Ma dernière saison à tarif jeune Salle Pleyel commence sous la direction d'un chef de vingt-deux ans ! Lionel Bringuier, né en 1986, dirige avec allant le Philharmonique de Radio France dans un programme qui fait, il est vrai, la part belle aux pièces joyeuses et bien cadencées. L'introductif Alborada del Gracioso de Ravel est traité de manière très imagée. On sent les saveurs d'une Espagne fantasmée, reconstituée à partir de matériaux populaires emblématiques, prendre vie. Le jeune chef a des gestes expressifs qui font jaillir la musique de l'orchestre avec fougue et entrain.
La pièce centrale du programme est la création française du Concerto pour violon de Magnus Lindberg, compositeur contemporain finlandais dont j'avais déjà pu entendre la pièce Corrente dans le cadre du festival de l'Ircam il y a deux ans. Le violoniste albanais Tedi Papavrami - par ailleurs traducteur d'Ismaïl Kadaré en français - rejoint l'orchestre réduit à un format classique : les cordes et six vents (deux cors, deux hautbois, deux bassons). De quoi illustrer cette réflexion du regretté Mauricio Kagel : "La modernité est sans doute un concept qui devrait être constamment remis en question. Peut-être se rendrait-on compte que pré et post-modernité sont totalement interchangeables." Le concerto de Lindberg s'ouvre sur un bruissement de monde naissant à travers le violon de Papavrami. L'orchestre le rejoint vite pour un dialogue fait d'échos et de courses poursuites qui agitent le premier mouvement. Le soliste mène le discours, impose le rythme, et l'orchestre - dans sa masse ou par groupes traités en solistes - lui répond, amplifie son discours, et lui sert d'écrin pour en accentuer le lyrisme, un élément très présent tout au long de l'œuvre. Malgré sa taille réduite et sa constitution classique, l'orchestre sonne de manière ample, notamment grâce à l'enchevêtrement de voix distinctes - par groupe d'instruments - dialoguant entre elles autant qu'avec le soliste. Le deuxième mouvement poursuit sans interruption l'élan du premier. On est loin d'une structure classique vif-lent-vif. Le climat est peut-être plus inquiétant, plus sombre, avec des montées en tension du soliste et de l'orchestre qui s'alimentent respectivement. La cadence qui conclut le deuxième mouvement s'achève avec le soutien d'une contrebasse qui donne une couleur originale et dramatique avant le court troisième mouvement au cours duquel la joie de l'orchestre semble vouloir submerger le soliste qui lutte pour maintenir sa voix singulière au-dessus de la masse. Le concerto s'achève sur un dernier sursaut du soliste, dans une fin abrupte, où l'orchestre semble rendre les armes. Loin d'une démarche avant-gardiste, Lindberg a créé un concerto empli de lyrisme, avec une dimension dramatique qui donne au soliste un aspect presque récitatif. Et c'est plutôt plaisant.
Après l'entracte, Lionel Bringuier renoue avec l'expressivité corporelle du début de concert pour une interprétation du Petrouchka de Stravinski qui en accentue l'allégresse insouciante. Il faut dire que cette pièce a été écrite par le compositeur russe comme une récréation au cours du processus créatif du Sacre. Les airs populaires qui émaillent l'œuvre font ainsi le même effet que n'importe quelle scie de variété : ils restent dans la tête contre la volonté même de l'auditeur. Impossible de se débarrasser des trilles joyeuses qui illustrent le drame de Petrouchka. Et pourtant, au-delà de l'immédiateté des mélodies, il y a des traitements rythmiques et harmoniques propres à Stravinski d'une richesse toujours aussi impressionnante.
A lire ailleurs : ConcertoNet.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
2 commentaires:
Ah oui, zut. Jamais profité du tarif jeune à Pleyel. (Avant, je traînais plutôt du côté du TCE, après, j'ai zappé).
Humpf.
Joyeux 28 ans, alors?
Encore dix jours de répits dans le camp des jeunes. Mais merci d'avance !
Enregistrer un commentaire