Le festival Sons d'hiver se poursuivait hier soir à la Maison des Arts de Créteil. Au programme, deux concerts bien différents : tout d'abord le quintet de Drew Gress avec lequel il a enregistré son très beau 7 Black Butterflies, suivi d'un duo inédit entre Cooper Moore et Bernard Lubat.
La première partie fut d'une grande beauté. Il est vrai qu'avec un groupe qui compte en son sein Ralph Alessi (tp), Tim Berne (as), Craig Taborn (p), Tom Rainey (dms) et Drew Gress (cb), on est en droit d'attendre beaucoup. Les espérances ne furent pas déçues. La musique, entièrement composée par Drew Gress, est magnifiquement ciselée, d'une grande finesse dans l'écriture. A cette beauté formelle s'ajoutent les qualités d'interprète des musiciens réunis qui chacun apportent une touche particulière à la musique du leader, mais sans que pour autant la musique du groupe ne sonne comme "leur" musique. Ainsi, malgré la composition du groupe, il ne s'agit pas d'une musique alla Tim Berne. La sonorité de ce groupe m'évoque un bleu acier ou l'image du feu sous la glace. On est constamment sur la ligne tangente entre mélodie élaborée et dérapage libertaire, sans jamais céder à la facilité de choisir l'un des deux modes. Ce concert a également confirmé le talent vraiment immense de Craig Taborn et Tom Rainey, ce que j'avais déjà pu apprécier en octobre dernier lors de leur passage au Sunside en trio avec - déjà - Tim Berne. Le pianiste a un sens de la tension et de la surprise vraiment développé. Il fait beaucoup pour la définition sonore du groupe. Quant au batteur, il nous a gratifié de quelques solos au roulement extrêmement prenant. Bien entendu, les deux souffleurs - dans des styles assez différents - n'étaient pas en reste, mais comme je les connais et les suis depuis plus longtemps, il y a moins d'effet de surprise les concernant. L'acidité du son d'alto de Tim Berne fait quand même toujours autant plaisir à entendre, et la vélocité des phrases de Ralph Alessi donne un contrepoint intéressant au fragile équilibre qui caractérise cette musique. Autre point fort de ce concert, le juste équilibre trouvé entre composition et improvisation. La trame était celle du récent disque du quintet, mais avec des développements inédits où les connexions au sein du groupe étaient constamment changeantes et toujours vives. Avec ce groupe, Drew Gress a élaboré un jaillissement contrôlé de toute beauté - pile-poil dans le style que j'aime le plus au sein la jazzosphère.
Que dire de la seconde partie ? Sur le papier, la rencontre entre Bernard Lubat et Cooper Moore s'annonçait insolite. Mais dans les faits, ce fut très chiant. Ou, pour le dire de manière plus diplomatique, je n'ai pas réussi à entrer dans leur univers. Certes, on sourit pendant les cinq premières minutes du concert quand Cooper Moore se met à jouer du préservatif et Bernard Lubat de la table (oui). Mais tout ce petit jeu devient vite lassant, porté sur la répétition de phrases percussives sans grand intérêt. Ils ont beau changé d'instruments (piano, batterie et une série d'instruments "faits maison"), on est plus dans le bavardage que dans le dialogue. J'ai eu le sentiment tout au long du concert que les attitudes et les systématismes l'emportaient sur le feeling et la spontanéité. Au bout de 45 minutes, j'en ai eu marre et suis parti rejoindre ma voiture. Dommage de rester sur ce sentiment de déception alors que la première partie était vraiment bien.
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