Bill Frisell est en résidence pendant deux semaines au Blue Note en ce mois d'octobre. L'occasion pour lui d'y présenter ses deux plus récents projets. Et pour cette deuxième semaine, les musiques de film sont à l'honneur. Entouré de Thomas Morgan à la contrebasse, Rudy Royston à la batterie et Petra Haden au chant, le guitariste revisite quelques thèmes célèbres associés au septième art. Il y a à la fois des chansons ("The Windmills Of Your Mind" de Michel Legrand, "Lush Life" de Billy Strayhorn, "When You Wish Upon A Star" extrait du Pinocchio de Disney) et des airs purement instrumentaux ("Once Upon A Time In The West" d'Ennio Morricone ou "Psycho" de Bernard Herrmann). Sur ces derniers, Petra Haden fredonne l'air, intervient comme un instrument complémentaire, et ce sont les passages que je préfère. Non que sa voix soit désagréable quand elle chante plus classiquement des chansons, mais le format de celles-ci et la nécessité de se tenir au texte laissent moins de place à l'imagination des musiciens.
Très référencée, la musique jouée ce soir-là semble ainsi parfois un peu prisonnière de notre mémoire collective. Même sans être un grand cinéphile, il est impossible de ne pas connaître les airs interprétés. Et c'est d'autant plus vrai quand des paroles viennent se glisser dans l'intervalle entre l'auditeur et les musiciens. Petra Haden, fille de Charlie, les interprète sans affect, d'une voix claire, peu travaillée mais très pure, plus proche de la tradition folk que des canons du jazz. C'est joli, mais l'émotion a du mal à percer. Bill Frisell égrène des chapelets de notes déliées, qui là aussi font plus écho à l'americana des grands espaces qu'aux blue notes des clubs new-yorkais. Le temps semble se dilater, l'espace s'étire et parfois l'attention retombe un peu. Il faut les quelques rares solos du contrebassiste et du batteur, sur les morceaux purement instrumentaux, pour glisser quelques frissons hors champ dans ces thèmes archi-connus. Ainsi Rudy Royston dynamise de fort belle manière "Once Upon A Time In The West", rendant un peu de la tension et du caractère inquiétant liés au film, en s'éloignant d'une relecture trop littérale de la partition de Morricone. Thomas Morgan lui rend la pareille en instillant quelques doses de suspense hitchcockien dans son solo sur le thème de "Psycho". Ils laissent ainsi entrevoir un potentiel intéressant - assez évident vus les musiciens réunis - mais qui n'aura été malheureusement qu'effleuré.
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