J'adore ce groupe. J'adore les musiciens qui le composent. J'adore la musique qu'ils jouent.
Le Baby Boom Quintet mené par Daniel Humair était hier soir dans les Arènes de Montmartre dans le cadre de Paris quartier d'été pour un fantastique concert. J'avais déjà pu voir le groupe en 2003, au moment où il s'était formé, et j'avais déjà beaucoup apprécié le concert. Mais hier c'était encore mieux que dans mon souvenir, comme si la musique était encore plus incarnée, plus dansante, avec un véritable son de groupe au-delà des fortes individualités qui le composent. Car ce groupe s'appuie véritablement sur quelques figures majeures de la jeune garde du jazz hexagonal : Matthieu Donarier (saxes ténor et soprano), Christophe Monniot (saxes baryton, alto et sopranino), Manu Codjia (guitare) et Sébastien Boisseau (contrebasse).
A l'origine, il y a deux ans, les styles respectifs des deux saxophonistes étaient en tous points opposés. D'un côté Monniot, bouillonnant, amuseur, loufoque, excité. De l'autre Donarier, calme, timide, souple, mélodieux. S'ils ont chacun conservé leur caractère propre, Monniot est un peu moins clownesque dans son personnage mais encore plus facétieux dans sa musique, tandis que Donarier est plus expressif, dansant en même temps que son sax, mais toujours aussi souple dans ses sonorités, comme j'avais déjà pu le constater lors de son récent splendide concert en trio aux Trois Frères. Seuls ou en duo, ils sont les fers de lance lumineux de ce quintet supersonique.
Sur le côté gauche de la scène hier, il y avait un autre phénomène de la jeune génération du jazz français : Manu Codjia. J'en ai déjà parlé à de nombreuses reprises (et pour cause, c'est l'un des musiciens que je vois le plus souvent en concert), mais je ne peux m'empêcher de souligner une nouvelle fois son talent félin. Écouter les notes sortir de la guitare de Codjia pour s'envoler dans la nuit parisienne alors que ses compères se sont tus un instant a quelque chose d'absolument magique, il faut dire. Les habitants de l'immeuble d'en face n'y étaient visiblement pas insensibles, vus que certains étaient montés sur le toit pour profiter du concert, un verre de vin à la main. Il y en a qui ne s'embêtent pas (quoi, moi, jaloux ?).
Les trois larrons font beaucoup pour la réussite de ce groupe. Daniel Humair les a recrutés à leur sortie du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, endroit où il était leur professeur. Depuis quelques années le CNSMP est devenu le véritable vivier du jazz hexagonal. Je ne sais pas trop ce qu'on leur enseigne là-bas, mais visiblement ce n'est pas du formatage. Chacun développe son propre discours, original, sans chercher à copier les grands anciens. Précieux.
Le groupe a joué des compositions d'un peu chacun de ses membres. Du leader bien sûr, mais aussi de Sébastien Boisseau (le beau U Maleho Pablo), de Matthieu Donarier (le délicieux Saveur Exquise) ou encore de Christophe Monniot (la très dansante Bourrée des Mariés). Des thèmes présents sur leur disque intitulé Baby Boom (Sketch, 2003), mais aussi quelques nouveautés. A chaque fois la répartition entre jeu collectif, solos, duos, trios est absolument parfaite, toujours là pour surprendre et susciter l'attention la plus dévouée. Et, surtout, rien n'est systématique, tout se fait selon l'humeur du moment. La gamme quasi complète des saxos (du sopranino au baryton) joués par Donarier et Monniot permet elle aussi de varier avec bonheur les sonorités. On se laisse ainsi entraîner par le tourbillonnant jeu de Monniot à l'alto, le son puissant de Donarier au ténor, l'espièglerie de Monniot au sopranino, et ainsi de suite. Sans oublier bien sûr la classe rythmique exemplaire de Humair derrière sa batterie. Ce n'est pas un grand pour rien.
Le concert s'est achevé sur une reprise du joyeux Cd-Rom de Bojan Z. Un thème qui colle parfaitement à l'approche très fellinienne de Donarier et Monniot, respectivement au soprano et au sopranino. Une sorte de 8 1/2 cirquo-balkanico-jazz au plaisir communicatif.
Pour le rappel, ils ont continué dans les reprises, allant les chercher outre-atlantique cette fois-ci, avec un mélodieux Mood Indigo (Ellington) enchaîné avec un tonitruant Boogie Stop Shuffle (Mingus). Un peu à la manière du merveilleux rappel lors du concert du Matthieu Donarier Trio évoqué plus haut (un A Night in Tunisia échevelé qui résonne encore dans ma tête), ils ont ainsi démontré leur attachement non-aliénant au riche héritage afro-américain. Pas de doute, le Baby Boom Quintet est un grand groupe de jazz. Souhaitons lui longue vie !
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