Après Texier, Romano. On reste en famille. Dans ce disque, le batteur italien investit le cadre tant de fois visité du trio piano-contrebasse-batterie avec Rémi Vignolo et Danilo Rea. On a beau avoir déjà entendu des disques innombrables dans cette formule, dont certains très bons, celui-ci retient particulièrement l'attention. Il possède en effet quelque chose que la plupart des autres n'ont pas. Déjà, il n'est pas signé du pianiste, mais du batteur. C'est assez rare pour être souligné. On pourrait alors s'attendre à un disque insistant sur les rythmes, mais ce sont les mélodies d'une beauté à couper le souffle qui emportent immédiatement l'adhésion. Rien de bien surprenant pour qui connaît le talent d'Aldo Romano dans ce domaine, mais le charme opère de manière peut-être encore plus intense qu'à l'accoutumée.
On retrouve avec plaisir le tendre lyrisme à l'italienne du batteur tout en découvrant un pianiste qui possède dans ses doigts toute l'histoire du jazz moderne. Le morceau qui ouvre le disque, "Abruzzi", met bien en lumière d'entrée de jeu la riche palette stylistique de Danilo Rea, allant d'un art consommé de la ballade à un déferlement de notes taylorien, oscillant constamment entre douceur et énergie. Le morceau suivant, "Ghost Spell", fait immanquablement penser à un autre grand nom du piano contemporain : Bojan Zulfikarpasic. On jurerait que l'esprit du Bosniaque joue à travers les doigts de l'Italien. Evoquer Bojan Z nous conduit nécessairement à parler du troisième membre du trio, le contrebassiste Rémi Vignolo. Même si le piano s'attribue, par nécessité quasi "technique", le premier rôle dans ce disque, Vignolo n'est pas en reste, confirmant ce que j'ai déjà eu la chance d'observer de nombreuses fois sur scène (dont cette année aux côtés de Bojan Z, André Ceccarelli ou encore Aldo Romano), à savoir qu'il a une capacité inouie à choisir la note juste, à tirer un son délicieusement boisé et rond de son instrument, proposant véritablement un discours particulier, pas uniquement au service du soliste, même s'il sait évidemment faire.
L'émotion est également au rendez-vous quand on lit le titre de certains morceaux : "Blues for Nougaro" (qu'Aldo Romano a souvent accompagné), "Manda" (du nom du personnage joué par Serge Reggiani dans Casque d'or) ou encore "Paradise for Mickey"(en hommage à Michel Graillier).
Avec tout ça on en oublierait presque de souligner le jeu d'Aldo Romano-batteur. Et pourtant, la ponctuation rythmique qu'il apporte - un leader se mettant à un tel point au service de ses sidemen est chose rare - sonne toujours parfaitement juste et appropriée, ne tirant jamais la couverture à lui. N'ayant, il est vrai, plus grand chose à prouver, il peut se permettre le luxe de nous faire découvrir dans tout son talent son jeune compatriote pianiste. Ne reste plus alors qu'à savourer encore et encore les fines mélodies qui s'enchaînent inlassablement sur la chaine hi-fi et dans la mémoire.
Aldo Romano : Threesome, Universal Music, 2004
Two organ duets
Il y a 4 heures
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