En effet, Mary Halvorson étire les morceaux pour laisser plus de place à l'improvisation, aux digressions et à de nombreux solos des uns et des autres. Le jeu sur les vitesses est particulièrement illustré par les deux souffleurs. Jonathan Finlayson dilate le temps, ralentit le tempo, quand Jon Irabagon l'accélère, densifie le propos. Horizontalité contre verticalité, trompette contre saxophone, le refrain est connu, mais Halvorson le pousse ici dans ses limites. L'un des premiers solos de Finlayson - sans support de la rythmique - fleurte alors avec le silence. Au sein de la nuit lisboète, il installe progressivement un discours particulièrement solaire où se mêlent un goût pour les belles architectures, un attachement profond à la justesse du son et une science rythmique affirmée, et raffinée. On entend alors toutes ses années passées à fréquenter Steve Coleman. Son intervention évoque fortement les propres solos de l'altiste dans sa construction.
Igreja Santa Luzia, dans l'Alfama |
Si la plupart des morceaux joués correspondent à du matériel déjà enregistré, Mary Halvorson nous propose aussi quelques compositions inédites. Je retiens particulièrement la numéro 42 (à l'instar de Braxton, la guitariste numérote ses compositions). Après une introduction à l'unisson des deux vents, Halvorson s'éloigne de son jeu en clair-obscur pour développer une approche rock très directe, servie par des riffs puissants et réguliers, et donner ainsi beaucoup de dynamisme au morceau. Intéressant de la voir élargir ainsi le registre de ce groupe - en tirant profit de ses multiples autres collaborations qui dépassent très largement le cadre du jazz, dans lequel se groupe reste ancré malgré tout.
Ce qui semble néanmoins un peu manquer à ce groupe, c'est une implication de tous les instants dans l'échange avec le public, pourtant nombreux et enthousiaste - et sans doute connaisseur vu la réputation d'exigence du festival. Rien à redire à propos de John Hébert, véritable pilier du groupe et à l'attitude toujours attentive, même quand il n'intervient pas. Il m'a semblé que c'était moins le cas de Ches Smith, pour le moins désinvolte à de nombreuses reprises (allongé par terre ou un genou sur la batterie en attendant que ça passe), ou de Jonathan Finlayson qui semblait parfois l'air un peu ailleurs (mais peut-être est-ce sa façon à lui de rester concentré). Pas de conséquence sur la musique, donc rien de primordial, mais comme une vague impression laissée d'une trop forte dose de nonchalance qui finit par entraver quelque peu la transmission de la musique. Dommage, parce que pour ce qui est de celle-ci, elle est excellente.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire