samedi 18 octobre 2025

Shara Nova & Orchestre National Avignon-Provence - The Blue Hour @ Cité de la Musique, vendredi 17 octobre 2025

Les cordes de l'Orchestre National Avignon-Provence, dirigées par Débora Waldman, accompagnaient hier soir la chanteuse américaine Shara Nova pour la création française de la pièce The Blue Hour. Celle-ci a fait l'objet d'un disque paru en 2022 chez New Amsterdam / Nonesuch, avec l'ensemble A Far Cry, que j'avais bien aimé. Il s'agit de la mise en musique de poèmes de Carolyn Forché, extraits de son recueil On Earth publié en 2001. Des textes qui relatent les pensées d'une personne qui passe de vie à trépas, selon le mythe qu'on voit redéfiler des moments de sa propre vie à cet instant précis. Il n'y a pas de trame narrative, plus une succession de pensées et d'images, avec une progression alphabétique - des mots commençant par une lettre commune (en anglais) servant de référence à tel ou tel passage. Le titre de l'oeuvre mise en musique diffère de celui du recueil de poèmes et fait explicitement référence à ce moment entre deux mondes, entre lumière et obscurité, entre le jour et la nuit. 

Shara Nova a composé elle-même une partie de la musique, mais quatre autres compositrices y ont également contribué : Rachel Grimes, Sarah Kirkland Snider, Angélica Negron et Caroline Shaw. Chaque poème - relativement court - est donc confié alternativement à l'une des compositrices. Je reconnais surtour les pièces composées par Caroline Shaw, la seule dont la musique me soit familière. On note des échos entre certaines compositions qui indiquent une compositrice commune, mais dans l'ensemble on est face à un ensemble cohérent, dont il n'est pas toujours évident de distinguer une singularité marquée. On est plus sur le mode de la variation que du patchwork. La musique s'inscrit dans une veine néoclassique plaisante à l'oreille, avec des inflexions presque pop parfois, des réminiscences de minimalisme américain ici ou là mais sans systématisme, et un sens des contrastes qui fait se succéder des grands aplats à l'unisson et des moments plus polyphoniques. 


Shara Nova, qui officie sous le pseudonyme My Brightest Diamond quand elle évolue dans le monde de la pop (j'avoue ne pas connaître), alterne les modes : récitatifs, arias quasi baroques (une citation de Bach au passage), chant pop. On est dans quelque chose de typiquement américain au-delà des genres, où musiques dites savantes et populaires se fondent. On n'est ainsi pas étonné de lire dans le programme de la soirée qu'elle chante aussi à Broadway (la comédie musicale Illinoise en l'occurence). Ni que l'enregistrement de The Blue Hour soit sorti sur Nonesuch, archétype du label américain où se rencontrent les différents genres musicaux mais souvent avec une esthétique un peu arty.

Le cycle complet - quarante poèmes - se déploie sur un peu plus d'une heure et quart et, face aux applaudissements insistants du public (malgré une salle pas complètement pleine, les siège à l'étage sur les côtés sont très clairesemés), les musiciens se plient à l'exercice du rappel avec une joie non dissimulée. On ne boude pas notre plaisir non plus devant ces quelques minutes additionnelles. 

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