Le festival Banlieues Bleues accueillait jeudi dernier le premier concert de la cuvée 2013 du programme Take Five Europe. Extension continentale d'un dispositif d'origine britannique, Take Five Europe regroupe dix jeunes musiciens issus de cinq pays européens (Norvège, Pologne, Pays-Bas, France et Royaume-Uni) et leur propose notamment résidence de création, ateliers sur les "à-côté" de la vie d'un musicien professionnel (communication, financement, édition...) et concerts communs dans quelques festivals des cinq pays concernés. Parmi les noms sélectionnés pour cette deuxième édition, outre les deux Français (Airelle Besson, tp, et Guillaume Perret, sax), seul le contrebassiste norvégien Per Zanussi m'était connu auparavant, pour sa participation au Trespass Trio aux côtés de Martin Küchen et Raymond Strid.
Après une semaine passée ensemble dans une ferme du Kent, la troupe rassemblée pour l'occasion livrait donc pour la première fois sur la scène d'un des festivals partenaires le fruit de leurs travaux. Le principe du concert est simple : l'orchestre joue tour à tour une composition de chacun de ses membres. On pourrait s'attendre à un patchwork très dépareillé, pourtant, si les différences stylistiques existent bien, l'ensemble dégage une belle unité, servi par une joie de jouer communicative. Chacun semble vouloir se mettre tour à tour au service de la musique de ses camarades, sans chercher à tirer la couverture à lui. Si certains sont plus expressifs que d'autres - le Britannique Arun Ghosh au corps très impliqué dans les tournoiements de sa clarinette ou le batteur néerlandais Marcos Baggiani au large sourire gourmand - ils ne captent néanmoins pas toute la lumière, et la musique parcourt les pupitres avec fluidité. Parmi les moments forts on retiendra notamment les compositions de Chris Sharkey, guitare britannique électrisante, marquée par une esthétique free rock qui mêle avec bonheur improvisation et répétition, et d'Airelle Besson, lent mais imparable crescendo soutenu par les vents à l'unisson qui unie lisibilité mélodique de la pop et effets de boucle (en fait, une composition déjà au répertoire de Rockingchair, Estudio, Trabajo y Fusil). On parcourt également avec appétit les univers de fanfare joyeuse du pianiste polonais Marcin Masecki ou les climats plus apaisés, ponctués de multiples accidents percussifs, du contrebassiste Per Zanussi, avant que le concert ne s'achève sur un hymne funk signé Guillaume Perret qui permet d'apprécier la plasticité de cet orchestre certes éphémère, mais bel et bien cohérent.
On restait dans les échanges inter-européens avec la deuxième partie de la soirée. Le quintet The Rich Taylors réunit en effet deux trios qui se partagent le saxophoniste Robin Fincker : l'ensemble franco-britannique Blink avec la pianiste Alcyona Mick et le batteur Paul Clarvis, et le groupe franco-allemand The Mediums avec Vincent Courtois au violoncelle et Daniel Erdmann au saxophone ténor. Plutôt que de jouer les compositions déjà au répertoire de ces deux trios, Robin Fincker explique qu'ils ont choisi d'écrire spécialement des nouveaux morceaux pour ce groupe. Et ça fonctionne plutôt très bien. L'esthétique du groupe, même si moins électrique, trouve des échos avec celle de la première partie. Il en partage l'approche décloisonnée, issue du jazz, mais nourrie de rock, de folklores d'ici et d'ailleurs, et de préoccupations formelles issues de la musique contemporaine. La soirée permet alors d'esquisser le portrait d'une génération de musiciens européens - Vincent Courtois en parrain - aux préoccupations communes, faites de combinaisons sonores trans-genres qui permettent de conserver de leurs racines jazz le goût de la surprise mais en y ajoutant un terreau mélodique plus à distance de la tradition afro-américaine. Belles découvertes.
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