Vous ai-je déjà parlé de Bojan Z ? Ah oui, un peu, visiblement. N-ième concert du pianiste bosniaque auquel j'assiste (à ce niveau, je ne compte plus), et toujours un bon gros plaisir à l'entendre. Il se produisait en trio, avec la même formule qu'à Banlieues Bleues au printemps dernier, à savoir Rémi Vignolo à la contrebasse et Ari Hoenig à la batterie. L'évolution électrique et plus directement noire-américaine ressentie lors de ses plus récents concerts éclatait au grand jour - en plein air et face à un public très nombreux - avec un répertoire puisant essentiellement dans celui de son dernier disque en date, Xenophonia (que je n'ai pas encore acheté - mais déjà écouté, hum...). J'ai aussi enfin l'explication concernant le troisième clavier, aux sons trafiqués, grâce à un entretien paru récemment dans Jazzman. Bojan appelle ça un "xenophone". Il s'agit d'un Fender Rhodes qu'il a modifié afin qu'il produise "des sons étranges, des sons étrangers, une musique d'étranger", avec une texture plus proche d'une guitare rock que d'un piano électrique. La maîtrise simultanée des trois claviers (grand piano, rhodes et xenophone donc) est devenue vraiment magnifique, offrant une nouvelle couleur au répertoire de Bojan qui, s'il reste identifiable, évolue vers de nouvelles sonorités. L'intégration des éléments balkaniques traditionnels à sa musique est moins folklorique que jamais, devenue éléments de son propre langage pianistique, aux côtés de son goût pour les ambiances rock et une source jazz, blues, funk, voire classique, toujours renouvelée. L'évolution s'entend parfaitement avec son morceau Cd-Rom, thème de conclusion désormais habituel de ses concerts. J'aime bien ce principe, d'ailleurs, d'un thème identifiable, joué à chaque fois, un peu à la manière du Fire Theme de Steve Coleman. C'est un excellent moyen d'approcher l'évolution du musicien. Pour l'occasion, Bojan a proposé des développements inédits sur l'ensemble de ses claviers - avec souvent une main sur le piano et l'autre sur un instrument électrique - avant d'en venir à la sautillante et joyeuse secousse finale. Pour marquer cette approche plus rock dans l'esprit, le rappel a d'ailleurs été l'occasion pour le trio de faire entendre une version un rien planante d'Ashes to ashes de Bowie, "contrepied-de-nez" stylistique au déferlement des arpèges balkaniques de Cd-Rom. Entre ruptures et continuités, beau concert en tout cas.
La seconde partie était assurée par Kenny Garrett, qui fait partie de toute une génération et un style de musiciens américains apparus dans les années 80 que je connais mal et qui ne m'a jamais vraiment emballé pour ce que j'ai pu en entendre. Confirmation, malheureusement, avec ce concert. Si on excepte une belle suite en trois mouvements autour de thèmes folkloriques japonais et coréens jouée au soprano avec juste l'accompagnement de Benito Gonzalez au piano, le concert ne fut pas bien passionnant. La sonorisation n'aidait pas, il faut dire, avec une contrebasse et une grosse caisse qui occupaient tout l'espace sonique, à un point proche de la saturation parfois, le tout agrémenté de quelques vilains larsen. Bizarrement, ça n'a pas semblé gêner les ingénieurs du son ni les musiciens. Au-delà de la musique, ce qu'il y a d'assez insupportable à mon goût, en plus, c'est le côté show ultra-calibré, où on commande au public de taper dans ses mains, où on le fait chanter, se lever, sans aucune spontanéité. Impression de gâchis, au final, pour un musicien qui pourrait exploiter autrement son potentiel.
William Parker & Ellen Christi - Cereal Music (AUM Fidelity, 2024)
Il y a 14 heures
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