dimanche 29 septembre 2024

Satoko Fujii, Natsuki Tamura, Ramon Lopez @ 19 Paul Fort, mercredi 25 septembre 2024

C'est étonamment la première fois que je chronique un concert donné au 19 rue Paul Fort. Non que ma fréquentation de ce lieu atypique, au sous-sol de chez Hélène Aziza, soit particulièrement assidue - ce n'était que la quatrième fois en l'espace de dix ans (avec certes six ans loin de Paris) - mais les trois précédentes fois restent des souvenirs marquants. Il y a avait d'abord eu la rencontre entre Benoît Delbecq, Taylor Ho Bynum, Mary Halvorson et Tomas Fujiwara en 2014, avant qu'ils ne prennent le nom d'Illegal Crowns et sortent trois albums sous ce nom. Puis, à nouveau Benoît Delbecq l'année suivante, en duo cette fois-ci avec Ben Goldberg. Plus récemment, le trio de Tony Malaby, Angelica Sanchez et Tom Rainey, en 2022. 

C'est à une nouvelle rencontre rare en terres parisiennes - leur premier concert sous ce format hors du Japon - que nous conviait la propriétaire des lieux. La seule et unique fois où j'avais pu voir la pianiste Satoko Fujii en concert remonte déjà à 2010, et avait pour cadre le festival de Saalfelden, en Autriche, pour un duo avec la violoniste Carla Kihlstedt. Quant à Natsuki Tamura, trompettiste et mari de Satoko à la ville, c'était la première fois que je le voyais. 


De ces trois-là, Ramon Lopez complétant le trio à la batterie, on est en droit de s'attendre à une musique "libre", héritée du free jazz, laissant toute sa place au bruit, aux vrombissements et autres accidents de parcours. Si ces éléments sont bien entendus présents ici ou là, leur musique est loin de s'y résumer. Ce qui frappe tout d'abord, c'est le caractère ramassé des morceaux : leur longueur fait plus penser au format chanson qu'à de longues chevauchées improvisées. Chaque morceau ne développe ainsi qu'une ou deux idées, sans chercher à en épuiser l'ensemble des possibles. Le recours aux techniques étendues - mailloches sur les cordes du piano, souffle frémissant a-mélodique à travers la trompette - est, lui aussi, utilisé avec parcimonie. Respiration ou ponctuation, ce n'est pas le coeur de leur discours. A la place, des jeux sur les dynamiques, les vitesses et les contrepoints. Des mélodies simples, mises en relief par un discours rythmique inventif. Une joie de jouer, et de se retrouver par delà la distance qui sépare Tokyo (Satoko Fujii et Natsuki Tamura) de Paris (Ramon Lopez). Une musique fraîche, espiègle et surprenante, dont la rareté ne fait qu'accroitre le plaisir qu'elle procure. 

Raphaël Pichon & Pygmalion - Les Vêpres de la Vierge @ Philharmonie de Paris, mercredi 18 septembre 2024

Alors que l'orchestre et le choeur viennent à peine de s'installer sur scène, une voix retentit du second balcon. Pour cette interprétation du chef d'oeuvre de Monterverdi, Raphaël Pichon, à la tête de son ensemble Pygmalion, a fait le choix d'habiter la totalité de l'espace offert par la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie. Si l'on commence au second balcon, pendant tout le concert, les solistes se retrouveront dispersés aux quatre coins de la salle : simplement devant nous, sur le devant de la scène, ou bien derrière nous, en fond de salle, au premier comme au deuxième balcon, sur les côtés comme juste au-dessus de nous. Cette spatialisation de l'oeuvre se fait tout naturellement - les chanteurs sortent discrètement de scène pendant que la musique continue - et nous prend donc plus d'une fois par surprise. 


Raphaël Pichon, au corps sec et élancé, dirige l'ensemble instrumental sommes toutes assez limité - une vingtaine de musiciens - et le choeur - une treintaine de choristes - de gestes énergiques, qui paraissent sacadés et rigides à l'oeil, mais dont le rendu à l'ouie est une pure merveille. On est bien loin d'un effectif symphonique dont le son envahirait toute la salle. Ici, tout est plutôt affaire de subtiles nuances, comme un pont jeté entre polyphonies de la Renaissance tardive et contrepoint baroque naissant, entre musique sacrée destinée à glorifier l'Eglise et opéra profane mettant en avant les chanteurs solistes. L'ensemble Pygmalion trouve l'équilibre parfait et il est à ce jeu bien difficile de mettre plus en avant l'un ou l'autre des solistes, l'ensemble instrumental ou le choeur, même si le ténor Zachary Wilder me réjouit particulièrement. La diversité de la partition renouvelle sans cesse l'attention durant les presque deux heures que dure le concert. Triomphe, mérité, d'applaudissements lorsque la dernière note retentit.

lundi 22 avril 2024

Jeanne Added - The Joni Mitchell Songbook @ Philharmonie de Paris, dimanche 21 avril 2024

En début d'année, à l'occasion du concert des Pensées Rotatives de Théo Girard, je rappelais le rôle matriciel joué par le Bruit du [sign] dans certaines de mes fidélités musicales. Une nouvelle preuve en était donnée hier soir avec le concert de Jeanne Added à la Philharmonie sur le répertoire de Joni Mitchell. Elle a beau être devenue une sorte de pop star ces dernières années, Jeanne Added reste d'une certaine manière, pour moi, liée à jamais à ce groupe dans lequel je l'ai découverte, entendu de nombreuses fois en concert dans les années 2000, et encore plus, depuis, sur les deux disques qu'il a enregistré au cours de son existence. La dernière fois que j'avais vu Jeanne Added sur scène remonte à plus de dix ans. Il s'agissait d'un concert en solo, dans le cadre de Jazz à la Villette 2012, dans lequel on sentait poindre l'envie d'aller voir vers des territoires plus pop comme je le notais alors. Ses disques sous son nom, de Be Sensational (Naïve, 2015) à By Your Side (Naïve, 2022), lui ont ainsi permis depuis de considérablement élargir son public - une juste récompense pour l'une des voix les plus exceptionnelles de la scène française, tous genres confondus. 

Ce concert de la Philharmonie marquait toutefois comme une sorte de "retour aux sources", puisque les musiciens qu'elle avait choisis pour l'accompagner étaient ceux d'un compagnonnage de longue date, comme elle le notait mezzo voce vers la fin du concert, qui remonte à ces années 2000, plus jazz, même s'il ne faut surtout pas entendre ce mot dans son aspect patrimonial ici. Il y avait tout d'abord Vincent Lê Quang (sax soprano) et Bruno Ruder (piano) avec qui elle formait le trio Yes Is A Pleasant Country. Puis, bien entendu, Vincent Courtois (violoncelle) dont elle avait marqué le quartet à la même époque que je la découvrais avec le Bruit du [sign], à tel point que je ne suis plus très sûr aujourd'hui dans laquelle des deux formations je l'ai entendue en premier pour être honnête. Sarah Murcia (contrebasse) également, avec laquelle elle partage un goût pour les crossovers musicaux pleinement démontré hier soir. Et enfin, joyau sertissant cette couronne de musiciens l'entourant hier, Marc Ducret (guitare). Que des noms porteurs d'une promesse d'excellence, mais qui ont pourtant réussi à excéder toutes nos attentes. 


De manière assez exemplaire, la disposition de la scène de la Philharmonie était en mode "musique de chambre" (avec le public à 360°) et non "musique amplifiée" (avec la scène repoussée en fond). L'absence de batterie ou d'instrument électrique (Marc Ducret avait abandonné ses multiples pédales d'effet pour l'occasion) permettait ainsi une approche centrée sur la voix de Jeanne Added, juste soulignée ce qu'il faut par la qualité des arrangements de Vincent Lê Quang. N'intervenant par ailleurs qu'au soprano, ce dernier rappelait la collaboration au long cours entre Wayne Shorter et la chanteuse canadienne. Car, si Jeanne Added a jusqu'ici eu un parcours la menant du jazz vers la pop (pour le dire vite, et de manière nécessairement caricaturale), Joni Mitchell a elle suivi un parcours inverse, de la folk vers une musique invitant de plus en plus le jazz - ou en tout cas de grands jazzmen - au cours de sa carrière. Rien d'étonnant à ce qu'elles se rencontrent, virtuellement, à l'occasion de ce concert. 

Je suis loin de connaître toute la discographie de Joni Mitchell, mais j'ai quand même eu le plaisir de reconnaître quelques morceaux : Free Man in Paris et Down To You, extraits de Court and Spark (Asylum, 1974), The Hissing Of Summer Lawns de l'album du même nom (Aylum, 1975) ou les tubesques Circle Game et Both Sides Now en conclusion du concert. Mais, même sans être capable de mettre un titre sur chacun des morceaux, on reconnaît partout la qualité de l'écriture de la grande canadienne, et son approche crossover particulièrement sublimée par les arrangements et l'instrumentation d'un soir. Si tous les musiciens restent constamment sur scène, les formats orchestraux varient d'une chanson à l'autre. On notera particulièrement un morceau en trio, au format Yes Is A Pleasant Country (Added, Lê Quang, Ruder), suivi par un autre avec au contraire seules les cordes (Murcia, Courtois, Ducret) pour soutenir la voix de Jeanne. Ou, lors des rappels, un formidable duo Ducret/Added conclu par la chanteuse d'un émouvant car spontané "j'ai chanté A Case Of You en duo avec Marc Ducret !" Par cette simple remarque, on percevait tout le plaisir que Jeanne Added prenait, encore émerveillée d'avoir réussi à réunir un tel line up magique pour interpréter le répertoire d'une de ses idoles. Cette spontanéité n'était pas pour rien, loin de là, dans le plaisir qu'on prennait également comme spectateur, au-delà du répertoire, des arrangements, des musiciens et de la voix de Jeanne Added !

dimanche 7 avril 2024

Jason Moran plays Duke Ellington @ Cité de la Musique, vendredi 5 avril 2024

Depuis qu'il a lancé sa carrière comme leader au tournant du millénaire, Jason Moran a toujours cherché à relier la tradition du piano jazz à ses développements plus contemporains. Il y a dix ans il consacrait par exemple un disque à Fats Waller (All Rise, Blue Note, 2014) mais qui penchait plus du côté d'une relecture, électrique, toute personnelle (le disque était produit par Meshell Ndegeocello) que d'une interprétation à la lettre d'une musique d'une autre époque. De la même manière, j'avais eu l'occasion, à deux reprises, de le voir en concert honorer la mémoire de Thelonious Monk, et notamment le répertoire du fameux concert au Town Hall de 1959 (à Banlieues Bleues en 2009 et à Prague en 2017). Ses propres disques alternent compositions personnelles et interprétations de morceaux de grands noms du clavier jazz (de James P. Johnson à Muhal Richard Abrams en passant par Mal Waldron ou Jaki Byard, qui fut d'ailleurs son professeur). Sur Black Stars (Blue Note, 2001), on trouve même un Kinda Dukish ellingtonien. Rien d'étonnant, finalement, à ce qu'il se présente donc, deux soirs de suite, sur la scène de la Cité de la Musique pour rendre hommage à l'un des compositeurs et pianistes les plus essentiels de l'histoire du jazz. 


Afin d'illustrer différents aspects de l'art du Duke, le concert est organisé en deux sets : tout d'abord une interprétation en solo de quelques standards plus ou moins célèbres, puis une démonstration de swing à la tête d'un big band composé de jeunes musiciens français et américains. Pour la première partie, Jason Moran emmène les compositions d'Ellington vers ses propres territoires, c'est à dire une vision forcément modernistic pour reprendre le titre de l'album solo (Blue Note, 2002) qui a permis à Moran de se faire définitivement un nom sur la scène jazz contemporaine. Un titre tiré du nom d'une composition de James P. Johnson, héros du piano stride dans le Harlem des années 1920, You've Got To Be Modernistic. James P. Johnson qu'Ellington alla justement trouver à Harlem lorsqu'il débarque à New York à l'époque pour lui jouer son Carolina Shout... que Moran interprète donc après avoir rappelé cette tranche d'histoire. Après des interprétations de I Got It Bad (And That Ain't Good), Black And Tan Fantasy ou Wig Wise, Moran honore également la mémoire de Billy Strayhorn, compagnon ô combien essentiel du Duke, à travers une relecture profonde de Lotus Blossom. Ce premier set est une merveille d'équilibre, entre respect pour son modèle et nécessaire appropriation dans l'interprétation. 


A l'inverse, le début du second set m'inquiète un peu. Sur les trois premiers morceaux, je trouve le big band bien trop respecteux du son d'époque. Chacun s'applique à reproduire à la lettre une musique qui a quand même quelques décénies au compteur. Du coup, si la forme du swing est là, il en manque l'essence - la jouissance du moment présent. Les - courts - solos des uns et des autres semblent trop planifiés à l'avance et ne font pas sentir leur nécessité, au moment où ils émergent de la masse orchestrale. Heureusement, au fur et à mesure du concert, les jeunes musiciens semblent se libérer. Le choix des compositions, moins ouvertement ancrées dans l'ère swing, leur permet de varier les plaisirs et de faire preuve de plus de subtilité et de personalité dans l'interprétation. Des couleurs plus en clair-obscur s'immiscent ici ou là malgré le caractère nécessairement rutillant des douze pupitres de soufflants (5 anches, 3 trombones, 4 trompettes). Moran dirige depuis le piano, se lève parfois pour encourager tel ou tel, et prend visiblement de plus en plus de plaisir au fur et à mesure du concert, mettant bien en avant la grande plasticité de l'oeuvre d'Ellignton. A la fin du concert, il incite chacun à se présenter rapidement en faisant passer un micro de pupitre en pupitre. Pour le rappel, il revient avec la seule Anouk Chemla, au chant, pour une interprétation qui allie retenue et intensité de Come Sunday, standard d'entre les standards, tiré de la Black, Brown and Beige Suite et magnifié en son temps par Mahalia Jackson. La jeune chanteuse française, élève de Moran au New England Conservatory, n'a pas à rougir de la comparaison.

samedi 6 avril 2024

Ganavya / Amirtha Kidambi's Elder Ones @ La Dynamo, jeudi 4 avril 2004

L'édition 2024 du festival Banlieues Bleues s'achève déjà et je n'en aurai pas beaucoup profité cette année. Un seul concert, mais quel concert (surtout la deuxième partie) ! Pour son avant-dernière soirée, le festival mettait à l'honneur deux musiciennes américaines qui partagent une même origine tamoule. Et, si on entend d'évidentes traces laissées par la fréquentation de la musique carnatique chez chacune d'entre elles, le résultat est en bien des points diamètralement opposé dans la manière dont elles hybrident ces traces avec les ramifications du grand fleuve des musiques issues du jazz. A Ganavya, des développements modaux subtils, sans doute plus proches de la tradition, juste soulignés par un piano bleuté. A Amirtha Kidambi, des inflections dans la voix qui s'immiscent dans de puissantes protest songs servies par un free jazz incandescant. 


Sur le programme, il était annoncé un concert en solo, pourtant lorsqu'elle arrive sur scène, Ganavya Doraiswamy de son nom complet, est accompagné par un pianiste, Richard Sears. Avant de commencer, elle repère au premier rang un violoniste amateur avec qui elle a visiblement eu l'occasion de discuter avant le concert. Elle lui propose de les rejoindre sur scène pour improviser. Ganavya s'empare alors d'une contrebasse (dont elle ne se servira en fait que pour ce premier morceau), et ils improvisent à trois autour des mélopées développées par la voix d'une grande pureté de la leader. Après cette introduction généreuse, le concert se resserre sur le duo chant/piano. Inspirée par les traditions vocales du sud de l'Inde, Ganavya n'en chante pas moins en anglais. Ce qu'on perd en harmonie entre la prosodie du tamil et les rythmes de la musique carnatique, on le gagne en intélligibilité. Le morceau de bravoure de cette première partie est un long morceau d'une vingtaine de minutes, construit sur un crescendo rythmique, au cours duquel la chanteuse et le pianiste jouent au chat et à la souris afin de faire monter en tension la trame rythmique sur laquelle ils s'appuient. Cela finit avec une densité bienvenue, qui fait malheureusement un peu défaut pendant le reste du concert. Si ce morceau captive grâce à son développement progressif, ce n'est pas toujours le cas de morceaux plus anecdotiques, plus courts, certes servis par une voix admirable, mais qui n'évitent pas toujours l'impression de redite ou d'ennui. 

Jusqu'à présent, je connaissais surtout Amirtha Kidambi pour sa participation au groupe Code Girl de Mary Halvorson (deux disques et un concert à Lisbonne en 2019), même si je l'avais découverte en fait un peu plus tôt, à Wels en 2017, avec le groupe Seaven Teares. Elle entamait ce soir une tournée européenne pour soutenir la sortie récente du troisième album de son groupe Elder Ones sur l'excellent label finlandais We Jazz. Si je ne connais pas les deux premiers, ce nouvel opus est très convaincant, et offrait une bonne raison de venir voir en live ce que ça donne. Pour l'accompagner, la chanteuse (également à l'harmonium et au synthé) s'est entourée d'un groupe superlatif : Matt Nelson au sax soprano, Alfredo Colon au sax ténor, Lester St. Louis à la contrebasse et Jason Nazary à la batterie et aux percussions digitales. Les deux derniers, déjà entendus aux côtés de la regrettée Jaimie Branch (sur les disques de son groupe Fly or Die et lors d'un concert à Berlin en 2018, au violoncelle, pour le premier ; sur disque, au sein du groupe Anteloper pour le second). Ils développent une musique d'une incroyable densité, entre héritage free et sens du groove, qui les rapproche quelque part d'Irreversible Entanglements - même communauté d'esprit. 


Sur cette musique en combustion permanente, Amirtha Kidambi peut faire parler toute la puissance de sa voix, qu'elle module constamment, afin d'habiter ses hymnes protestataires destinés à ériger de "nouveaux monuments". New Monuments, c'est en effet le titre du plus récent disque du groupe (et de l'une des chansons du concert). Amirtha Kidambi explique que cela fait référence aux monuments destinés à remplacer les anciens vestiges du colonialisme - statues qu'on déboulonne - et que cela lui a été inspiré par une photo de George Floyd collée sur le visage d'une statue d'un général à Brooklyn lors d'une manifestation du mouvement Black Lives Matter à laquelle elle participait. Les thèmes des différents morceaux sont de nature à provoquer des crises cardiaques en série chez tous les Pascal Praud du moment qui innondent le P.A.F. de leur bile réactionnaire (peut-être une idée ?) : Third Space explore les identités hybrides des descendants d'anciens territoires colonisés qui grandissent en occident ; Farmer's Song fait référence aux protestations de masse des agriculteurs indiens ces dernières années ; The Great Lie dénonce les nouvelles figures du fascisme contemporain ; quant au rappel, Decolonize Your Mind, son titre semble suffisamment clair pour ne pas en rajouter. Le bourdon de l'harmonium et les synthés et machines manipulés par la leader et le batteur créent comme un halo permanent, transpercé par les saillies free des saxophones et la voix d'Amirtha Kidambi, dont les quelques échos de musique carnatique débouchent sur une incarnation puissante, autant instrument à moduler que chant aux paroles explicites. Avec une telle bande son, les luttes collectives contemporaines ont déjà un présent qui chante - pour les lendemains, l'horizon politique actuel n'incite malheureusement pas à l'optimisme.