Deux semaines après ses Pensées Rotatives, Théo Girard remettait en quelque sorte ça, pour une nouvelle expérience d'orchestre à 360°. Le principe est en effet le même avec ce Discobole Orchestra : une couronne de soufflants qui encercle le public et le groupe-coeur au centre de la salle. Quelques variations tout de même. Au centre de l'attention, cette fois-ci, un quartet voix-guitare-basse-batterie. Si on retrouve Ianik Tallet à la batterie et Théo Girard, donc, à la contrebasse, le coeur de l'orchestre est complété par Stéphane Hoareau à la guitare et par la chanteuse de maloya Christine Salem. Et ce sont ainsi les rythmes réunionais qui sont mis à l'honneur.
Le nom de l'orchestre fait directement référence à la Compagnie du Discobole, cofondée et cogérée par Théo et Stéphane, qui abrite notamment le label Discobole Records qui documente les groupes menés par l'un et l'autre (ou les deux à la fois) ainsi que ceux de quelques amis. J'ai déjà rappelé dans ma chronique des Pensées Rotatives que j'avais découvert Théo dans le Bruit du [sign] en 2006. Pour ce qui concerne Stéphane, c'était à peu près à la même époque, dans le trio NHOG aux côtés, tiens donc, de Théo, pour un concert organisé par l'association Sophie Aime qui émanait... du Bruit du [sign]. Depuis, les deux complices ont, notamment, monté des groupes explorant le maloya sous différents angles, de G!rafe mettant à l'honneur les textes d'Alain Peters (traduits et récités en français) à Trans Kabar qui instille une bonne dose de rock dans les rythmes réunionais. Vendredi, ce sont en fait les 3/4 de ce dernier groupe qui se retrouvaient au centre du Studio de l'Ermitage, avec Christine Salem "remplaçant" en quelque sorte Jean-Didier Hoareau au chant et au kayamb.
Si on retrouve certains des musiciens des Pensées Rotatives dans la couronne de soufflants, il y a là aussi quelques variations par rapport au précédent concert. Tout d'abord dans l'instrumentation, puisque les saxophones ténor ont laissé la place à des trombones aux côtés des trompettes et des saxophones alto. On notera aussi au passage la belle parité de l'orchestre : 8 musiciens et 8 musiciennes. La disposition est par ailleurs un peu différente : là où ils étaient disposés à équidistance les uns des autres telles les heures d'une horloge il y a deux semaines, ils sont désormais regroupés par trois (un trombone, une trompette, un sax alto) et sont disposés aux quatre points cardinaux. Enfin, le public se tient debout et circule donc entre le quartet central et les soufflants. Il faut dire que la frénésie des rythmes du maloya est propice au dodelinement de têtes et donne envie de se dégourdir les jambes. Impossible d'écouter une telle musique en restant sagement assis.
Le concert commence sur les chapeaux de roue. La voix grave si singulière de Christine Salem produit une transe entrainante quand elle répète en boucle le même mot, souligné par les unissons puissants des cuivres et des anches. Le rythme du concert est le plus souvent enlevé, frénétique, hypnotique, plein de denses polyrythmies. Les quelques morceaux plus calmes s'invitent comme d'utiles respirations pour repartir de plus belle sur les rythmes endiablés qui suivent. Particulièrement généreux - deux heures non stop - les musiciens prennent un plaisir visible à entraîner le public dans leur transe festive. Le répertoire allie des morceaux de Christine Salem (pour ceux que je peux identifier, tel cet hommage à Mandela) et des compositions de Stéphane Hoareau, sur des arrangements de Théo Girard pour le grand format de l'orchestre. Les soufflants se voient offrir quelque solos chacun leur tour. L'occasion de sortir un peu de l'ombre tour à tour Judith Wekstein, Morgane Pommier, Gabrielle Rachel et Thibault du Cheyron aux trombones, Hector Léna-Schroll, Achille Alvarado, Jérôme Fouquet et Antoine Berjeaut aux trompettes, Juliette Marcais, Cléa Torales, Florence Kraus et Léa Ciechelski aux saxes alto.
Mais, comme avec les Pensées Rotatives, ce qui, indéniablement, distingue cet excellent concert d'un autre bon concert, c'est la sensation de circuler au coeur de l'orchestre, d'entendre la musique nous parvenir à 360°, de soudain entendre un trombone nous surprendre dans l'oreille droite, avant que le sax ne lui réponde à gauche. Peut-être encore plus nécessaire pour une musique d'une telle densité rythmique. Pris au coeur du rituel d'une ancestrale confrérie du souffle, ouverte et accueillante, on s'abandonne facilement à la musique et à la joie qu'elle diffuse. Un grand merci (et bravo) à Théo Girard pour cette double proposition parisienne à quelques jours d'intervalle. Et pour prolonger cela, un disque du Discobole Orchestra devrait sortir prochainement. A ne pas manquer !
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