La musique, très écrite, se déploie en une longue suite au sein de laquelle différentes cellules rythmiques et mélodiques s'agrègent. Il en transpire une grande originalité, servie par des confrontations d'instruments inédites. L'ouverture du concert est en cela exemplaire. Ian Antonio frappe ses bongos avec des baguettes pour produire un rythme répétitif qui lorgne du côté des compositeurs minimalistes. Jim Black intervient en complément d'une unique frappe sèche toutes les dix secondes comme pour créer une dramaturgie qui nous laisse dans l'expectative de ce qui va suivre. Une fois ce motif rythmique bien installé, les autres instruments (cuivres, cordes, piano) sonnent à l'unisson dans un lent crescendo qui prend le temps de se déployer dans la durée.
Ascensor de Bica, dans le Bairro Alto |
L'écriture rescelle une certaine complexité, et une seule écoute ne suffit sans doute pas à en percevoir toutes les richesses. On y rencontre en effet de multiples combinaisons sonores, de solos en tutti en passant par des rencontres inédites d'instruments, sans oublier une forte dose d'électronique et de distorsion des sons à travers diverses pédales d'effet. On remarque une certaine constance au dédoublement des rôles : guitare et contrebasse jouées de concert à l'archet ; percussions et piano dans un rôle très rythmique, là encore inspiré de l'école minimaliste. Les résonances avec la musique contemporaine sont fortes, même si on retrouve un sens du rythme et un goût de la surprise plus directement issus du jazz.
Le rappel nous laisse un souvenir particulièrement fort. Rassemblés sur la gauche de la scène, les quatre cuivres (deux trompettes, tuba, euphonium) oscillent entre majestueux unissons et échappées solitaires très expressives et font face à une cellule rythmique (batterie, percussions, guitare, électronique) extrêmement dense sur la droite. Brandon Seabrock semble alors possédé, tirant des sonorités sataniques de sa guitare tandis que son corps est pris de spasmes inquiétants. Le contraste avec la sérénité dégagée par les cuivres est saisissant.
Au final, on fait face à une vraie découverte, assez éloignée de ce qu'on a déjà eu l'occasion d'entendre de la part de Peter Evans, et on repart avec la sensation qu'il existe toujours et encore des horizons inexplorés en musique, écrite comme improvisée, et ce n'est pas le moindre des mérites de ce concert.
A lire ailleurs : Philippe Méziat.
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