Deux semaines après l'avoir "découvert" avec le Newtopia Project de Raphaël Imbert dans la cadre de Banlieues Bleues, je suis allé revoir jeudi soir le pianiste israélien Yaron Herman, cette fois-ci en trio au Sunside. Il était accompagné par le contrebassiste Stéphane Kerecki et le batteur Thomas Grimmonprez, deux jeunes musiciens français qu'on commence à voir dans un certain nombre de groupes.
Avec ce trio, Yaron Herman met avant tout en lumière la dette qu'il a envers Keith Jarrett. Référence évidente, qui n'est d'ailleurs pas niée, mais qui ne doit pas occulter l'univers propre de Yaron. La teneur du premier set était en cela assez révélatrice : des morceaux signés Ornette Coleman, George Gershwin, Miles Davis et Gabriel Fauré côtoyaient les propres compositions du pianiste. Entre standards revus à la mode du Trio de Jarrett, musique classique post-romantique et du début du XXe siècle, et incursions dans les formes élaborées du jazz moderne, sans oublier une plongée dans le folklore israélien comme l'ont révélé les deux autres sets, l'univers de Yaron Herman est riche de multiples facettes, toutes reliées entre elles par un attachement constant à la belle mélodie - celle qu'il peut fredonner en martelant ou caressant l'ivoire du piano - et à l'énergie dramatique que permettent les variations rythmiques. Parfois Yaron Herman se fait extrêmement délicat, comme s'il cherchait à tirer de la moindre note toute la substance infinie qu'elle contient. A d'autres moments, il s'avance au contraire à toute allure dans un égrènement sauvage renforcé par une main gauche puissante et volontiers tonitruante. Ses deux acolytes d'un soir étaient le soutien idéal à ce jeu marqué par la primauté de l'élément rythmique. S'ils ne prenaient que peu de solos et ne sortaient pas réellement de leur rôle d'accompagnateur, ils n'en étaient pas moins parfaitement en accord avec les pensées du pianiste, comme les prolongements naturels de ses doigts.
Yaron Herman joue essentiellement sur le registre du plaisir. Celui de jouer, au sens plein du terme, comme celui de communiquer au public ses territoires intérieurs. Mais il est aussi le réceptacle d'un héritage, au sens quasi philosophique, au carrefour de la mélodie française du début du XXe siècle et des développements du jazz moderne. Et, s'il est aussi un jeune homme bien de son temps, qui ingurgite à longueur de temps la pop music mondialisée produite à la chaine, plutôt que de rester passif face à ce déferlement d'images et de sons, il en tire profit pour alimenter son univers personnel en se servant du format "chanson" pour entraîner l'auditeur sur des terrains musicaux plus complexes. Il y a chez Yaron Herman aujourd'hui des éléments qui ne sont pas sans rappeler le Bojan Z d'il y a dix ans. Pas tant dans le jeu pianistique que dans la création d'un univers personnel où s'entremêlent folklores, jazz moderne, classique post-romantique et pop music. Souhaitons lui de suivre une voie aussi riche dans les années à venir.
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