Double concert autour du groupe Thôt hier soir au Point Ephémère. Pour commencer, le quartet invitait Magic Malik. Le groupe n'a joué qu'un morceau, mais qui a duré une heure. Une longue suite, typique du style Thôt, à la progression sinueuse, faussement répétitive, avec une ligne de basse qui sert de point d'ancrage au discours hachuré de la guitare de Gilles Coronado et du sax alto de Stéphane Payen. Thôt, c'est d'abord une rythmique à toute épreuve, qui a développé un sens certain du groove. Christophe Lavergne à la batterie et Hubert Dupont à la basse sont la base solide, lourde et puissante à partir de laquelle les trois solistes s'amusent à perturber le discours linéaire développé par la section rythmique. Les envolées de Malik à la flûte, la fureur de Payen au sax et le jeu tout en brisures de Coronado à la guitare, font voyager l'auditeur vers des terres musicales très contrastées : énergie rock, légèreté jazz, efficacité funk, motifs indiens... Influencé au départ par les expériences de Steve Coleman ou d'Aka Moon, Thôt a depuis développé un style personnel très nerveux. Si la tête à tendance à suivre le rythme répétitif et obsédant de la basse - à la dimension hypnotique indéniable - le corps prend un plaisir quasi masochiste à tenter de suivre le discours chaotique de la guitare de Coronado. On sort d'un concert de Thôt toujours un peu épuisé ! La présence malicieuse de Magic Malik hier soir a toutefois permis d'introduire quelques éléments moins massifs dans la musique de l'ensemble, apportant un contrepoint de légèreté fort bienvenu.
Pour la deuxième partie du concert, le groupe proposait un nouveau projet : Thôt Twin. L'idée est simple, il s'agit de doubler chaque instrument (sauf la basse, déjà très présente il est vrai). Au quartet de base se sont donc ajoutés Emmanuel Scarpa à la batterie, Damien Cluzel à la guitare et Guillaume Orti au sax alto. Une musique plus écrite, des morceaux plus courts, mais toujours une énergie furieuse. Guillaume Orti, sax de Kartet notamment et pilier de la nébuleuse du Hask, est un formidable musicien, trop méconnu à mon avis. Volontiers libertaire hier soir, il complétait parfaitement la détermination méthodique (sous un dehors chaotique) de Stéphane Payen. Cette nouvelle formation issue de Thôt rappelle le projet "Thôt agrandi" (11 musiciens) qui avait vu le jour en 2002. Elle permet de renforcer les lignes de force du quartet de base, en jouant sur encore plus de combinaisons soniques possibles. Il en résulte une sorte de "funk cérébral" qui épuise et remplit de joie simultanément. Paradoxal, mais enthousiasmant.
William Parker & Ellen Christi - Cereal Music (AUM Fidelity, 2024)
Il y a 18 heures
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