Vendredi soir, la Dynamo accueillait une soirée co-organisée par le Tricollectif et BMC Records. Deux groupes issus du collectif orléanais dont les récents disques ont été publiés par le label budapestois se succédaient ainsi dans la salle de Banlieues Bleues, à Pantin. Tout d'abord, le trio Fur, composé d'Hélène Duret à la clarinette et à la clarinette basse, Benjamin Sauzereau à la guitare et Maxime Rouayroux à la batterie. Puis Bonbon Flamme, quartet européen qui rassemble autour de Valentin Ceccaldi (violoncelle) et Etienne Ziemniak (batterie), le guitariste portugais Luis Lopes (dont j'aime beaucoup le Humanization 4tet, dont le 5e album, Saarbrücken, vient de sortir chez Clean Feed), et le claviériste néerlandais Fulco Ottervanger.
Le premier set a commencé par des morceaux à l'atmosphère assez statique, avec peu de variations, jouant plus sur les nuances timbrales que sur l'articulation d'un véritable discours mélodique. Les vibrations du souffle d'Hélène Duret dans la clarinette basse entraient en résonnance avec les zébrures retenues de la guitare de Benjamin Sauzereau, tandis que Maxime Rouyaroux déployait une approche de percussionniste plutôt que de pur batteur. Après deux morceaux destinés à installer ce climat tempéré, le discours s'est peu à peu densifié, Hélène Duret passant à la clarinette pour déployer un chant plus immédiatement mélodique, alors que guitare et batterie accentuaient les angles rythmiques. Il y a dans cette musique comme des échos de ce que pouvait proposer le Rockingchair de Sylvain Rifflet, à l'instrumentation certes plus fournie (en quintet), mais que l'alliance des sonorités de la clarinette, de la guitare électrique et de la batterie évoque de-ci de-là. De lointains échos d'AlasNoAxis, le groupe de Jim Black, aussi, dans un entre-deux pas forcément bien précis, entre jazz, pop et post-rock, qui repose plus sur l'installation de climats subtilement changeants que sur des contrastes trop appuyés. Le concert s'achève néanmoins sur une belle mise en tension au rythme frénétique, comme une annonce de l'orage qui allait suivre avec le deuxième set.
Bonbon Flamme ne fait en effet pas dans la délicatesse. Ils dressent vite un mur du son extrêment dense où le violoncelle vrombit, les riffs de guitare s'entrechoquent avec les accords de synthé déglingués, et la batterie entraîne le tout à toute vitesse. Bruitiste, free et rock tout à la fois, la musique nous prend à la gorge. Mais elle n'oublie cependant pas d'être dansante à l'occasion, avec un rythme de cumbia concassé sous l'assaut de la guitare de Luis Lopes ou un ragtime de Scott Joplin attaqué façon punk. Ce concert était l'occasion de célébrer la sortie de leur deuxième disque, Calaveras y Boom Boom Chupitos (BMC Records, 2025), dont le titre fait écho à un folklore mexicain revisité façon kitsch, têtes de mort et shot d'alcool fort. La pochette du disque, qui était distribué gratuitement au public, ainsi que celui de Fur, à l'entracte, laisse apparaître un énorme citron vert muni d'un mèche de grenade en train de se consummer : cela résume bien la musique de Bonbon Flamme, un kitsch exotique ravalé par des musiciens qui savent faire du bruit, mais qui le font avec le sérieux nécessaire à créer une oeuvre vraiment cohérente, au-delà des ingrédients divers qu'ils intègrent à leur recette. Ils savent aussi varier les climats, jouer sur les différents niveaux de tension au cours du concert, afin de maintenir notre sens de l'ouïe en alerte constante. Il y a toujours une surprise à découvrir, un élément hors cadre qui permet d'aller au-delà du kitsch de façade. C'est du coup très convaincant.
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