Le Paris Jazz Festival s'était un peu transformé en Paris Drums Festival hier. Entre Brian Blade à la tête de son groupe Fellowship et David King au sein de The Bad Plus, on a eu le droit à une démonstration de maniement des baguettes, dans deux styles très différents, mais tous les deux impressionnants.
La première partie était donc assurée par Brian Blade à la tête d'un quintet tout en souplesse et élasticité, à l'image du leader. J'ai déjà vu Brian Blade au Parc Floral. C'était il y a deux ans avec le quartet de Wayne Shorter, autrement dit un immense moment de musique. C'est peu dire qu'il m'avait fait une forte impression. J'étais donc assez impatient à l'idée de le retrouver à la tête de sa propre formation. Celle-ci est composée de Myron Walden, particulièrement brillant au sax alto et à la clarinette basse, Melvin Butler au sax ténor, Jon Cowherd au piano et Doug Weiss, qui a des faux airs de Charlie Haden physiquement, à la contrebasse. Parmi les sidemen, l'altiste est celui qui m'a le plus impressionné, aussi bien au sax qu'à la clarinette, comme sur la très belle introduction du deuxième morceau, où il était simplement accompagné par le pianiste et des clochettes agitées par Brian Blade. Le pianiste n'était pas mauvais non plus, capable de moments particulièrement lyriques, comme si sa musique jaillissait d'une source vive et continue. D'ailleurs, un bon nombre des compositions jouées par le groupe étaient de lui. Mais le meilleur c'était évidemment Brian Blade lui-même, qui a une façon de dynamiter le rythme, de l'éclater en de multiples micro-rythmes tous plus dansants les uns que les autres, que son jeu s'apparente à un perpétuel feu d'artifice joyeux et particulièrement bondissant. La musique jouée était dans l'esthétique jazz la plus pure, du jazz sans épithète, mainstream, simplement du jazz. Et du bon, du très bon. Un peu à l'image de cette nouvelle scène américaine documentée par un label comme Fresh Sound New Talent. Ni conservateurs, ni révolutionnaires, les musiciens connaissent les codes du jazz et jouent dedans et non autour. Le contraire des esthétiques fusionnelles (electro, funk, rock, world...) qui font bien souvent vivre le jazz contemporain. Et ça a du bon aussi parfois. Notamment quand tout cela est souligné par un batteur de la trempe de Brian Blade. Le public ne s'y est pas trompé qui a fait une belle standing ovation au groupe (chose très rare pour les premières parties, et pourtant je fréquente le PJF depuis pas mal d'années maintenant).
La seconde partie était radicalement différente. Bien qu'également issus de la scène américaine contemporaine, The Bad Plus développent une approche moins strictement jazz. Ils empruntent de nombreux éléments à la culture rock : répertoire mais aussi manière de construire les morceaux, mélodiquement et rythmiquement parlant. David King, le batteur du groupe, a d'ailleurs le parfait look du rockeur énervé : corpulence qui en impose, tatouages, piercing... Le genre de mec qu'on n'aimerait pas croiser un soir dans une rue sombre. Pourtant, arborant constamment un sourire qui lui bouffe tout le visage, il a l'air tout gentil. Sa batterie ne doit pas penser la même chose, vue la manière dont il s'en occupe. Avec sa frappe lourde, très rapide, il est dans l'explosion permanente. Si le jeu de Brian Blade s'apparente à un feu d'artifice, avec David King on serait plutôt face à l'artillerie lourde. On ne parle pas de "loud jazz" pour rien à propos de The Bad Plus. Leur marque de fabrique pourrait d'ailleurs bien être cet alliage assez spécial de mélodies simples, naïves, légères et d'un rythme extrêmement présent, en intensité sonore et en vitesse d'exécution.
Le groupe a joué essentiellement des nouveaux morceaux aux titres toujours aussi improbables (j'ai retenu un joli Rhinoceros is my profession) qui devraient se retrouver sur leur prochain disque, qu'ils viennent juste d'enregistrer. Ils ont également interprété quelques morceaux tirés de leur disque These are the Vistas (Columbia, 2003) comme Big Eater et le beau Everywhere You Turn. Ou encore l'un de mes morceaux préférés de leur répertoire, lors des rappels, And Here We Test Our Powers Of Observation tiré de leur album Give (Columbia, 2004). Les compositions se répartissent de manière assez équilibrée entre les trois membres du groupe : David King donc, mais aussi Ethan Iverson au piano et Reid Anderson à la contrebasse.
Que serait enfin un concert de The Bad Plus sans reprise de tube de la pop music mondiale ? Hier, on a eu le droit à une reprise un peu anecdotique du We are the Champions de Queen, mais aussi à une belle version de Human Behavior de Björk.
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