Le saxophoniste de Kneebody a beau se présenter à la tête d'un quartet acoustique à l'instrumentation des plus classiques (piano, contrebasse, batterie), il conserve ce goût du groove développé au sein du quintet électrique californien. On y retrouve son phrasé souple, délié, qui joue avec l'impression d'énergie contenue - comme retenue, entravée, sous l'étouffoir, jusqu'à la libération finale. Ses compositions sont pour la plupart un terrain de jeu propice à des crescendos rythmiques qui s'amusent des attentes du public - comme une masse mouvante, tout d'abord maîtrisée, puis qui s'écoule progressivement avant de déboucher sur une lave brulante. En deux sets généreux, le quartet de Ben Wendel (ts), soit Shai Maestro (p), Harish Raghavan (cb) et Nate Wood (dms), propose ainsi une musique entraînante et lumineuse, mais qui sait également varier les plaisirs en s'abreuvant aux sources du jazz "historique". Ainsi ces variations tissées par le bassiste au cours d'un intense solo autour du motif rythmique entêtant du
Poinciana d'Ahmad Jamal. Ainsi une relecture toute en retenue de la ballade
What are you doing the rest of your life, une composition de Michel Legrand notamment magnifiée par Peggy Lee en son temps. Mais le plus souvent, les morceaux sont signés de la plume du leader et laissent entrevoir une écriture moderne, à la lisibilité quasi pop par moment, au service du groove. Son complice de Kneebody, le batteur Nate Wood, dynamise avec aisance les thèmes déployés, dans un langage nourri d'expériences plus électriques voire électroniques (le dernier disque du quintet les voyait collaborer avec Daedelus, comparse de Flying Lotus et consorts au sein de la galaxie Brainfeeder). Le bassiste est discret, mais efficace lors de ses rares solos. Un son élastique qui apporte souplesse et espace, évitant les angles trop droits. Shai Maestro se distingue par son jeu chantant, proposant des respirations délicates au sein des compositions nerveuses, apportant un contrepoint qui enrichit la musique du leader. Ben Wendel prend un plaisir visible à proposer sa musique dans ce club - bondé pour l'occasion - posé sur les bords de la Vlatva. Il se met le public dans la poche en rappelant qu'il a épousé une Tchèque... mais qu'il sent la pression de sa belle famille présente dans la salle. Mais c'est avant tout par sa musique pleine et généreuse qu'il convainc.
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