J'avais beaucoup aimé le concert de Renata Rosa dans le cadre de Banlieues Bleues en avril dernier, j'ai donc profité de l'enregistrement d'un DVD live au Café de la Danse hier soir pour aller la revoir. La soirée organisée par le label Outro Brasil proposait en fait deux concerts, puisqu'avant Renata Rosa se produisait un autre chanteur nordestin, Silverio Pessoa.
Avec son look christique, Silverio Pessoa a une présence assez forte sur scène. Verbe alerte, il déclame ses textes sur fond de forro traditionnel ou modernisé. Accordéon, cavaquinho (avec pédale d'effets, c'est la première fois que je vois ça), guitare, basse et percussions l'accompagnent pour une musique très énergique et dansante. S'il part du forro traditionnel, Silverio Pessoa n'hésite cependant pas à intégrer quelques touches plus modernes à l'aide d'un sampler ou d'effets électriques sur le cavaquinho et la guitare. Cela donne une sorte de funk organique, au rythme entêtant et tournoyant. A la fois dans la continuité de Luiz Gonzaga et Jackson do Pandeiro, cousin de Naçao Zumbi et Mestre Ambrosio, et nourri des rythmes urbains nord-américains, Silverio Pessoa donne à entendre une musique ancrée dans la terre nordestine et les champs de canne à sucre du Pernambouc, mais qui résonne comme bien plus actuelle que la musique fabriquée au kilomètre aussi vite démodée qu'elle n'est produite.
Après une petite pause, le groupe de Renata Rosa prend place sur scène. C'est la même formation que celle que j'avais pu voir il y a six mois : trois percusionnistes, un bassiste, un guitariste, Seu Luiz Paixao au rabeca (violon rural traditionnel) et Renata Rosa au chant et au rabeca également. Même si musicalement on en est à mille lieux, Renata Rosa m'évoque les plus beaux chants gitans. Elle arbore constamment un grand sourire, mais son chant arrive à communiquer simultanément des émotions très contradictoires et pourtant extrêmement fortes, de la joie la plus éclatante à la douleur la plus déchirante. Son magnétisme a quelque chose de très proche des grands cantaor flamenco. Sa voix pure, puissante, cristalline se fait particulièrement envoûtante dans les contextes les plus dépouillés, a capella ou juste soutenue par les percussions. On touche alors du doigt le caractère rituel présent dans les rythmes ruraux nordestins qu'elle remet au goût du jour. Elle possède en fait un magnétisme tout chamatique. L'hypnose rythmique et les stridences du rabeca produits par sa musique accentuent le caractère extériorisant de celle-ci. L'esprit s'en va flotter ailleurs quand on l'écoute. On ne s'appartient plus. Et c'est très agréable.
William Parker & Ellen Christi - Cereal Music (AUM Fidelity, 2024)
Il y a 15 heures
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