Sur la scène plongée dans le noir, Guillaume Perret s'avance seul, une simple source de lumière venant du pavillon de son saxophone pour tout point de repère. A l'aide d'une batterie de pédales d'effet et de samplers, il construit progressivement un tourbillon de sons à partir de son seul instrument. Une ligne de basse, des cliquetis pour servir de soutient percussif, un millefeuille mélodique qui crée une atmosphère dense. Il sonne comme dix et pourtant pour ce premier morceau ses complices attendent en coulisse. Le public manifeste avec bruit son enthousiasme, et ça va durer tout le concert. A juste titre.
Rejoint par Cyril Moulas à la guitare, Linley Marthe à la basse et Yoann Serra à la batterie, le saxophoniste savoyard nous emmène dans son univers où se mêlent jazz, rock, électro, ambient, funk, dub et pop. Un grand fourre-tout ? Plutôt une boîte à outils, dont le groupe se serre pour créer une atmosphère changeante, volontiers orageuse, faite de sourds grondements et de soudains éclairs. A chaque morceau son univers, souvent puissant, parfois lancinant, toujours prenant. L'aspect visuel est très travaillé, avec un jeu de lumières qui joue sur les contrastes, avec toujours cette iode qui éclaire de l'intérieur son instrument et dont l'intensité varie en fonction du son. S'il vient du jazz, Guillaume Perret emprunte les codes du concert pop-rock pour une fusion personnelle très réussie. Ses lignes mélodiques nous emportent loin, évoquant des parfums d'orient (un morceau aux teintes masadiennes - on sait qu'il avait été question qu'il enregistre un volume du Book of Angels avant que le projet n'avorte) ou le tezeta, ce blues des hauts plateaux éthiopiens. De la formation originelle d'Electric Epic, seul Yoann Serra accompagne toujours le leader. Mais les nouveaux venus se fondent avec délice dans l'univers électrique de Perret. Il n'y a qu'à entendre ce solo dévastateur de Liley Marthe vers la fin du concert, pour comprendre la communion d'esprit qui anime ces musiciens. Plus qu'une succession de morceaux, Guillaume Perret arrive ainsi à créer une sorte de puissant continuum qui prend sa vraie dimension dans la durée, convoquant la transe grâce à une science évidente des rythmes répétitifs - entre source ancestrale et développements technologiques contemporains.
Je ne sais dans quelle mesure le public praguois connaissait le saxophoniste avant le concert (la belle salle art déco était quand même bien remplie), mais il a indéniablement su le conquérir vues les réactions particulièrement enthousiastes qu'il a suscité tout au long. Et ce n'est évidemment pas moi qui me plaindrais que la scène jazz hexagonale arrive à exporter (avec l'appui de l'Institut Français local) ses jeunes talents de la sorte.
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