L'association Grimm - Preljocaj - Mahler - Gaultier fait de ce Blanche Neige un succès quasiment couru d'avance. Ma curiosité, plus centrée sur la relation Preljocaj / Mahler il est vrai, m'a conduit à aller vérifier si cela était justifié.
La trame du récit - car c'est un spectacle clairement narratif - s'éloigne assez peu du conte des frères Grimm. On reste donc à distance de l'univers de Walt Disney. Les tableaux se succèdent, de la naissance de Blanche Neige au supplice de la belle mère, et narrent l'histoire dans son intégralité. Toute la première partie relate ainsi la vie à la cour, où Blanche Neige attend une demande en mariage aux côtés de son père adoptif de roi. Gentes dames et damoiseaux se frôlent, éveillent leur sens au contact de l'autre, sous le regard amusé de Blanche Neige. Le langage des danses de couple est assez typique du style Preljocaj, mélange de grâce mutine et de gestes sportifs plus affirmés. La musique - des extraits des symphonies de Mahler tout au long du spectacle - résonne des valses et autres danses de salon maltraitées par le compositeur autrichien. La distance toujours un peu ironique maintenue par Mahler dans son traitement des matériaux populaires accentue la galanterie un peu vaine des danseurs enamourachés.
Subitement, le deuxième mouvement de la cinquième symphonie, Stürmisch bewegt, retentit. La reine - la belle mère de Blanche Neige - apparaît affublée de deux chats. Elle est toute habillée de noire, avec juste un liseré rouge sur le bas de la robe. Corset métallique et porte-jarretelles apparents font de son costume l'un des rares un peu loufoques du spectacle. La véhémence de la musique colle parfaitement au numéro tout en charmes et venin de la belle mère. S'ensuit une longue errance de Blanche Neige dans la forêt, les fameux appels au beau miroir de la reine et, enfin, l'apparition des nains.
Le traitement musical - le troisième mouvement de la première - est ici parfait. Descendant en rappel le long d'une paroi rocheuse, les sept mineurs trouvent un écho juste ce qu'il faut distancié dans le côté feierlich und gemessen du mouvement. Le rythme chaloupé de Frère Jacques comme la clarinette klezmer joueuse en font un passage particulièrement réjouissant, avec une danse à la verticale pleine d'allégresse. On se surprend même à trouver un écho pas si lointain entre Mahler et le On rentre du boulot de Walt Disney.
Autre passage célèbre entre tous, la mort de Blanche Neige et sa résurrection par le baiser du prince. La déception première liée à l'évidence un peu trop forte de l'utilisation de l'adagietto de la cinquième pour ce passage disparaît rapidement devant le magnifique traitement chorégraphique du récit. Du point de vue de la danse, c'est sans doute le plus beau moment du spectacle. Le mélange d'espoirs et de lamentations du prince charmant trouve une expression physique prodigieuse. Les deux se mêlent face aux (absences de) réactions de la belle endormie. Une nouvelle fois, Preljocaj fait montre de son talent dans la danse de couple, avec un corps en apparence inanimé mais qui demande beaucoup de technique pour couler ses mouvements dans les soubresauts du prince. Magnifique tension entre rigidité et souplesse.
Ces deux passages - l'apparition des nains et le réveil de Blanche Neige - sont les points culminants du spectacle. Humour d'un côté, romantisme de l'autre : une belle illustration de la musique de Mahler. Entre parodie, goût du grotesque, projection du trivial dans la tradition, et anoblissement des formes populaires, inscription dans la tradition et place laissée aux sentiments. La plus grande réussite de Preljocaj, c'est sans doute d'avoir su utiliser ce conte très (trop) populaire comme déclaration d'amour à la musique du compositeur autrichien.
A lire ailleurs : Paris-Broadway.
Samo Salamon - Sunday Interview
Il y a 8 heures
1 commentaire:
Pour ceux qui souhaitent revoir ce magnifique ballet au cinéma et en DVD, venez soutenir le projet le Preljocaj sur le site touscoprod: http://www.touscoprod.com/pages/projet/fiche.php?s_id=5143&s_wbg_menu=4
On peut également offrir des parts de co-production sur le film. Un cadeau original pour les fêtes qui approchent à grands pas!
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