Vendredi soir, le festival Banlieues Bleues accueillait le projet "Monk's Casino" du grand pianiste allemand Alexander von Schlippenbach à Pantin. Le principe en est simple : à la tête d'un quintet, Schlippenbach reprend en l'espace de trois sets l'intégrale des morceaux composés par Thelonious Monk. Oui ! L'intégrale.
Cette soirée a tout d'abord été l'occasion de découvrir le nouvel espace Banlieues Bleues installé à Pantin. Pour cette 23e édition, le festival s'est en effet doté d'un lieu fixe pour abriter son administration, mais également une salle de concert et des studios d'enregistrement et de répétition. Pour cela, une ancienne fabrique de toile de jute a été complètement réaménagée pour un résultat vraiment convaincant. Ainsi, la salle de concert semble avoir été parfaitement conçue pour une acoustique claire et limpide, qui a permis aux musiciens de jouer sans ampli aucun, comme des musiciens classiques. Et c'est quand même beaucoup plus agréable. De plus, cette installation en un lieu fixe permettra une programmation toute l'année, en dehors de la période du festival, qui devrait débuter à la rentrée 2006.
Pour le concert en lui-même, mon sentiment est assez mitigé. Il y a d'abord un écueil qui tient à la nature même du projet : celui du zapping. Parcourir en l'espace de trois heures plus de 70 thèmes, c'est évidemment prendre le risque de ne pas creuser toujours les idées lancées de-ci de-là. C'était parfois un peu frustrant, quand le concert s'orientait vers une sorte de "blind-test" trop respectueux des versions originales de Monk. En effet, autre déception, notamment lors du premier set : le manque de "folie" de la musique proposée, bien loin du Globe Unity Orchestra qui a fait la renommée de Schlippenbach. On pouvait s'attendre à une relecture plus libertaire de la part d'une des figures majeures du free européen. Enfin, pour en finir avec les reproches, le batteur Uli Jennessen était souvent très limite, jouant très carré, sans le moindre swing, et plombant parfois lourdement les efforts du reste du groupe.
Le reste du groupe était quant à lui vraiment très bon pourtant. J'ai notamment particulièrement apprécié la complémentarité sonore de la clarinette basse de Rudi Mahall et de la trompette d'Axel Dörner. Et, quand il se libère un peu de la lettre du projet, Alexander von Schlippenbach est un pianiste incroyable aux idées fourmillantes, comme il l'a surtout démontré au cours du deuxième set, beaucoup plus imaginatif que les deux autres : superposition de deux thèmes, utilisation d'ustensiles dans les cordes à la manière d'un piano préparé, jeu en miroir déformant des thèmes de Monk... Le cinquième membre du quintet, le contrebassiste Jan Roder, était lui plus en retrait par rapport au reste du groupe, mais il était quand même plus convaincant que le batteur, même si relativement sage.
Le troisième set a été plus récréatif, avec Rudi Mahall et Axel Dörner qui se baladaient dans le public, tout en continuant à jouer, Alex von Schlippenbach qui troquait le piano pour la trompette quelques instants (pour une sorte de marche funèbre vraiment très belle - sans le batteur !), ou encore Uli Jennessen qui jouait à faire rebondir un ballon. Les musiciens ont également joué un morceau allongés par terre, pour accentuer le côté un peu cirque de leur relecture. Il est vrai que l'esprit du projet est, selon les dires du pianiste, proche de celui d'une fête foraine : "casino" en italien renvoie à l'idée de bordel, de foutoir. Il est donc d'autant plus dommage que cet esprit n'ait été là que par intermittence au cours du concert, et que l'aspect rythmique des choses ait un peu plombé l'ensemble.
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