La Grande Halle étant en travaux, le festival sort des limites du Parc de la Villette cette année et investit notamment le Point Ephémère. Hier soir s'y produisait le rappeur Mike Ladd et le pianiste Vijay Iyer. J'avais déjà pu voir Vijay Iyer, à la tête de son quartet, l'année dernière à Banlieues Bleues. Ce jeune pianiste américain d'origine indienne (d'Inde, pas amérindien) a été pendant quelques années sideman de Steve Coleman, et d'ailleurs sa musique trouve ses racines dans les conceptions développées par le collectif M-Base. En 2003, il a sorti un premier projet en collaboration avec Mike Ladd. Le concept-album qui en a résulté (In What Language?, Pi Recordings, 2003) est un recueil de textes scandés, déclamés, chantés sur le thème des aéroports, lieu symbole de la mondialisation pour les auteurs : à la fois lieux d'échanges, de rencontres, de transits, mais aussi de zones de non droit, de quarantaine et de frontières. La musique oscille entre jazz, rap et éléments électroniques, et le résultat est des plus convaincants.
Cette année, les deux musiciens ont remis ça autour d'un nouveau projet. Signé Mike Ladd uniquement, ils ont produit un disque autour du livre Negrophilia de Petrine Archer-Straw qui explore les liens de fascination et d'inspiration entre les cultures noires et les avant-gardes parisiennes du début du XXe siècle. Actualisant le propos, ils explorent quant à eux les liens entre la Black Culture mondiale et le Paris contemporain (Negrophilia, Thirsty Ear, 2005). Le propos musical est encore plus expérimental que pour le précédent disque.
Hier soir ils présentaient néanmoins un autre projet, apparemment encore en gestation. Ils vont en effet collaborer avec une compagnie de théâtre pour un spectacle alliant musique, poésie et mouvements corporels. Pour l'occasion ils étaient accompagnés sur scène par un des membres de cette compagnie de théâtre (dont je n'ai malheureusement pas retenu le nom) qui s'occupait d'installations sonores répondant aux mouvements du corps de Mike Ladd. Celui-ci se disposait ainsi sur une sorte de tapis truffé de capteurs qui provoquaient des petits bruits électroniques servant de base rythmique aux textes qu'il déclamait. De même, il se servait d'une sorte de bâton-theremin qui produisait des sons électriques aux mouvements de mains du rappeur. De l'autre côté de la scène, Vijay Iyer jouait à la fois du piano et de multiples machines électroniques qui lui permettaient de trafiquer le son et de produire des rythmes variés. La musique qui en résultait était volontiers minimaliste dans ses effets, centrée sur la voix captivante de Mike Ladd. Incontestablement du "rap d'intello", mais quand c'est aussi bien fait, c'est vraiment passionnant.
Pour le rappel, ils ont joué un morceau de chacun de leurs deux projets précédents : The French Dig Latinos, Too extrait de Negrophilia, et Plastic Bag extrait de In What Language?. Des répères bienvenus, pour conclure.
William Parker & Ellen Christi - Cereal Music (AUM Fidelity, 2024)
Il y a 10 heures
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