dimanche 8 mai 2005

Je sais qu'il existe aussi des amours réciproques (... mais je ne prétends pas au luxe) @ Théâtre de l'Atelier, samedi 7 mai 2005

Sous ce long titre énigmatique se cache une adaptation théâtro-musicale de Gros-Câlin, roman de Romain Gary signé Emile Ajar. Mise en scène par Jérôme Kichner, la pièce se joue actuellement au Théâtre de l'Atelier. J'aime bien ce théâtre. C'est là que j'avais notamment pu voir l'adaptation très réussie des Braises de Sandor Marai, avec Claude Rich et Bernard Verley (vous aurez remarqué la subtile allusion destinée à signaler mon retour de Hongrie).

Je sais qu'il existe... est un étrange jeu à trois où se mèlent le texte de Gary, la musique de Benoît Delbecq et l'interprétation d'Irène Jacob, lumineuse dans le rôle de Monsieur Cousin. C'est cette étrange équation à trois illustres inconnues qui m'a attiré vers cette pièce. Il y a en effet tout d'abord toute la prose poétique de Gary qui trâce dans ce roman-monologue le tendre portrait d'un solitaire perdu dans la mégapole parisienne. Il y a ensuite la folie douce et légère d'Irène Jacob (c'est en tout cas l'image que j'ai d'elle), qui colle parfaitement au personnage de Monsieur Cousin. Il y a enfin la mise en musique de la pièce par Benoît Delbecq, pianiste essentiel du jazz hexagonal ces dix dernières années, au sein de groupes comme Kartet, les Amants de Juliette, The Recyclers, Ambitronix ou sous son propre nom. Evoluant au confluent du jazz (tendance M-Base), de la musique contemporaine (Ligeti notamment) et des musiques électroniques, son univers particulier est très bien intégré à la pièce.

D'une durée relativement courte (un peu plus d'une heure), cette pièce est en fait un concentré de petits bonheurs en tous genres. L'air ingénu avec lequel Irène Jacob interprète Monsieur Cousin est le point central qui capte toute l'attention. Mais la mise en sons (musique, bruits électroniques, phrases samplées...) tisse un écrin parfait pour l'actrice qui peut ainsi laisser libre cours à son rôle de personnage décalé (elle pousse la chansonnette, esquisse quelques pas de danse...). L'histoire en elle-même (l'adoption d'un python par un être désespérément seul, pour combler son manque d'amour) et surtout les répliques ciselées par la plume de Romain Gary, sortent renforcées de cette interprétation quasi féérique. Irène Jacob oscille ainsi constamment entre le monde de l'enfance et celui des adultes, ce qui correspont tout à fait à l'esprit du roman de Gary.

Enfin, dernière grande réussite de cette pièce, l'utilisation du media video, à travers la projection d'images, d'ombres, de formes géométriques au cours de la pièce, comme un écho à la musique de Delbecq. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que cette accumulation d'éléments multimédia (sons, images, texte...) ne gène pas du tout le déroulé de la pièce, bien au contraire. On est loin du trop plein. L'esthétique générale reste dans un pointillisme minimaliste remarquablement mis en scène par Jérôme Kichner. Un bien joli moment de théâtre.

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