L'Institut Hongrois inaugurait hier soir une série de concerts mettant à l'honneur des groupes de jazz franco-hongrois. Pour l'occasion, le trio composé du pianiste Kalman Olah, du saxophoniste Kristof Bacso et du contrebassiste Sébastien Boisseau venait présenter les compositions qui constitueront son premier disque, annoncé pour l'automne par BMC Records.
C'est toujours un grand plaisir de retrouver le contrebassiste nantais, vu notamment aux côtés de Gabor Gado ou au sein du formidable Baby Boom Quintet de Daniel Humair. Le concert a d'ailleurs débuté par une de ses compositions, intitulée Lonyay utca, du nom d'une rue de Budapest (utca signifie rue en hongrois). Ce sera le morceau le plus complexe et le moins directement évident du concert. On retrouve là le goût pour le jazz contemporain à l'architecture élaborée développé par Sébastien Boisseau. En variant les angles d'attaques - trio, duos, solos - les trois musiciens sculptent le son pour élever une œuvre fragile, soulignée là par le jeu tranchant de Kristof Bacso au soprano, ici par le tendre lyrisme de Kalman Olah au piano, ou encore par l'entêtement rythmique développé par le contrebassiste, notamment dans un beau solo central. La suite du concert, avec cette fois-ci une alternance de compositions des deux Hongrois, développe une conception plus mélodique, parfois chantante, de la musique. Le jeu de Kalman Olah, véritable pivot autour duquel s'organise ce trio, tient ainsi autant du jazz à la Keith Jarrett que du répertoire romantique, avec quelques touches puisées dans l'école hongroise du début du XXe siècle. Le deuxième morceau ne s'intitule pas Bartok Impressions par hasard. On y entend comme des échos des Contrastes du grand compositeur, avec le soprano de Bacso tenant le rôle de la clarinette, et les cordes de la contrebasse répondant au violon originel. Nouvelle référence explicite pour le troisième morceau, une composition de Kristof Baco intitulée Hommage à Nino Rota. On y retrouve le tendre lyrisme mi-nostalgique mi-insouciant qui faisait la marque du musicien fétiche de Fellini. Et d'ailleurs, tout au long du concert j'ai trouvé que le jeu de Kalman Olah résonnait d'éléments qu'on a coutume d'entendre chez les jazzmen italiens : ce goût des belles mélodies, chantantes et tendres. Ont ensuite suivi un Hungarian sketch composé par Kalman Olah et un Dark forest de Kristof Bacso qui nous ramenaient vers les folklores magyars et leur traitement - toujours et encore - par Bartok et Kodaly, avec toujours une touche de jazz romantique, et un Kristof Bacso passé à l'alto. Le dernier morceau, le bien nommé Last moment composé par le pianiste, se faisait plus enlevé, avec un rythme bondissant et une mélodie joyeuse, comme pour nous inviter à quitter la salle avec le sourire et le cœur rempli de légèreté rieuse. C'était compter sans le rappel, plus court que les morceaux du concert (six, mais s'étirant pendant près d'1h45), et qui se faisait apaisant, mais toujours enclin au bonheur.
Je ne connaissais pas le pianiste avant ce concert - et m'attendait pour tout dire à un style très différent, je ne sais pas trop pourquoi - mais il m'a véritablement conquis avec son phrasé très chantant. Quant à Krsitof Bacso, je le connaissais assez peu, seulement dans le cadre de ses participations à quelques disques de Gabor Gado, et il était intéressant de pouvoir l'écouter développer son discours - surtout au soprano - dans une situation le mettant plus en avant. Pour Sébastien Boisseau, pas de surprise, mais un plaisir intact (c'est sa présence qui m'a encouragé à aller à ce concert).
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