Vue hier, l'exposition Brésil, l'héritage africain au Musée Dapper. Le concept est simple, mais également assez rare pour qu'on y porte attention : montrer les liens entre cultures africaines et afro-brésilienne, du XVIe siècle à la période contemporaine.
Le Brésil fut le pays du Nouveau Monde qui accueilla le plus d'esclaves africains à l'époque de la traîte négrière. On retrouve donc sous diverses formes des éléments venus d'Afrique dans des objets fabriqués au Brésil par des esclaves ou des noirs affranchis. L'exposition se concentre sur trois ensembles culturels africains distincts : la culture yoruba (actuel Nigéria), les cultures fon et ewe (Togo, Bénin) et la culture bantu (Congo, Angola). Ces ethnies ont été parmi les plus déportées de l'autre côté de l'Atlantique, il n'est donc pas étonnant qu'on trouve de nombreuses correspondances, notamment dans les objets magico-religieux. C'est en effet à travers les objets liés au candomblé, religion syncrétique afro-brésilienne dans la même veine que le vaudou en Haïti ou la santeria à Cuba, que la proximité est la plus évidente. Le Shango yoruba (à gauche sur la photo) et le Xango brésilien (à droite) sont des cousins à peine éloignés. Le culte des orixas au Brésil (orishas à Cuba), se rapproche de celui des esprits dans les religions africaines traditionnelles. Jusque dans la symbolique. La hâche présente sur la tête de Xango/Shango - le dieu du feu - se retrouve des deux côtés de l'océan. Il en va de même pour les autres orixas.
Il y a cependant quelques particularités liées au contexte brésilien qui sont également présentées, comme le culte des saints catholiques noirs ou l'assimilation progressive des orixas et des saints, qui permettait aux esclaves de pratiquer simultanément la religion du Portugais et celle de leurs ancêtres. Une collection de statues de saints, d'ex-voto, d'oratoires et d'autels cherche ainsi à mettre en valeur les éléments africains qui se retrouvent jusque dans la décoration d'objets d'origine européenne. S'il n'y a pas toujours de correspondance pratique entre objets brésiliens et africains, des référents symboliques subsistent, et l'exposition permet justement de faire la part de l'un et de l'autre.
L'exposition propose également quelques oeuvres d'artistes contemporains qui s'inspirent directement de la culture syncrétique afro-brésilienne. La proximité d'objets plus anciens permet de mieux saisir le sens d'oeuvres qui pourraient paraître à première vue comme des oeuvres abstraites dans la tradition occidentale (mais on sait l'influence des arts africains sur les avant-gardes du début du XXe siècle, ce n'est donc qu'un juste retour des choses). Si elle n'est pas très grande (une petite heure suffit à en faire le tour), cette exposition a le mérite d'être la première sur ce thème organisée en France, dans le cadre de l'année du Brésil évidemment. De quoi illustrer et creuser un peu des éléments que l'on ne connaît souvent que de manière superficielle.
Brésil, l'héritage africain, Musée Dapper, jusqu'au 26 mars 2006
William Parker & Ellen Christi - Cereal Music (AUM Fidelity, 2024)
Il y a 15 heures
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire