Après une tentative infructueuse pour aller écouter Craig Taborn en solo au Rubin Museum (concert sold out), je me rabats sur le premier set du quartet de Ralph Alessi à la Jazz Gallery de SoHo. Le trompettiste est pour l'occasion entouré de Jason Moran au piano, Drew Gress à la contrebasse et Nasheet Waits à la batterie.
Sur le trottoir devant l'entrée se forment deux sages files indiennes : l'une pour les tickets achetés en ligne et l'autre pour les "non ticket holders". Heureusement, l'évènement semble un peu moins prisé que la performance solitaire de Craig Taborn (il faut dire que le groupe joue deux sets, plusieurs soirs de suite), et il reste des places pour les envies de dernières minutes. Après l'entrée prioritaire des réservations, on peut enfin monter les marches qui mènent à une salle toute en longueur, ornée des photos d'une exposition sur Ornette Coleman. Le lieu possède un côté un peu plus institutionnel que le Stone ou le Barbès fréquentés la veille. D'ailleurs le prix d'entrée, à $20 par set, y est le double. La programmation y est résolument moderne, tout en restant dans le strict cadre du jazz. Steve Coleman y tient par exemple une master-class hebdomadaire le lundi quand il n'est pas en tournée.
On retrouve d'ailleurs ce soir-là sur scène quelques anciens compagnons de route de Steve Coleman, mais surtout des musiciens qui multiplient les expériences avec, en commun, un large spectre de collaborations : de figures légendaires en jeunes loups, il n'est pas rare de les croiser comme sidemen dans les contextes les plus divers, du post-bop aux lisières du free. Ralph Alessi impressionne par la clarté de ses lignes mélodiques à la trompette. Le son est mat, sans fioritures, résolument "droit", que ce soit sur tempo rapide ou dans les ballades. Il privilégie la lisibilité des structures et la fluidité du phrasé. Par contraste, celui qui allume le feu, c'est Nasheet Waits. Le concert est l'occasion d'un véritable festival rythmique. Extrêmement présent, le batteur dynamise l'ensemble et le pousse vers plus d'expressivité. Pour rivaliser avec la puissance chantante - Waits est un batteur qui n'oublie jamais la musicalité - les autres doivent être bien solides dans leurs choix. Jason Moran alterne ainsi les passages nourris d'un jeu anguleux hérité du stride et de Monk avec les boucles rythmiques obsessionnelles qui doivent beaucoup au hip hop. Souvent en soutien, il s'autorise néanmoins quelques solos plus surprenants où il propose fausses pistes et variations rythmiques afin de faire quelque peu dérailler la mécanique bien huilée du quartet.
Dans l'ensemble, la musique du groupe sonne particulièrement new yorkaise, moderne sans rejeter pour autant la tradition de la "musique de club" : démonstrative, dense, rythmique. Les musiciens semblent s'amuser avec les codes du jazz, sans jamais pour autant chercher à les faire exploser ou à en sortir.
dimanche 24 juillet 2011
dimanche 10 juillet 2011
Andy Statman Trio @ Barbès, jeudi 16 juin 2011
Take the F train... to Brooklyn, pour se retrouver à 22h au Barbès, un café parisien qui ne dénoterait pas à la Goutte d'Or. Le bar est tout en longueur. Au mur, quelques vieilles affiches en français n'ont pas sur moi l'effet exotique qu'elles procurent sans doute aux autochtones. Au fond, une petite salle derrière une vitre et un rideau accueille des concerts tous les soirs. Programmation world et jazz contemporain pour l'essentiel. Sorte de cousin d'outre-atlantique de l'Olympic Café.
Ce soir le clarinettiste klezmer Andy Statman joue en trio (cb, dms). Arborant kippa et tsitsit, il joue aussi bien dans les synagogues que dans les lieux alternatifs. Grand écart ? Plutôt une expression typiquement new-yorkaise qui, de Knitting Factory en Tonic, a remis la tradition yiddish au cœur des musiques créatives. Je ne connaissais de Statman avant ce concert qu'un disque, paru dans la série Radical Jewish Culture de Tzadik, Avodas ha-Levi : recueil passionnant de mélodies klezmer jouées avec la fougue du free jazz des 60s. Certains duos clarinette / batterie n'étant d'ailleurs pas sans évoquer, toute proportion gardée, Interstellar Space. Vétéran de la tradition yiddish, Statman semblait, sur ce disque, jeter un pont entre le revival folk des 70s et le traitement modernisé de la Downtown Scene dans les 90s.
Le concert de ce soir est plus sage que le disque. Même si la densité de son jeu à la clarinette sur l'entame du concert emporte immédiatement tous les spectateurs avec lui. Le premier morceau met ainsi la barre (trop ?) haut : solos chantants, très expressifs, de la contrebasse et drumming à mains nues - à la Joey Baron - du batteur servent d'écrin à la joyeuse fougue du leader. Par la suite, Andy Statman troque le plus souvent sa clarinette pour la mandoline, son autre instrument de prédilection. Si sur quelques morceaux il trouve des accents rebetiko qui nous rappellent que Salonique fut un grand centre juif de l'empire Ottoman, le champ d'expression de l'instrument est trop limité pour permettre de maintenir un discours surprenant tout au long du concert. On attend alors avec impatience les morceaux où il reprend sa clarinette, malheureusement minoritaires. C'est sur ceux-là qu'il fait preuve d'une véritable originalité dans l'interprétation, nourrie de jazz libre, transcendant la tradition, quand les modes de jeu à la mandoline sont, eux, un peu toujours les mêmes : jeu très rythmique, à sens unique. Même les sidemen semblent avoir moins de liberté dans ce contexte.
Concert en demi-teinte, donc. Je me faisais une joie de pouvoir voir sur scène cette légende méconnue qui tourne peu en dehors de New York, baigné du souvenir de son disque sur Tzadik. La magie ne fut que trop occasionnelle ce soir-là.
Ce soir le clarinettiste klezmer Andy Statman joue en trio (cb, dms). Arborant kippa et tsitsit, il joue aussi bien dans les synagogues que dans les lieux alternatifs. Grand écart ? Plutôt une expression typiquement new-yorkaise qui, de Knitting Factory en Tonic, a remis la tradition yiddish au cœur des musiques créatives. Je ne connaissais de Statman avant ce concert qu'un disque, paru dans la série Radical Jewish Culture de Tzadik, Avodas ha-Levi : recueil passionnant de mélodies klezmer jouées avec la fougue du free jazz des 60s. Certains duos clarinette / batterie n'étant d'ailleurs pas sans évoquer, toute proportion gardée, Interstellar Space. Vétéran de la tradition yiddish, Statman semblait, sur ce disque, jeter un pont entre le revival folk des 70s et le traitement modernisé de la Downtown Scene dans les 90s.
Le concert de ce soir est plus sage que le disque. Même si la densité de son jeu à la clarinette sur l'entame du concert emporte immédiatement tous les spectateurs avec lui. Le premier morceau met ainsi la barre (trop ?) haut : solos chantants, très expressifs, de la contrebasse et drumming à mains nues - à la Joey Baron - du batteur servent d'écrin à la joyeuse fougue du leader. Par la suite, Andy Statman troque le plus souvent sa clarinette pour la mandoline, son autre instrument de prédilection. Si sur quelques morceaux il trouve des accents rebetiko qui nous rappellent que Salonique fut un grand centre juif de l'empire Ottoman, le champ d'expression de l'instrument est trop limité pour permettre de maintenir un discours surprenant tout au long du concert. On attend alors avec impatience les morceaux où il reprend sa clarinette, malheureusement minoritaires. C'est sur ceux-là qu'il fait preuve d'une véritable originalité dans l'interprétation, nourrie de jazz libre, transcendant la tradition, quand les modes de jeu à la mandoline sont, eux, un peu toujours les mêmes : jeu très rythmique, à sens unique. Même les sidemen semblent avoir moins de liberté dans ce contexte.
Concert en demi-teinte, donc. Je me faisais une joie de pouvoir voir sur scène cette légende méconnue qui tourne peu en dehors de New York, baigné du souvenir de son disque sur Tzadik. La magie ne fut que trop occasionnelle ce soir-là.
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