lundi 20 décembre 2004

Top 2004 - N°5 - The Fred Hersch Trio +2

Il arrive que l'on découvre des musiciens un peu par hasard et que la sensation qu'ils procurent nous fasse regretter de ne pas les avoir rencontrés plus tôt. C'est ce qui s'est produit avec le pianiste Fred Hersch en ce qui me concerne. J'ignorais jusqu'à son existence jusqu'à cet été - alors qu'il a pourtant déjà publié une vingtaine de disques en tant que leader. C'est en fouillant dans les bacs d'un disquaire francfortois que je suis tombé sur un disque Palmetto (excellent label indépendant US) à la belle pochette, mais surtout avec un casting de sidemen impressionnant qui m'a décidé à acheter le disque alors que je ne connaissais pas son auteur. Déjà, la section rythmique est certainement ce qu'on fait de mieux actuellement à New York : Drew Gress à la contrebasse et Nasheet Waits à la batterie. Ils sont les pierres angulaires du trio de Fred Hersch. Mais pour ce disque, le trio s'est vu ajouter deux soufflants, et pas n'importe lesquels : le trompettiste Ralph Alessi et le saxophoniste ténor Tony Malaby. Alessi est bien connu des fans de Steve Coleman dont il fut quelques temps le sideman. Il est aussi l'auteur du premier concert que j'ai eu l'occasion de voir cette année, en janvier dernier. Malaby, lui, est sans doute ma plus belle découverte de l'année 2003, entendu un soir au Sunside alors que je ne l'avais jamais entendu auparavant. Sa capacité incroyable à jouer constamment sur le fil du rasoir entre free et mélodie et le son de son sax quelque part au croisement de la suavité de Stan Getz, de l'énergie de Sonny Rollins et du goût pour l'inattendu d'Ornette Coleman, en font certainement l'un des musiciens américains les plus intéressants du moment sur l'instrument.

Mais, plus belle des surprises, le disque ne se résume pas à ses sidemen de grand luxe. Le leader est un musicien tout aussi essentiel, adepte de l'élégance mélodique, au toucher délicat, jouant parfaitement sur les nuances et les timbres pour varier les impressions, définissant au final un lyrisme pudique, sans esbrouffe aucune. Pas le genre de musicien virtuose à fatiguer par sa technique parfaite, plutôt du genre à mettre son talent instrumental au service de sa sensibilité. Et si Hersch brille en tant que pianiste, il est aussi un remarquable "metteur en son" de ses sidemen. La complémentarité des deux cuivres fait merveille d'un bout à l'autre, soulignant avec délicatesse la fine écriture du leader qui signe neuf des dix thèmes du disque, le dixième étant une reprise de "And I love her" des Beatles. La très grande classe.

The Fred Hersch Trio +2, Palmetto Records, 2004

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