Comment succéder à cela sans faire retomber l’attention ? En prenant le contre-pied bien sûr. A la vue du line-up je m’attendais à une nouvelle démonstration de force d’un power trio après Asmodeus et Simulacrum. Et, si bien sûr on est dans un registre moins délicat qu’en première partie, on reste à bonne distance du rock apocalyptique des groupes des jours précédents. La première différence tient au batteur. Si Kenny Grohowski, au sein d’Asmodeus comme de Simulacrum, semble frapper constamment à pleine puissance sur un registre assez restreint, G. Calvin Weston fait preuve, lui, d’une palette plus large, même si ne lésinant pas sur la puissance non plus. Passé par le Prime Time d’Ornette Coleman ou les Lounge Lizards de John Lurie, il a été à bonne école. John Medeski, dont c’est le troisième soir de suite sur scène, retrouve comme la veille l’orgue Hammond, mais aussi un vieux complice du Downtown des 90s, période Knitting Factory, en la personne du guitariste Dave Fiuczynski. Ils avaient enregistré un disque particulièrement funky ensemble en 1994 (Lunar Crush). Et c’est donc tout naturellement que le trio propose une version funk des Bagatelles, où Medeski et Fiuczynski rivalisent de solos plus groovy les uns que les autres. Si l’on reconnaît un peu plus l’écriture de Zorn qu’en première partie, notamment dans les codas des morceaux, on reste toutefois dans un univers musical assez peu associé à Zorn jusqu’à présent, ce qui fait tout l’intérêt de cette double affiche. Sans oublier le simple plaisir de taper du pied en rythme, et de danser dans sa tête comme disait l’autre.
jeudi 2 août 2018
Kris Davis Quartet / John Medeski Trio @ Fundação Calouste Gulbenkian, mercredi 1er août 2018
Même principe que lundi soir en ce mercredi : deux groupes aux esthétiques distinctes se relaient sur scène pour interpréter quelques Bagatelles. A la différence de lundi, il s’agit de groupes n’ayant pas enregistré de volumes du Book of Angels. Même si on y retrouve de vieilles connaissances, il y a un petit goût d’inédit pas désagréable dans l’air. Le premier quartet est ainsi mené par une nouvelle venue dans l’univers zornien, mais qu’on aime déjà beaucoup pour sa propre musique. La pianiste canadienne Kris Davis est accompagnée par Mary Halvorson à la guitare, Drew Gress à la contrebasse et Kenny Wollesen à la batterie. Soit un délicat quartet qui emmène les compositions de Zorn vers des ambiances claires-obscures, toujours dans un subtil entre-deux entre jeu in et out, drive régulier et dissonances ponctuelles. Pour tout dire cela sonne très personnel et on a du mal à reconnaître l'écriture de Zorn. Il y a un véritable travail d’appropriation et d’arrangement qui donne une grande fluidité à la musique. Le jeu de Kris Davis est d’une belle sensibilité, privilégiant la retenue, laissant à Mary Halvorson le soin de perturber juste ce qu’il faut le déroulé des mélodies avec ses effets si caractéristiques. La complémentarité des deux jeunes femmes procure un immense plaisir, réminiscence de leur collaboration majeure au sein d’Anti-House d’Ingrid Laubrock. Pour les soutenir, Drew Gress et Kenny Wollesen assurent, l’air de rien, une pulsation régulière, sans frioriture, leur permettant d’assumer seules le jeu sur les contrastes qui donne tout son relief à ces compositions. En introduction du troisième morceau, Kris Davis prend un long solo au cours duquel elle fait des merveilles. C’est subtil, délicat, sensible, tout en suggestion, loin de toute débauche d’effets superflus. Un grand moment niché au cœur d’une performance majuscule, la plus aboutie du festival, jusque là.
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