véritable discours, que l'on prend plaisir à suivre, attendant ce que l'un répondra à l'autre et vice-versa. Cette construction permet de capter l'attention des spectateurs sur la longue durée, alors qu'il serait si "facile" de les perdre en route vu le format des morceaux. Une belle réussite là aussi.
TTPKC & Le Marin est l'un de ces jeunes groupes français influencés par la Downtown Scene (Tim Berne en particulier), les musiques du monde (Afrique, Europe de l'Est) et le sens du groove développé par les collectifs M-Base ou Hask (d'où leur pertinente présence en première partie de Thôt). Avec trois saxophonistes (Adrien Amey à l'alto, Han Sen Limtung au ténor et Sylvain Tamalet au baryton) accompagnés par un batteur (Antonin Leymarie), le groupe propose tout d'abord une instrumentation étonnante. Le baryton sert de fait souvent de basse, mais pas uniquement. L'alto est celui qui m'a fait la plus forte impression avec son jeu inspiré par la démarche de Tim Berne. L'alto et le baryton utilisaient en plus des pédales d'effets qui leur permettaient de sortir des sons assez originaux de leurs instruments. Les musiciens du groupe ont l'air assez jeunes mais ça ne les empêche pas de développer des morceaux à l'architecture complexe, sans se démarquer d'une énergie et d'un groove communicatifs. Une véritable performance. Le groupe fut rejoint sur la fin par Gilles Coronado, guitariste de Thôt (mais aussi de Caroline), qui proposa quelques belles improvisations et fit le lien entre les deux concerts.
Au passage, TTPKC & Le Marin lance une souscription pour financer la production de son premier disque. En envoyant 15€ vous aidez ce groupe vraiment excellent, et en échange vous êtes invités au concert de sortie du disque (courant mai), où vous vous verrez remettre un exemplaire dudit disque. Le disque sortira sur Chief Inspector, label alternatif dont j'ai déjà dit beaucoup de bien.
Le second concert fut donc l'oeuvre de Thôt, le quartet du saxophoniste alto Stéphane Payen avec Gilles Coronado (guitare), Hubert Dupont (basse) et Christophe Lavergne (batterie). Thôt est un groupe emblématique de la démarche incarnée pendant près d'une décénie par le collectif Hask, parti d'une volonté de développer une sorte de M-Base à la française, et arrivé vers une identité propre où s'entremêlent expériences soniques exigeantes et sens du groove. La musique de Thôt se développe dans de longues suites à la progression tortueuse mais imparrable. Comme un train lancé à grande vitesse à coup d'effets électriques et de motifs faussement répétitifs, qui évoluent en fait progressivement sur un mode cyclique, quasi hypnotique par moment. On sent là l'influence très nette de Steve Coleman. Le dialogue constant entre Payen et Coronado permet au groupe de construire un véritable discours, que l'on prend plaisir à suivre, attendant ce que l'un répondra à l'autre et vice-versa. Cette construction permet de capter l'attention des spectateurs sur la longue durée, alors qu'il serait si "facile" de les perdre en route vu le format des morceaux. Une belle réussite là aussi.
jeudi 3 février 2005
Archie Shepp @ La Maroquinerie, mercredi 2 février 2005
Certains ont pour idole Zidane, d'autres Madonna, pour moi ce serait plutôt Archie Shepp. Mon blog étant assez récent, je n'ai pas encore eu l'occasion de dire tout le bien que je pensais de lui, une des dernières légendes vivantes du siècle-jazz. Parler de jazz est d'ailleurs réducteur. Le terme - désormais largement consacré - de Great Black Music reflète plus justement l'esprit de la musique de Shepp. Il a débuté free, très free, dans les années 60 aux côtés de Coltrane, Don Cherry, Cecil Taylor et de quelques autres allumés de la New Thing comme on disait à l'époque. Puis il a élargi le spectre, embrassant le blues et la soul, Ellington et Monk, et toutes les expressions de la protéiforme musique africaine-américaine. Aujourd'hui sa musique est gorgée de soul, pleine de blues, avec un swing jazz constant, et bien sûr absolument libre. Il est un pont jeté entre la tradition et le futur de cette musique.
Nouvelle démonstration en a été faite hier soir à La Maroquinerie. Pour fêter le lancement de son label Archieball, Shepp était accompagné du pianiste Siegfried Kessler et du contrebassiste Tom McKenzie. Le concert a débuté par "Le matin des noirs", thème écrit par Shepp dans les années 60 (on en trouve une belle version sur le disque New Thing at Newport de Coltrane et Shepp). Pour la petite histoire, c'est sur ce morceau que Shepp et Kessler se sont rencontrés : Kessler le jouait quand Shepp est entré dans un club parisien à la fin des années 60 à l'occasion d'une tournée en Europe. Depuis cette époque ils jouent plus ou moins régulièrement ensemble.
Physiquement, Siegfried Kessler ne paie pas de mine avec son bonnet en laine, ses grosses lunettes rondes et ses baskets démodées. Mais il ne faut jamais se fier aux apparences, et Kessler est en fait un formidable pianiste qui connaît le free comme le jazz monkien, et surtout qui "pratique" Shepp depuis tellement d'années, qu'il connaît tous les coins et recoins de la musique du saxophoniste.
Le premier set s'est poursuivi sur quelques thèmes monkiens dont un formidable "Well, you needn't" au swing contagieux. Shepp aux saxes soprano et ténor, mais aussi au chant - terriblement bluesy - était comme à son habitude éblouissant, et surtout enthousiasmant. Quelque soit la forme de jazz que l'on aime - et Dieu sait que cette musique peut en prendre des différentes - on ne peut résister à la musique de Shepp, car elle est en fait l'essence-même du jazz.
Le deuxième set a commencé par un morceau en compagnie d'un accordéoniste et du pianiste Tom McClung (le pianiste régulier du quartet actuel de Shepp) en lieu et place de Kessler. Un alliage a priori étonnant, l'accordéon ne faisant pas particulièrement partie de l'héritage afro-américain, mais le morceau proposé était vraiment très bon, chacun laissant de la place à l'autre pour développer son propre discours. Après cet intermède original, le trio du premier set s'est recomposé pour poursuivre jusqu'au bout du concert. Parmi les thèmes joués, une version de "Que reste-t-il de nos amours ?" de Charles Trenet, interprétée par Shepp en français, et l'incontournable "Steam", l'un des standards du répertoire sheppien. Sax soprano et chant, toujours pleins d'émotion.
Magnifique concert donc. Et, pour ceux qui l'aurait raté - ou pour ceux qui, comme moi, en redemandent - une séance de rattrapage est prévue prochainement dans le cadre du festival Sons d'hiver, le 10 février à Saint-Mandé.
Nouvelle démonstration en a été faite hier soir à La Maroquinerie. Pour fêter le lancement de son label Archieball, Shepp était accompagné du pianiste Siegfried Kessler et du contrebassiste Tom McKenzie. Le concert a débuté par "Le matin des noirs", thème écrit par Shepp dans les années 60 (on en trouve une belle version sur le disque New Thing at Newport de Coltrane et Shepp). Pour la petite histoire, c'est sur ce morceau que Shepp et Kessler se sont rencontrés : Kessler le jouait quand Shepp est entré dans un club parisien à la fin des années 60 à l'occasion d'une tournée en Europe. Depuis cette époque ils jouent plus ou moins régulièrement ensemble.
Physiquement, Siegfried Kessler ne paie pas de mine avec son bonnet en laine, ses grosses lunettes rondes et ses baskets démodées. Mais il ne faut jamais se fier aux apparences, et Kessler est en fait un formidable pianiste qui connaît le free comme le jazz monkien, et surtout qui "pratique" Shepp depuis tellement d'années, qu'il connaît tous les coins et recoins de la musique du saxophoniste.
Le premier set s'est poursuivi sur quelques thèmes monkiens dont un formidable "Well, you needn't" au swing contagieux. Shepp aux saxes soprano et ténor, mais aussi au chant - terriblement bluesy - était comme à son habitude éblouissant, et surtout enthousiasmant. Quelque soit la forme de jazz que l'on aime - et Dieu sait que cette musique peut en prendre des différentes - on ne peut résister à la musique de Shepp, car elle est en fait l'essence-même du jazz.
Le deuxième set a commencé par un morceau en compagnie d'un accordéoniste et du pianiste Tom McClung (le pianiste régulier du quartet actuel de Shepp) en lieu et place de Kessler. Un alliage a priori étonnant, l'accordéon ne faisant pas particulièrement partie de l'héritage afro-américain, mais le morceau proposé était vraiment très bon, chacun laissant de la place à l'autre pour développer son propre discours. Après cet intermède original, le trio du premier set s'est recomposé pour poursuivre jusqu'au bout du concert. Parmi les thèmes joués, une version de "Que reste-t-il de nos amours ?" de Charles Trenet, interprétée par Shepp en français, et l'incontournable "Steam", l'un des standards du répertoire sheppien. Sax soprano et chant, toujours pleins d'émotion.
Magnifique concert donc. Et, pour ceux qui l'aurait raté - ou pour ceux qui, comme moi, en redemandent - une séance de rattrapage est prévue prochainement dans le cadre du festival Sons d'hiver, le 10 février à Saint-Mandé.
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