dimanche 4 mai 2008

Alexandra Grimal @ Les Disquaires, mercredi 23 avril et vendredi 2 mai 2008

Reprendre le chemin du blog, retrouver le goût d'écrire sur la musique. Difficile. Après plus de trois ans à chroniquer un maximum de concerts, la sensation de s'être un peu usé, laissé prendre par des formules trop souvent répétées, est un frein non négligeable mis à l'envie moteur du départ. Pourtant, il y a comme un manque à ne pas coucher sur le papier-écran ne serait-ce que quelques lignes. Comme si le concert n'était pas tout à fait achevé. La mémoire de riches soirées sonores se nourrit de l'exercice de mise en mots qui leur fait suite. Alors, s'y remettre. Encore. Parce qu'il n'y a en fait pas d'alternative.

Pour replonger, rien de tel que la résidence actuelle aux Disquaires développée par une musicienne vue à de nombreuses reprises ses dernières années. Construction patiente d'un univers personnel particulièrement intéressant. Après le foisonnement tous azimuts qu'Alexandra évoquait dans l'interview qu'elle m'avait accordée pour CJ il y a un peu moins de deux ans, on sent aujourd'hui comme une phase de consolidation, du discours comme des groupes. Il y a certes toujours chez elle ce besoin de multiplier les projets et les rencontres, mais on perçoit désormais également la nécessité de stabiliser des collaborations, de développer sur le plus long terme un corpus de compositions qui forment à présent les bases d'une démarche singulière. Côté groupes, le quartet acoustique qu'elle forme avec Giovanni Di Domenico, Manolo Cabras et Joao Lobo comme le trio électrique avec Antonin Rayon et Emmanuel Scarpa ont désormais une existence pluri-annuelle qui en font les deux piliers-laboratoires de son univers. Au-delà de ces deux ensembles, il y a aussi quelques rencontres au long cours comme les échanges répétés avec Nelson Veras. On retrouvait ainsi le guitariste brésilien dans les deux concerts de l'actuelle résidence d'Alexandra auxquels j'ai assisté jusqu'à présent.

Tout d'abord, mercredi 23 avril, une rencontre avec la chanteuse Jeanne Added - autre jeune musicienne dont je pense le plus grand bien et déjà vue à de nombreuses reprises, de Bruit du [sign] en Poète, vos papiers, en passant par Vincent Courtois ou l'Ensemble Cairn. Pour l'occasion, nouvelles compositions pour un quintet qui outre les deux jeunes femmes comptaient en ses rangs Nelson Veras donc, mais aussi Joachim Florent à la contrebasse et Patrick Goraguer à la batterie. Une soirée pour le côté nouvelles rencontres.

Ensuite, vendredi 2 mai, un quartet avec toujours Nelson Veras et Patrick Goraguer, auxquels s'adjoignait Jozef Dumoulin au fender rhodes. Un groupe pour le côté approfondissement. Des musiciens croisés régulièrement ces dernières années, et un répertoire avec quelques compositions désormais familières (Elks around !), développées au sein du quartet acoustique.

Il y a des points communs aux deux concerts, comme le travail épatant sur le jeu de groupe, les jonctions entre les différentes phases d'un morceau, le fondu des solos dans une ambition plus collective. Les éléments rythmiques tirant sur un certain rock - pas si éloignés par exemple du Bruit du [sign] - apportés par le batteur forment un contraste saisissant avec le jeu souvent tout en retenue de Nelson Veras, guitariste de la surprise, qui lance des phrases inattendues, douces et liquides, et pourtant rythmiquement solidement charpentées (on ne joue pas avec Steve Coleman sans conséquence), ce qui crée un décalage onirique au sein de l'ensemble. Alexandra Grimal tire profit de ce paysage mouvant pour donner de l'épaisseur à ses compositions, sans nécessiter aucune esbroufe ou débauche de puissance tapageuse. Elle privilégie les climats, dans la lignée (toutes proportions gardées) d'un Wayne Shorter autant nourri de ses expériences au sein de la machine hard bop d'Art Blakey que des lignes électriques de Weather Report. Goût de l'entre-deux qui débouche sur une démarche particulièrement en phase avec ce que le jazz contemporain propose de plus intéressant. La solidité du discours au soprano (le 2 mai uniquement) accentue bien entendu le parallèle.

Au-delà de ce fonds commun, chaque concert avait néanmoins ses particularités. Avec Jeanne Added, un brin d'espièglerie et pas mal de fraicheur. Avec Jozef Dumoulin, le plaisir des jouets électriques, du bidouillage des claviers et la recherche d'un développement très organique de la musique, bien au-delà de l'exposé successifs de solos et de thèmes. Sans oublier le plaisir d'entendre Alexandra au ténor et au soprano lors du deuxième concert. Et à chaque fois, la sensation d'assister à une œuvre en phase "laborantine". Des projets multiples développés sur trois mois aux Disquaires dans le but d'affiner, et affirmer, une démarche. Précieux. Pour ne pas louper là suite, commencez par cliquer.

A lire ailleurs :
- Jazzques, sur un récent concert à Bruxelles
- Thierry Quénum, sur le concert du 1er mai aux Disquaires
- Franck Bergerot, sur le concert du 2 mai aux Disquaires

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