dimanche 18 août 2019

Mary Halvorson - Code Girl @ Fundação Calouste Gulbenkian, dimanche 11 août 2019

Le festival s'achève par le dernier né des projets menés par Mary Halvorson. Si elle a longtemps développé ses groupes à partir de la cellule-souche de son trio avec John Hébert et Ches Smith (trio, puis quintet, puis septet, et enfin octet), ce nouvel ensemble part d'un autre trio : celui qu'elle forme avec Michael Formanek (cb) et Tomas Fujiwara (dms), et qui a déjà enregistré plusieurs albums sous le nom de Thumbscrew. Alors que six musiciens sont présents sur scène, seuls les trois membres du trio de base jouent ainsi continuellement. Les trois autres interviennent de manière parcimonieuse, souvent comme solistes, parfois comme voix mélodiques dédoublées.

Sur la gauche de la scène, on retrouve la chanteuse Amirtha Kidambi. Elle est l'autre élément essentiel de ce groupe. Tout d'abord parce qu'il s'agit d'un projet articulé autour de chansons. Ensuite parce que sa voix si particulière définit la sonorité de l'ensemble. Je l'avais vue au sein du groupe Seaven Teares à Wels en 2017 (festival dont Mary Halvorson était la curatrice), mais j'étais resté assez dubitatif face à la musique proposée, il est vrai plus à cause de l'autre chanteur du groupe que d'elle. Je retrouve néanmoins cette dimension fortement théâtrale de la voix qui m'avait géné il y a deux ans. Au cours d'une même phrase, la voix de Kidambi prend ainsi tour à tour des accents folk, jazz, cabaret, opératique... il faut ainsi un petit temps d'adaptation pour saisir le sens de la démarche. Elle me fait - dans certains passages - un peu penser à ce que Jen Shyu pouvait développer auprès de Steve Coleman, une technique vocale hors des cadres préétablis, capable de développer un discours soliste parallèle aux instrumentistes. Du coup, elle prend beaucoup plus de place que les deux autres "voix" solistes dans la construction des morceaux : Adam O'Farill à la trompette et Maria Grand au sax ténor et au chant. Ils semblent tous les deux plus là comme des voix secondaires - que Maria Grand accompagne Amirtha Kidambi au chant, ou que sax et trompette assument le discours mélodique.



La jeune saxophoniste, découverte elle aussi auprès de Steve Coleman, a néanmoins droit à deux morceaux en soliste, l'un au sax, l'autre au chant, dans lesquels elle déploie une approche plus en retenue, qui donne une sorte de fragilité contrôlée, comme en dentelle, à la musique. Sans doute mes moments préférés du concert, avec les passages ou seul le trio Halvorson, Formanek, Fujiwara intervient.

Si Amirtha Kidambi est la voix qui donne leur relief aux compositions, on reconnait aisément la griffe Halvorson dans les mélodies proposées (musique et paroles sont d'elle). L'écriture fait ainsi fortement penser au duo qu'elle formait avec Jessica Pavone, et qui s'aventurait sur un terrain avant-folk souvent au service d'un format "chanson" (les deux poussaient de la voix). On retrouve ainsi ces mêmes mélodies acidulées, d'apparence bancale, qui semblent avancer en claudiquant, mais à l'indéniable pouvoir de séduction. Pour l'occasion, Mary Halvorson précise qu'il s'agit d'un tout nouveau répertoire, joué pour la première fois en concert, différent des morceaux enregistrés sur le premier disque du groupe (au format quintet, avec Ambrose Akinmusire à la trompette). De quoi annoncer de nouveaux développements pour ce projet encore assez récent.

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