Lundi soir, le New Morning était investi par le big band de Carla Bley. Voir un big band en concert est déjà en soi un petit évènement, tant les organisateurs sont souvent un peu réticents face à ces projets qui nécessitent place et argent, mais quand en plus ledit big band est dirigé par l'une des plus grandes arrangeuses de l'histoire du jazz, l'évènement devient grand. Le concert fut à la hauteur des attentes, même si la pianiste n'est aujourd'hui plus tout à fait à cette avant-garde qui l'a si longtemps caractérisée. Toutefois ce retour à un certain classicisme dans l'écriture et dans la maîtrise de l'orchestre est toujours servi par une qualité d'arrangement et d'utilisation de toute la masse orchestrale hors du commun. Ce qui saute aux oreilles immédiatement avec ce big band ce n'est ainsi pas tant le langage jazz "habituel" thème-solo-thème, que l'impression d'avoir à faire à une masse constamment mouvante, à la géométrie instrumentale variable, capable de transporter l'auditeur là où la pianiste le souhaite. Celle-ci partage d'ailleurs son temps sur scène entre le piano et la direction, préférant de loin faire "sonner" l'orchestre dans son ensemble que de s'en servir comme d'un accompagnateur de luxe. Les solos des différents intervenants ne sont d'ailleurs pas vraiment les moments les plus intenses. Ils prennent leur sens comme ponctuation du travail orchestral, pour nuancer la couleur générale de l'ensemble, et non comme discours principal auquel le groupe devrait se sacrifier.
Dans ce big band avec lequel elle oeuvre depuis déjà quelques années, on retrouve quelques noms connus, à commencer par la rythmique assurée par Steve Swallow à la basse et Billy Drummond à la batterie. Les saxophonistes Andy Sheppard, Wolfgang Puschnig et Julian Argüelles ou le tromboniste Gary Valente - particulièrement mis en avant - étaient aussi de la partie, tout comme Karen Mantler, la propre fille de Carla Bley (même coiffure !), à l'orgue. L'ensemble de dix-sept musiciens (cinq saxophones, cinq trombones, quatre trompettes) s'aventurait sur un répertoire assez vaste, des compositions de la pianiste à quelques standards, anciens (My Funny Valentine de Rodgers & Hart) comme modernes (Goodbye Pork Pie Hat de Mingus). Le somment émotionnel et musical du concert fut sans doute atteint en début de deuxième set quand l'orchestre a repris, en le dédiant à la mémoire de Paul Haines, le thème d'ouverture d'Escalator Over The Hill, la grande oeuvre de Carla Bley, et assurément l'un des sommets d'un siècle de jazz. C'est sans doute là que se cristallise le mieux les diverses influences qui font le "style Carla Bley" : big band swing classique, standards de Broadway, free jazz lyrique, Kurt Weill, cabaret... Un pur moment de bonheur au coeur d'un grand concert.
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Il y a 13 heures
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