J'ai repris un abonnement à l'Orchestre de Paris pour cette saison. C'est toujours aussi peu cher avec l'abonnement jeune (5€/concert) et on a cette année l'avantage de la réouverture de la salle Pleyel.
Le concert d'hier soir, consacré à la musique française du XXe siècle, devait être dirigé par Armin Jordan, mais le chef suisse a eu la mauvaise idée de mourir cette semaine. Il était remplacé par Frédéric Chaslin.
Quelques mots sur la salle, évidemment, pour commencer. Si l'esthétique d'ensemble est un peu trop clinique à mon goût, l'acoustique est elle au rendez-vous. Je ne peux pas vraiment comparer avec Pleyel ancienne formule, n'y étant jamais allé (ou alors je ne m'en souviens pas), mais ça change de Mogador la saison dernière ! J'étais en plus placé au troisième rang de l'orchestre, plein centre, juste derrière le chef. De quoi en prendre plein la vue et les oreilles lors du concerto de Dutilleux, en captant la moindre respiration du soliste, Xavier Phillips au violoncelle.
La soirée a commencé par le Prélude à l'après-midi d'un faune de Debussy, pièce inaugurale du XXe siècle en musique, écrite en 1894. Tout a déjà été dit sur cette oeuvre : la rupture qu'elle représente dans l'histoire de la musique, l'influence du jeu sur les sonorités du poème de Mallarmé, les échos des gamelans balinais entendus par Debussy lors de l'Exposition universelle de 1889, la définition d'un langage impressionniste basé sur le son, la couleur, le timbre plus que sur un thème ou une mélodie, etc. L'interprétation de l'orchestre, couplée à l'acoustique de la salle et à mon placement dans celle-ci, m'en font savourer les moindres détails.
La pièce suivante reste dans le domaine de la transcription musicale d'impressions provoquées par la poésie avec Tout un monde lointain, concerto pour violoncelle d'Henri Dutilleux composé en 1970 et inspiré de sa lecture de Baudelaire. L'Orchestre de Paris rend cette année hommage au compositeur, qui fête ses 90 ans, à travers une série de concerts. Celui-ci était le premier. J'aime beaucoup cette oeuvre de Dutilleux. Le langage du violoncelliste y est extrêmement riche, employant une gamme de techniques et d'émotions particulièrement étendue. Le fait de n'être qu'à un ou deux mètres de Xavier Phillips permettait là aussi d'en saisir avec gourmandise le plus possible. Dans cette oeuvre, l'orchestre joue un rôle de prolongement du discours du soliste plus que d'accompagnement ou de dialogue. Au centre de tout cela, Xavier Phillips semble comme pris par des forces qui le dépassent, tourmenté, balloté, emporté. Il résiste, domine un instant la tempête, souffle puissamment, avant d'être à nouveau pris dans la mouvance instable de l'orchestre, entre faux calmes et déchaînements percussifs. En bis, Xavier Phillips reprend une autre oeuvre de Dutilleux, la deuxième des Trois strophes sur le nom de Sacher.
Après l'entracte, retour à Debussy avec les Six épigraphes antiques. Cette oeuvre, écrite par Debussy pour piano à quatre mains en 1914, a été orchestrée après sa mort par Ernest Ansermet. On y retrouve tout ce qui fait le charme des oeuvres tardives de Debussy : une écriture dépouillée, réduite à l'essentiel, qui fait la part belle aux dissonances et à un ton naturaliste. L'orchestre enchaîne avec la Rapsodie espagnole de Ravel, une des premières oeuvres importantes du compositeur, écrite en 1907. La pièce porte bien son titre car les références espagnoles sont nombreuses : ainsi la Malaguena du deuxième mouvement fait-elle entendre castagnettes et trompettes comme dans une danse de rue andalouse, quand la Feria finale est véritablement synonyme de fête joyeuse et bruyante, avec un orchestre au maximum de sa puissance sonore. Le proche exotisme que représentait l'Espagne pour les compositeurs français du début du XXe siècle me fait alors un peu penser au Tijuana de Charles Mingus.
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