Étonnamment, cela faisait quasiment deux ans (octobre 2011) que je n'avais pas mis les pieds au New Morning, une salle qui fit pourtant beaucoup pour ma découverte du jazz live. La présence du quintet de Steve Swallow (elb) avec Carla Bley (org), Chris Cheek (ts), Steve Cardenas (g) et Jorge Rossy (dms) ce jeudi me donnait une belle occasion de renouer avec de saines habitudes. La précédente fois que j'avais vu Carla Bley et Steve Swallow sur la scène du New Morning (juillet 2006, en big band), cela avait d'ailleurs débouché sur un disque (Appearing Nighlty, Watt/ECM, 2008).
Cette fois-ci les rôles traditionnels sont inversés puisque c'est le bassiste et non la pianiste - exclusivement à l'orgue ce soir - qui se présente en leader, et compositeur. Les morceaux portent d'ailleurs tous la marque d'une élégance propre à cet esthète de la basse électrique : une attitude cool, aux mélodies soyeuses, portées par un groove discret mais irrésistible. Ce groupe s'éloigne de toute esbroufe. La retenue est ici érigée au rang de référence absolue du bon goût. Est-ce à dire que le manque de substance n'est parfois pas loin ? Le petit miracle de l'ensemble est justement de réussir à maintenir, en toutes circonstances, des tourneries rythmiques obsédantes qui ne remettent pas en cause le partie pris esthétique de base, tout en fournissant une matière solide qui permet d'éviter à l'attention de retomber.
Chris Cheek, souvent entendu sur disque mais que, je pense, je voyais pour la première fois sur scène*, me fait une particulièrement bonne impression, par cette manière qu'il a de produire un son de ténor puissant et chaleureux tout en se tenant à distance des envolées paroxystiques du sax hero. Jorge Rossy apporte, lui, une touche d'espièglerie à l'ensemble, notamment quand il utilise une peluche pour frapper ses peaux ou qu'il déclenche brutalement un coup sec sur sa caisse claire au cours d'un morceau inspiré à Steve Swallow par sa lecture frénétique de romans policiers. Ces qualités de maîtrise et d'humour se retrouvent dans le jeu du leader, comme dans ses interventions au micro entre les morceaux. Steve Swallow semble ainsi avoir mis sur pied un groupe à son image, prolongement idéal de son élégance décontractée qui pourrait aisément le faire passer pour Britannique.
Par sa fraîcheur, cette musique produit un effet particulièrement adapté à un soir d'été, alors que la chaleur à du mal à retomber dans les rues de la capitale.
A lire ailleurs : Ludovic Florin.
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* En fait, non, je l'ai vu il y a dix ans au sein de l'Electric Be Bop Band de Paul Motian (Jazz à la Villette 2003). Steve Cardenas était lui aussi de la partie d'ailleurs. Mais le seul souvenir que je garde de ce concert est celui d'une grande déception... d'où peut-être mon sentiment de (re)découverte aujourd'hui.
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