Roy Hargrove était hier soir au New Morning avec son RH Factor, un groupe qui oscille entre jazz, soul et funk. Formule resserrée par rapport au disque du groupe qui voit se succéder une ribambelle d'invités (Steve Coleman, Meshell Ndegeocello, Q-Tip, Common, D'Angelo, Erikah Badu...). Encore que, resserrée, il faut le dire vite, ils étaient quand même neuf sur scène : Roy Hargrove à la trompette, William Marshall et Kevin Williams aux saxes (alto et baryton), Todd Parsnow à la guitare, Willis McCampbell et Renée Neufville aux claviers, Reggie Washington à la basse (vu aux côtés de Steve Coleman il y a quelques années) et enfin Willie Jones et Jason Thomas aux batteries.
Roy Hargrove s'est d'abord fait connaître, à la fin des années 80, comme un jeune lion du bop, capable de jouer à la perfection dans la plus pure tradition du jazz mainstream. Mais, parallèlement à cette carrière de soliste respectable, il a toujours maintenu une oreille attentive du côté des musiques de la rue (funk, soul, rap), apparaissant sur des albums du soulman D'Angelo ou du rappeur Common par exemple. Ou collaborant éphémèrement avec Steve Coleman sur le très bon The Tao of Mad Phat (BMG, 1993). Rien d'étonnant donc à le voir débouler il y a deux ans avec ce projet "RH Factor" où le jazz se marie à la nu-soul et au funk. Mais, si le disque qui en résulte est assez bon, c'est en live que cette musique prend tout son sens. La musique y est plus brute, moins "polie", plus marquée par le plaisir instantané de faire danser le public.
Le concert d'hier soir a ainsi débuté par une terrible déflagration funk aux accents afrobeat particulièrement enthousiasmante. La présence de deux batteries aidait à rendre les rythmes popularisés dans les années 70 par Fela et son batteur Tony Allen. Le ton était donné. Il ne fallait pas s'attendre à des subtilités mélodiques et rythmiques, mais plutôt se laisser entraîner corps et âme par la formidable machine à groover déployée pour l'occasion. C'est donc ce qu'on a fait, avec un plaisir non dissimulé. Après quelques morceaux purement instrumentaux, Renée Neufville s'est mise à chanter, alternant ballades soul et morceaux plus funky. Avec sa belle voix soul, mais peu originale, elle était plus à son avantage sur les morceaux enlevés, où son phrasé se faisait plus rentre-dedans, plus marqué par la scansion funk.
Le RH Factor s'apparente en fait un peu à une relecture des grandes épopées funk des 70s (Oneness of Juju, Funkadelic...) par la génération hip hop. Roy Hargrove a d'ailleurs cité deux mesures de One Nation Under A Groove aux détours d'un morceau, comme pour mieux marquer la filiation. On retrouve l'esprit fusionnel, revendicatif et festif de ces grands ensembles funk d'hier, mais marqué par une rythmique qui puise son inspiration dans les musiques urbaines actuelles, hip hop en tête donc. Le tout joué par des musiciens habitués du langage jazz, ce qui donne une qualité instrumentale indéniable à cette musique.
Le concert s'est déroulé en deux sets assez longs. Les musiciens prennaient visiblement du plaisir à jouer, et le public suivait évidemment, ce qui a permis de pousser jusque vers 1 heure du mat'. Si le premier set était marqué par la présence de Renée Neufville au chant, le second a vu les autres musiciens pousser aussi un peu de la voix, à commencer par le leader, mais aussi - et surtout - le batteur Jason Thomas sur une ritournelle soul assez impressionnante (ça gloussait de plaisir dans le public...). Le concert s'est achevé sur un rappel de trois morceaux, pour prolonger le plaisir le plus longtemps possible.
William Parker & Ellen Christi - Cereal Music (AUM Fidelity, 2024)
Il y a 16 heures
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