dimanche 5 septembre 2010

Jazzfestival Saalfelden 2010, 4e jour (1/2), dimanche 29 août 2010

Speak, Congress, 14h30

Il y a trois ans Cuong Vu, trompettiste vu avec Myra Melford le vendredi, s'est vu proposer un poste à l'université de Seattle. En quittant la foisonnante scène new yorkaise, il était inquiet de ne pas trouver sur les bords du Pacifique de musiciens partageant ses intérêts, et puis il a découvert parmi ses étudiants les quatre compères qui complètent ce groupe. C'est ainsi que Cuong Vu présente Andrew Swanson (sax), Aaron Otheim (p), Luke Bergman (b) et Chris Icasiano (dms), en prenant soin d'insister sur le caractère collectif du groupe. Il n'en est pas le leader, tout juste le plus vieux. Speak est un concept band. En effet, les cinq musiciens portent tous des chemises à carreaux en flanelle ! Au delà de l'humour potache, Speak c'est surtout une énergie et une cohésion digne d'un groupe de rock. On ne vient pas innocemment de la ville d'Hendrix et du grunge. La ville de Jim Black également, que leur musique évoque par moment. Le son du groupe voisine avec certaines productions mêlant jazz et pop-rock documentées par Chief Inspector en France (Rockingchair ou Camisetas... avec Jim Black et là aussi un goût pour les chemises improbables). Le cousinage avec Kneebody, originaire de la côte Ouest comme eux, transparaît également. Speak s'impose par la clarté des lignes et la recherche de la qualité du son, particulièrement belle à la trompette et à la basse. Il y a un côté très West Coast, loin de toute prise de tête. C'est efficace et direct.

Sylvie Courvoisier & Mark Feldman Quartet, Congress, 16h00

Après leur duo la veille, Sylvie Courvoisier et Mark Feldman partagent la grande scène du centre des congrès avec le jeune Thomas Morgan à la contrebasse (notamment entendu auprès de Steve Coleman) et le plus expérimenté Gerry Hemingway à la batterie. Le concert commence par des infrasons. Les instruments murmurent de fines sonorités comme pour prendre progressivement possession de l'espace. Le premier morceau, To Fly To Steal signé Sylvie Courvoisier, semble destiner à construire l'écoute. Tout est ici question de ponctuation et d'impressions esquissées. Le jeu avec l'espace conduit à une dilution du son dans le silence, qui est aussi une marque de fabrique de la pianiste. Le deuxième morceau, Messiaenesque, toujours de Sylvie, propose une autre vision que celle du duo la veille. Le dynamisme des couleurs du quartet évoque alors une toile expressionniste. Pulsation et chromatisme... messiaenesque mettent le feu à la toile. Les deux autres morceaux joués sont des compositions de Mark Feldman, Five Senses of Keen et The Good Life. La mélancolie est un trait toujours présent chez le violoniste. On ressent une certaine tension dans son écriture, un caractère dramatique qui fait penser aux prémices d'un orage. La place dévolue à l'improvisation est particulièrement grande. Les compositions ne sont que des prétextes, beaucoup plus que lors du duo en tout cas. Sur le dernier morceau, Gerry Hemingway vole la vedette aux autres par un solo particulièrement inventif et un dialogue avec Thomas Morgan qui renverse les rôles entre rythmique et leaders.

Led Bib

Led Bib, Congress, 17h30

Encore du rock. Encore des musiciens tout juste sortis de l'université. Cette fois-ci de celle du Middlesex, en Angleterre. La musique est plus brute de décoffrage que celle de Speak. Le son est volontiers sale avec notamment un fender rhodes saturé et deux sax alto, instrument qui peut être le plus acide et criard de la gamme des vents. La musique des cinq lascars de Led Bib est lyrique et violente. Le claviériste, Toby McLaren, se distingue particulièrement. Ses interventions sont denses et inventives dans un contexte qui pourrait facilement être trop codé. J'avais en effet quelques craintes avant le concert en découvrant les quelques lignes du programme à leur propos : encore un groupe "punk-jazz" anglais comme il en sort régulièrement, feux de paille éphémères le plus souvent inconsistants. Mes réticences sautèrent assez vites face à cette musique à l'effet purificateur, comme une rasade d'alcool fort. On sort comme essoré de ce genre de concert, épuisé mais ravi.

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