vendredi 3 août 2018

Highsmith Trio @ Fundação Calouste Gulbenkian, jeudi 2 août 2018

Le festival fait un pas de côté en ce jeudi soir. La musique proposée n’est en effet pas signée John Zorn. On reste toutefois en famille avec un trio composé d’Ikue Mori au laptop, Craig Taborn au piano et Jim Black à la batterie. Comme ce dernier l’annonce en début de concert, il s’agit de « compositions spontanées ». Pendant un peu plus d’une heure, les trois déploient ainsi des explorations soniques tout d’abord pointillistes, puis qui gagnent en densité au fur et à mesure du concert. Le registre des interventions d’Ikue Mori est un peu plus large qu’à l’accoutumée. Si on retrouve les sonorités aquatiques qui font sa marque de fabrique, on entend également au cours du concert comme des échos de R2D2 ou d’une soufflerie. Jim Black adopte tout d’abord une approche coloriste, soulignant de frappes éparses sur les cymbales telle phrase ou agitant des clochettes comme pour ponctuer le discours de ses compagnons. Il s’autorise ensuite quelques interventions plus straight, mais rarement déployées dans la durée. Les climats parcourus semblent en effet constamment changeants. Pour l’occasion Craig Taborn traite son piano comme d’un instrument à percussion, complétant une démarche très centrée sur l’exploration des possibilités rythmiques. Si l’instrumentation et la présence d’Ikue Mori pourraient faire penser à Mephista (le trio qu’Ikue Mori forme avec Sylvie Courvoisier et Susie Ibarra), la musique de ce soir n’en propose que de lointains échos. Moins poétique, plus improvisée sans doute, il s’agit avant tout de saisir l’instant, éphémère par nature. Taborn sait se faire liquide, comme une soudaine averse inondant à toute vitesse les aigus du piano, puis dans l’instant d’après faire gronder un orage sourd sur un rythme obsédant dans les graves, le tout ponctué de parcimonieux pincements de cordes comme si une harpe champêtre s’était glissée dans le tableau. Le trio propose ainsi quatre suites, plus un rappel, qui semblent plus faire un tout que des morceaux singuliers. A la fin du premier, alors que le silence s’installe, le public ne sait d’ailleurs pas si c’est le moment d’applaudir. Jim Black ne laisse pas la place au doute, et décide d’enchaîner, évitant ce moment de flottement.

Il s’agissait du dernier concert du festival auquel j’assistais, mais celui-ci se poursuit jusqu’à dimanche, avec notamment Craig Taborn en solo et le trio de Brian Marsella sur des Bagatelles samedi soir. Pour ma part, j’étais particulièrement content de pouvoir entendre la confrontation de l’univers de Zorn à des musiciennes grandement appréciées par ailleurs, Mary Halvorson, Barbara Hannigan et Kris Davis. Je ne fus pas déçu.

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