Superbe groupe et excellent concert hier soir aux Trois Frères. L'un des tous meilleurs concerts qu'il m'ait été donné de voir cette année. Le saxophoniste Matthieu Donarier échangeait avec le guitariste Manu Codjia et le batteur suédois Joe Quitzke. Jeu fluide, tout en mouvements et sinuosités, à l'instar du corps de Matthieu Donarier qui dansait littéralement en jouant, prenant la forme de son instrument, rythmant de manière très imagée ses belles mélodies.
Les trois compères ne m'étaient pas inconnus. J'avais déjà pu apprécier le jeu tout en souplesse de Matthieu Donarier aux côtés de Gabor Gado et de Daniel Humair, celui félin de Manu Codjia un grand nombre de fois (Texier, Humair, Truffaz, Vignolo, Dr. Knock...), et celui nuancé de Joe Quitzke avec Gabor Gado lui aussi. Ils se sont donc déjà croisés à travers différents groupes et leur complémentarité n'en est que plus belle.
Donarier, aux saxes ténor et soprano, mais aussi à la clarinette et à la clarinette basse, souffle comme s'il chantait une chanson. Pas étonnant d'entendre des mélodies de Trenet ou de Brassens au cours du concert. Mais, même sur ses propres compositions, y compris quand l'écriture puise dans le jazz le plus contemporain, il semble toujours attaché à raconter une histoire.
Manu Codjia, quant à lui, varie habilement son jeu, de délicates griffures en montées d'énergie fulgurantes. Tenant parfois le rôle de bassiste, mêlant à d'autres occasions ses cordes à la ligne mélodique tracé par le saxophone, jouant toujours des effets les plus subtiles (avec quand même six pédales différentes !). Plus je le vois (et c'est assez fréquent), plus je trouve son discours à la guitare comme l'un des plus intéressants développés sur l'instrument actuellement. Très personnel, immédiatement identifiable, mais n'oubliant jamais d'être au service de la musique des leaders pour lesquels il joue. On attend d'ailleurs désormais avec impatience qu'il monte son propre groupe.
Joe Quitzke, troisième sommet de ce beau triangle, est un batteur à la large palette stylistique. Que ce soit dans quelques solos particulièrement énergiques ou dans la mise en place d'un groove subtil et chantant, il assure parfaitement le soulignement rythmique des phrases développées par Donarier et Codjia.
Après deux sets enthousiasmants, qui ont permis de donner une dimension plus incarnée à la musique de leur disque paru l'an dernier sur le label nantais Yolk (Optic Topic), le concert s'est achevé sur une reprise tonitruante et échevelée de A night in Tunisia, standard joué et rejoué, mais qui prenait une dimension magique sous les coups de ce trio qui ne l'est pas moins. S'ils passent près de chez vous, courez les voir, vous ne serez pas déçus !