Retrouvailles avec John Zorn, un mois à peine après l'avoir vu trois soirs de suite à Lisbonne dans le cadre de Jazz em Agosto. Format différent pour Jazz à la Villette, avec cette fois-ci trois riches parties qui s'enchaînent, de 16h à 1h du matin, avec quelques pauses heureuses pour éviter l'indigestion.
La salle des concerts de la Cité de la Musique accueille à 16h la première partie, centrée sur les compositions de musique contemporaine de Zorn. Trois pièces récentes, dont deux encore inédites au disque, sont présentées. Illuminations, The Holy Visions et The Alchemist, les titres de ces œuvres en disent long sur les préoccupations actuelles de Zorn, entre occultisme, mysticisme et magie. Le concert commence par un trio piano-contrebasse-batterie qui mêle l'écrit - pour le piano - et l'improvisé - pour la section rythmique. Parue sur son disque en hommage à Rimbaud (l'une de ses meilleures productions récentes, avec Interzone, à mon goût), cette pièce fascine par cette tension maintenue de bout en bout entre une écriture contemporaine dynamique, servie par le piano de Stephen Gosling, et une rythmique libre qui puise délibérément dans un vocabulaire jazz. Trevor Dunn (cb) et Kenny Wollesen (dms) accentuent ainsi, par l'énergie qu'ils dégagent, les surprises préméditées de la partition en leur rendant une dose de spontanéité. On retrouve alors, éclairée sous un angle inédit, une des préoccupations principales de l’œuvre de Zorn depuis ses game
pieces : comment composer à partir du geste improvisé.
La deuxième pièce entre en résonance avec des préoccupations plus récentes du New Yorkais. A l'instar de ce qu'on a pu entendre autour du Cantique des Cantiques ou sur le volume XXII des Filmworks, The Holy Visions mettent en valeur cinq voix féminines, a cappella. Nouveauté toutefois, cette fois-ci des paroles articulées - en latin - surgissent au milieu des subtiles harmonies empruntant aussi bien au madrigal Renaissance qu'aux polyphonies d'Afrique centrale ou au langage du minimalisme américain. Jane Sheldon, Lisa Bielawa, Melissa Hughes, Abby Fischer et Kirsten Sollek, toutes très élégantes dans des tenues se limitant au noir et blanc, se saisissent successivement du discours. Si l'on perd un peu - par rapport aux œuvres sus-citées - le caractère hypnotique induit par l'absence de langage, on gagne en revanche en dynamisme, avec des combinaisons sonores plus variées. La composition se veut un hommage à Hildegard von Bingen, sainte catholique, religieuse bénédictine du XIIe siècle et compositrice d'un imposant corpus de chants liturgiques. Également femme de lettres, médecin et inventrice d'une langue artificielle, elle avait tout pour fasciner Zorn.
La troisième pièce au programme est un nouveau quatuor à cordes (le sixième composé par Zorn me semble-t-il) interprété pour l'occasion par le quatuor Arditti. Par rapport aux précédents essais en la matière, l'écriture s'éloigne des modèles habituels (seconde école de Vienne qui influençait fortement le précédent par exemple) et resserre le propos autour d'un langage typiquement zornien - jusqu'à introduire des inflexions parfois proche de Masada, notamment sur la fin, assez inhabituelles dans le contexte des pièces de musiques contemporaines du compositeur. Moins d'art du zapping également, le discours semble presque narratif, servi par l'interprétation au cordeau d'Irvine Arditti et des ses acolytes. Sans doute le plus beau des quatuors écrits par Zorn jusque là, par la maîtrise affirmée de son propre langage, affranchi des influences trop explicites.
Two organ duets
Il y a 3 heures
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