Samedi, dernière excursion au Parc Floral dans le cadre du Paris Jazz Festival pour moi cette année. En première partie, les frères Belmondo poursuivaient leur collaboration avec Yusef Lateef, mais dans le cadre resserré du sextet cette fois-ci (contrairement à leur concert d'octobre dernier). La rythmique était assurée par Laurent Fickelson au piano, Sylvain Romano à la contrebasse et Dré Pallemaerts à la batterie. Devant, Yusef Lateef, au sax ténor, hautbois et diverses flûtes, était entouré par Stéphane (trompette, bugle, euphonium) et Lionel Belmondo (saxes ténor et soprano, flûtes). L'absence de l'orchestre de vents qui les accompagnait à l'automne dernier modifie sensiblement la musique proposée. On est plus proche d'un combo jazz des années 60 que de l'approche très "third stream" qu'ils ont développé jusque là. Les solos se répartissent assez équitablement entre les trois souffleurs et le pianiste. Stéphane Belmondo, par sa sonorité immédiatement incisive, engagée et puissante, se distingue tout particulièrement. Son frère est moins flamboyant dans ses interventions, concentrant peut-être ses efforts sur la conduite et l'arrangement de l'ensemble - même si c'est moins explicite à six qu'à treize. Lateef, lui, utilise surtout des flûtes provenant de traditions musicales extra-occidentales, jouant sur le contraste de la douceur et des stridences. Quand il empoigne son sax ténor, son souffle ne cherche pas à tenir la note, mais plutôt à gronder comme un preacher, comme pour insufler plus de profondeur à sa voix au sein de l'orchestre. Il chante également sur un morceau, Sometimes I feel like a motherless child, qui ressemble étrangement plus à une prière pleine d'espoir qu'à un blues déchirant. A l'arrière du groupe Laurent Fickelson et Dré Pallemaerts sont particulièrement inspirés. Le drumming sans esbrouffe du batteur belge m'enchante particulièrement, notamment quand il frappe ses peaux à mains nues. Il n'est en rien démonstratif, mais sait être terriblement musical et efficace. Si la couleur singulière que donne l'ensemble au complet garde une saveur particulière, cette prestation en sextet - sur un répertoire largement renouvelé - avait donc également son charme.
En deuxième partie, Ahmad Jamal se produisait à la tête de son trio au long cours composé de James Cammack à la contrebasse et Idriss Muhammad à la batterie. Musique somme toute assez peu référencée, très personnelle, au déroulement mélodique faussement hachée, soutenu par un groove constant de la main gauche en harmonie parfaite avec les lignes de basse (jusque dans les nombreux silences). Jamal s'arrête régulièrement, reprend sans crier gare, se lève, jette en vrac quelques idées sur le piano, et pourtant le fil musical n'est en rien décousu. Les silences qu'il s'impose entrent pleinement dans la composition de sa musique. Les passages en trio, en duo, en solo alternent sans aucun systématisme, juste selon le goût de l'instant. Idriss Muhammad donne parfois une couleur africaine à ses interventions qui rend la sonorité d'ensemble particulièrement chaleureuse. Le style Jamal au piano est unique, mais nullement uniforme. Les explosions rythmiques délicieusement balancées succèdent aux fines mélodies égrénées avec délicatesse, la complexité harmonique laisse place à des accords naïfs, signes de ponctuation d'un langage très imagé. Plaisir et vivacité sont les maîtres mots de ce concert qui conclut agréablement une saison jazz au Parc Floral, que je n'aurai fréquenté que modérément cette année.
William Parker & Ellen Christi - Cereal Music (AUM Fidelity, 2024)
Il y a 13 heures
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire