Vendredi dernier, à La Fontaine, je suis allé écouter et voir la saxophoniste Alexandra Grimal qui se produisait pour l'occasion en quartet avec Erik Vermeulen au piano, Eric Surmenian à la contrebasse et un batteur prénommé Frédéric, mais dont je n'ai pas compris le nom [edit : Frédéric Jeanne me souffle Jazzques]. La Fontaine n'était pas excessivement pleine, pour une fois : j'ai même réussi à avoir une place assise ! Alexandra Grimal, 25 ans au compteur, est une habituée du lieu, mais ce n'était que la première fois que je l'entendais. Et pour le dire en toute simplicité : c'était bien.
Elle n'a joué, ce soir-là, que du soprano. En deux sets riches, elle a toutefois réussi à proposer un répertoire divers, prolongeant parfois la voie tracée sur l'instrument par Wayne Shorter, en s'aventurant sur des terrains plus éclatés à l'occasion, notamment au cours du second set. Quelques jours après, la deuxième partie du concert reste ainsi la plus vive dans ma mémoire. Certainement grâce à une alliance originale de points de repère bien identifiables (Naima, Crepuscule with Nellie) et de jeu sur les textures plus proches du free, comme lors du formidable dernier morceau du concert. Il faut dire que l'interprétation de Naima fut un véritable bijou, avec sans aucun doute l'une des plus belles versions qu'il m'ait été donné d'entendre depuis celles de JC. Eric Surmenian a commencé le morceau en faisant gronder sa contrebasse à l'aide de l'archet, pour installer un climat inquiétant, un brin solennel, et préparer le terrain à la profondeur du chant d'Alexandra au soprano. Avant l'entrée en piste de la saxophoniste, le contrebassiste a été rejoint par le pianiste au jeu puisant autant dans les accords pénétrants de McCoy Tyner que dans les avalanches dissonantes d'un Cecil Taylor. Quant au batteur, il agitait avec sobriété quelques chapelets de percussions, avant de frapper ses toms à l'aide de mailloches pour produire un son étouffé qui semblait ancré dans les champs de coton du sud américain. Sur ce tapis rythmique puissant et respirant le blues, Alexandra a donc littéralement fasciné l'auditoire, et moi le premier, grâce à une profondeur émotionnelle qui m'a procuré des frissons pendant toute la durée du morceau. Et ce n'est pas une image. La réussite absolue du morceau s'est entendue jusque dans le silence qui l'a prolongé pendant quelques instants, avant que le public ne reprenne ses esprits et n'applaudisse chaleureusement les musiciens. On a coutume de dire que le silence qui suit du Mozart est encore du Mozart, et bien on pourrait facilement paraphraser ce joli cliché au sujet d'Alexandra. Et que dire de la version délicieusement claudicante - grâce notamment à un excellent Erik Vermeulen - de Crepuscule with Nellie qui a suivi ? Ou encore du morceau final, rapidement évoqué plus haut, avec les musiciens qui jouaient sur les textures, sur les sonorités particulières de leurs instruments, plutôt que sur la production de notes et d'un discours articulé ? Tout cela était vraiment très bon !
Quant au premier set - pour en parler rapidement - il était un peu plus mainstream, plus attaché au swing et au discours mélodique du saxophone ou du piano, mais proposait néanmoins lui aussi son lot de belles choses, notamment dans les passages enlevés au cours desquels Alexandra fait des merveilles (comme sur le troisième ou le dernier morceaux du set).
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