Depuis qu'il a avec lui la force de frappe marketing de Blue Note, Robert Glasper est présenté par toute la presse spécialisée comme la nouvelle star du piano jazz. Mais ceux qui, comme moi, l'avaient découvert à travers son premier disque - Mood (Fresh Sound New Talent, 2003) - le savaient depuis quelques temps déjà. Pour les uns, comme pour les autres, confirmation en a été donnée hier soir par un superbe concert au Sunside.
Accompagné par le batteur Damion Reid et le contrebassiste Alan Hampton, Robert Glasper nous a démontré, au cours de deux longs sets, toute l'étendue de son talent, comme interprète et comme compositeur. La force de ses mélodies limpides, alliée à une expressivité idéale du trio, évoque simultanément la fraîcheur de la dernière petite tuerie hip hop et ses grands prédécesseurs dans le cadre magique du trio piano-basse-batterie. Ce qui m'a le plus frappé, hier, c'est la large place que Robert Glasper laisse à ses deux sidemen, particulièrement bons il faut dire. Je ne connaissais pas le bassiste, mais il m'a fait forte impression. Solos délicats, rythme puissant, parfois jazz, parfois plus urbain. Je connaissais mieux Damion Reid, mais sa performance lui a fait prendre une nouvelle dimension à mes oreilles. Sa dextérité à toute épreuve (il faut voir son jeu de doigts dans le maniement des baguettes pour y comprendre quelque chose), là aussi entre deux mondes musicaux, jazz et hip hop, est particulièrement impressionnante, ne cessant jamais pour autant d'être fraîche et réjouissante. Ce qui caractérise ce trio c'est en effet de ne jamais céder à la complexité. Une grosse maîtrise instrumentale, mais mise au service de la communication des sentiments. On n'entend pas des "idées", mais un bon gros feeling, vif et heureux d'être là.
J'insiste sur l'alliage de jazz et de hip hop, pourtant il ne faudrait pas croire que la musique de Robert Glasper est une n-ième fusion facile entre les deux univers. Le hip hop est plus ici un état d'esprit, qui transpire à travers quelques éléments (rythmique, sens du groove, jeu en boucle...), mais le langage du groupe reste entièrement jazz. D'ailleurs, quand le trio s'aventure sur le terrain des reprises, c'est le Prince of Darkness de Wayne Shorter qui sert de base à une escapade joyeuse des trois musiciens. Ceci dit, pour l'essentiel du concert, ce sont les propres compositions de Robert Glasper qu'on a pu entendre. Dont une proportion généreuse de nouveautés, entrecoupées de quelques morceaux qui figurent sur ses deux premiers disques. Plus le concert avançait, plus le public semblait prendre du plaisir. Sur un morceau, au cours du second set, quelques spectateurs ont même repris la mélodie d'un morceau qui venait de s'achever, en la fredonnant. Robert Glasper, tout surpris et tout sourire, décidait de les accompagner quelques mesures. Moment rare dans le cadre d'un concert jazz. Le sommet de la soirée fut sans doute le dernier morceau (une nouveauté) avec un Damion Reid en état de grâce à la batterie et un public rugissant de plaisir. Un dynamisme magique, dans le cadre toujours rajeuni du trio piano-basse-batterie. Trois est décidément le chiffre magique.
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