samedi 10 août 2019

Théo Ceccaldi - Freaks @ Fundação Calouste Gulbenkian, jeudi 8 août 2019

Un an après, retour à Lisbonne pour assister à quelques concerts de la toujours enthousiasmante programmation de Jazz em Agosto, en l’occurrence les quatre derniers soirs. Cela commence jeudi avec le sextet Freaks mené par Théo Ceccaldi.

Avec ce groupe, le violoniste explore une part plus rock de ses amours musicales. Ce qui retient d’emblée l’attention, c’est ainsi l’omniprésence de la paire rythmique formée par Étienne Ziemniak à la batterie et Stéphane Decolly à la basse électrique. Ils assurent un rythme enlevé tout au long du concert, déployant une énergie contagieuse, nourrie de sonorités rock voire electro. Le bassiste n’était pas à l’affiche de la formation d’origine (Valentin Ceccaldi au violoncelle assurait ce rôle), et d’ailleurs il me semble le seul de la troupe à avoir recours à des partitions, mais il est une colonne vertébrale essentielle pour la musique proposée. Essentielle car les paysages musicaux parcourus sont si divers qu’il faut absolument un liant fort pour éviter le risque de la dispersion. Il y a en effet tour à tour des échos de jazz fusion très 70s, notamment dans les sonorités du violon électrique du leader ; d’art du zapping qui fait penser à la downtown scene des 80s ; de fiévreux solos free, notamment des deux saxophonistes, Quentin Biardeau au tenor et Mathieu Metzger à l’alto et au baryton ; des mélodies qui semblent tout droit sortie d’un bal populaire, alliant lisibilité pop et « pompe » rythmique destinée à la danse ; et un art du pastiche qui irrigue de nombreuses compositions telle ce « Henry m’a tuer » qui part sur un rythme typique des compositions d’Henry Threadgill.


A vrai dire, c’est parfois un peu trop. On ne sait plus vraiment où ils veulent en venir, comme cette longue suite entamée par une chanson d’amour parodique qui s’allonge sur 20-30 minutes pour que tout le monde puisse avoir droit à un solo démonstratif. De plus, j’ai toujours trouvé particulièrement délicat l’usage de l’humour en musique. Le juste équilibre est difficile à trouver, et cela peut vite virer au potache faisant écran à l’écoute attentive. De manière anecdotique mais symptomatique, l’accoutrement des musiciens (l’un en kilt, l’autre en jogging, portant des chemises criardes volontairement ringardes) tend à confirmer ce risque. Bien sûr, cela fait partie de la démarche (le groupe ne se nomme pas Freaks pour rien), mais à trop s’y complaire, n’y a-t-il pas un risque de diluer l’écoute dans un cumul d’à-côté peu valorisant ?

Je ne voudrais néanmoins pas être trop dur car, premièrement il y a tellement d’ingrédients différents que le concert offre quand même de nombreuses occasions de prendre du plaisir - tel solo de Quentin Biardeau, l’apport souvent discret mais élégant de Giani Caserotto à la guitare - et deuxièmement on sait pour les avoir entendus dans d’autres contextes que les musiciens assemblés pour l’occasion, à commencer par le leader lui-même, n’ont pas besoin de démontrer outre mesure toute la musicalité dont ils sont capables. On dira juste que mes goûts personnels sont plus sensibles à ce que Théo Ceccaldi a pu produire dans des contextes plus « chambristes » (La Scala, Petite Moutarde, le Velvet Revolution de Daniel Erdmann...), et que cela n’a en rien empêché un accueil très chaleureux du public portugais.

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